Des chantiers concrets pour l'enseignement supérieur et la recherche en 2023

Dahvia Ouadia Publié le
Des chantiers concrets pour l'enseignement supérieur et la recherche en 2023
De nombreux dossiers attendent la ministre de l'Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, ici aux côtés du ministre de la Santé, François Braun. // ©  Romain GAILLARD/REA
Qui dit nouvelle année, dit nouveaux enjeux... ou presque. En ce début d'année 2023, EducPros dresse les principaux enjeux dans l'enseignement supérieur et retrace surtout les principaux dossiers qui devront "atterrir" cette année. Focus.

Plateforme unique de candidature en master, réforme des bourses, crise énergétique, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPR), lutte contre les violences sexistes et sexuelles… les chantiers sont nombreux pour l'enseignement supérieur en ce début d’année 2023. Une année "d’atterrissage" pour le ministère qui souhaite voir aboutir ces dossiers.

EducPros fait un récap' des principaux grands enjeux qui sont attendus pour le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, les établissement du supérieur et les étudiants.

La réforme des bourses sur critères sociaux, un enjeu essentiel pour 2023/2024

Cette réforme des bourses sur critères sociaux était attendue depuis longtemps, notamment par les syndicats étudiants. Elle est enfin à l’agenda politique avec une concertation mise en place depuis l’automne 2022. Un premier bilan doit prochainement intervenir et la réforme doit se mettre en place en plusieurs temps.

Après une première revalorisation des bourses Crous de 4% à la rentrée dernière, le ministère prévoit de concrétiser de premières mesures dès la prochaine rentrée puis de lancer l’ensemble de la réforme en 2024-2025.

Les syndicats étudiants sont fortement mobilisés sur cette problématique et attendent des changements de fond sur le système de bourse sur critères sociaux. La Fage demande par exemple la défamiliarisation de l’aide pour que l’attribution de la bourse ne soit plus basée sur le quotient familial d’autant que certains étudiants ne reçoivent pas d’aides de leurs parents. L’Unef, quant à elle, propose de nouveau la création d’une allocation d’autonomie pour les étudiants.

Des universités mobilisées par la plateforme de candidatures unique en master

Annoncée en septembre par la ministre de l’Enseignement supérieur, la nouvelle plateforme de candidatures unique en master sera lancée en février 2023. Elle a pour objectif de simplifier le processus de candidature des étudiants qui devaient jusqu’alors s’inscrire dans chaque université via la plateforme e-candidat.

Si cette évolution est une bonne nouvelle pour les étudiants, elle implique une charge de travail supplémentaire pour les universités dont les personnels doivent se mobiliser sur un projet qui n’était pas prévu à cette période de l’année. Par ailleurs, l’Unef s'inquiète d'un "manque de transparence" autour de cette plateforme – qui n’a toujours pas de nom –, car il y a peu d’information sur son fonctionnement.

Le syndicat étudiant craint aussi l’instauration d’un algorithme pour classer les dossiers. Car ce dispositif fonctionne sur le même principe que Parcoursup avec la possibilité de formuler 15 vœux en formation initiale et 15 vœux en formation par apprentissage. Charge ensuite aux universités de classer les dossiers.

Patrick Courilleau, vice-président formation et vie étudiante à CY Cergy Paris université, se veut rassurant : "les modalités de recrutement ne sont pas modifiées. La seule différence, c'est que tout passe sur une plateforme nationale, avec un calendrier national et une gestion nationale des listes d’attente."

La réforme des études de santé toujours dans le viseur

Autre chantier pour la ministre, gérer l'application de la réforme des études de santé – notamment celle du premier cycle – dont l’application reste aujourd’hui chaotique. En effet, la suppression de la PACES et du numerus clausus ayant laissé place aux PASS et aux L.AS, les universités sont beaucoup plus autonomes dans les modalités de sélection des étudiants pour intégrer la deuxième année d’études de santé. Avec des écueils toutefois. Ainsi, certaines universités ont pu donner un poids très important aux oraux – parfois l’oral a pu représenter plus de 50% de la note globale – un extrême qui a donné lieu à des contestations d’étudiants s’estimant lésés.

Par ailleurs, la réforme a des conséquences pour certaines filières notamment la pharmacie et la maïeutique qui n’ont pas rempli leurs rangs à la rentrée 2022. En deuxième année de pharmacie, 1.100 places étaient ainsi vacantes. Les organisations étudiantes alertent sur le fonctionnement même des PASS et des L.AS qui implique de valider sa première année de licence pour entrer en études de pharmacie – soit d’avoir 10 de moyenne – alors que certaines matières ne sont pas nécessaires pour réussir dans cette filière.

Autre sujet sur la table en 2023 dans le domaine de la santé, le moindre attrait des Ifsi qui ne remplissent pas. Car, si cette formation est la première demandée sur Parcoursup, de nombreux étudiants décident de ne pas suivre ces études ou arrêtent en cours de route. Le risque de pénurie dans cette filière est donc de plus en plus fort.

Enfin, le chantier de l’universitarisation des formations paramédicales a également été lancé avec une mission confiée à Christine Ammirati, ancienne conseillère chargée de la santé auprès du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce projet a pour objectif d’intégrer les études paramédicales post-bac dans le système universitaire LMD (Licence, master, doctorat) et de former les étudiants à la recherche. Un projet d’envergure qui doit être soutenu financièrement.

La crise énergétique coûte cher aux établissements du supérieur

Pour les établissements du supérieur, comme pour le ministère, la crise énergétique a d’ores et déjà un réel impact. Le surcoût pourrait effectivement atteindre 500 millions d’euros pour les universités en 2023. Pour certaines universités la hausse peut représenter entre 2 et 7 millions d’euros. Certaines universités ont choisi de fermer deux semaines de plus en cette rentrée 2023, d’autres décident d’harmoniser les emplois du temps pour ne pas avoir à chauffer le week-end.

Les écoles d’ingénieurs sont dans la même situation avec des laboratoires qui peuvent être énergivores. Si le ministère a publié une circulaire pour un plan de sobriété énergétique dans le supérieur, les établissements attendent des financements pour palier l’inflation. Des financements qui ont pris notamment la forme d'un fonds exceptionnel de compensation énergétique de 275 millions d’euros prévus dans le budget de 2023. Cette aide devrait être versée au prorata des surcoûts, pour aider l’ensemble des établissements du supérieur et prendre en compte la situation financière de chacun d’entre eux.

Cependant, cette hausse reste insuffisante pour la plupart des établissements dont certains, comme la CDEFI, pointent qu’au regard d’une inflation estimée à 6,2 %, "les moyens dédiés à l’enseignement supérieur et la recherche sont en baisse", et ce malgré la hausse du budget prévu au PLF et dédié à l’enseignement supérieur et la recherche.

Autonomie, VSS, LRP... d'autres chantiers en cours

La ministre avait également annoncé sa volonté de renforcer l’autonomie des universités par un "pilotage fort" du ministère face à des établissements "autonomes mais pas indépendants". Ainsi, la mise en place pour 2023 de contrats d’objectifs, de moyens et de performance doit permettre aux établissements d’avoir des objectifs clairs et en contre partie de rendre compte de la réalisation de ces engagements.

Côté recherche, la ministre Sylvie Retailleau se lance dans le chantier de la simplification de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Une simplification qui concerne notamment le processus de "repyramidages" qui permet le passage du statut de maître de conférences à celui de professeurs d'université prévu par la LPR. Elle concerne aussi le RIPEC soit le régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs, ainsi que l'attribution des CPJ, les chaires de professeurs juniors mis en place par la loi de programmation de la recherche.

En plus de ces dossiers, d’autres chantiers sont toujours en cours et feront l’objet d’attention, notamment la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Si cette lutte a fait l’objet d’une rallonge budgétaire pour des campagnes de sensibilisation dans les établissements, il reste de nombreuses interrogations. Au-delà de la sensibilisation, il devient essentiel pour les établissements d’avoir de vrais moyens légaux et en lien avec les services de justice pour agir concrètement.

Dahvia Ouadia | Publié le