La CPU veut négocier avec Pécresse sur fond de manifestations

Fabienne Guimont et Camille Stromboni Publié le
La CPU veut négocier avec Pécresse sur fond de manifestations
Manifestation parisienne le 19 février // © 
A l’appel d’une large coordination syndicale et associative, entre 30 000 et 55 000 enseignants-chercheurs, chercheurs et étudiants ont défilé à Paris et dans une vingtaine de villes de province, le 19 février 2009. Mobilisés depuis le 2 février, ils protestent contre les réformes de Valérie Pécresse. La ministre de l’Enseignement supérieur s’est contentée de confirmer au Sénat qu’elle attendait un nouveau texte réformant le statut des enseignants-chercheurs, de la part de sa médiatrice, dans les semaines à venir. La CPU a déclaré vouloir négocier prioritairement avec la ministre sur l’emploi dans les universités pour trouver une « sortie de crise ».

« Il n’y a aucun établissement qui s’est autant réformé que l’université en trois ans. L’université est réformable mais dans la concertation et en association avec les acteurs de l’université. Nous devons obtenir des moyens humains supplémentaires pour envisager une sortie de crise. Les suppressions d’emplois ont été l’élément catalyseur de la crise. Ils ont été annoncés en fin d’année au moment où a été discutée la modulation des services des enseignants-chercheurs qui a ainsi été interprétée comme une surcharge de l’enseignement ».

Lionel Collet, le président de la CPU (Conférence des présidents d’université), veut ainsi se montrer ferme sur les 450 postes supprimés dans les universités . Il s'est exprimé lors d’une conférence de presse, après que l'assemblée plénière des présidents lui ait confié un mandat pour négocier avec la ministre, le 19 février 2009.

Les emplois, clé de la sortie de crise ?

« Le chantier sur l’emploi doit être débloqué en priorité », affirme la CPU qui y voit la clé pour démêler l’écheveau des autres dossiers de réforme contestés. En plus du rétablissement des emplois supprimés, les présidents demandent le gel des suppressions d’emplois jusqu’en 2012 et un plan pluriannuel de recrutements. Aucun chiffre n'a été avancé pour l’instant.

Outre l’emploi public, les mandats de négociation votés à la quasi-unanimité par les présidents d’université concernent la réécriture du décret statutaire de 1984 et la réforme de la formation des enseignants. La Conférence se dit prête à commencer les discussions « au plus tard la semaine prochaine ».

"L'interlocuteur naturel"

Si elle reconnaît que la crise relève à la fois, selon son constat, du ministère de l’Education nationale, du ministère de l’emploi public et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, ce dernier reste son « premier interlocuteur et il doit être disposé à négocier sur tous les points. Même si Valérie Pécresse n’a pas la décision sur tout, notre interlocutrice sur les emplois ce sera elle», insiste Jacques Fontanille, vice-président de la CPU et président de l’université de Limoges.

La Conférence se déclare par ailleurs « l’interlocuteur naturel » de la ministre dans cette crise des universités. Les présidents d’université se laissent deux semaines pour décider, le 5 mars 2009, en assemblée exceptionnelle, de leur position en fonction des réponses apportées par les futures discussions.

De son côté, la ministre de l’Enseignement supérieur a déclaré au Sénat, le 19 février, que la médiatrice Claire Bazy-Malaurie lui rendrait un « nouveau texte dans les semaines qui viennent », au sujet du décret remanié sur le statut des enseignants-chercheurs. La médiatrice a consulté le SGEN-CFDT et les députés de l’UMP qui avaient formulé des propositions sur un nouveau décret. SLR, SLU et le Snesup-FSU n’ont pas rencontré Claire Bazy-Malaurie.

Sur la négociation plus formelle demandée par la CPU, au-delà de ses entretiens réguliers avec la ministre, l’entourage de Valérie Pécresse indique prudemment que c’est une « porte ouverte » et que « maintenant tout est sur la table », mais que certaines questions posées relèvent d’autres ministères.

Rue de Grenelle, à la question de savoir si le ministère de l’Education nationale va répondre à la demande de négociation de la CPU, l’entourage de Xavier Darcos se borne pour le moment à indiquer : « Nous prenons acte des demandes de la CPU et nous nous attacherons à donner, dans les meilleurs délais, tous les compléments d'explications nécessaires destinés au bon déroulement des concours de recrutement en 2010 ».

Dissonances avec les manifestants

« On demande toujours le retrait du texte et l’ouverture de négociations. La CPU ne représente pas le monde universitaire. En plus, constitutionellement, un décret statutaire se négocie avec les organisations syndicales», réagit Jean Fabbri, secrétaire général du Snesup.

« La CPU joue un jeu très bizarre. Elle a été mise en cause par une grande partie de la communauté universitaire au moment du passage de la loi LRU. Elle s’est un peu reprise sur les suppressions d’emplois notamment. Mais si elle se remet à ne pas tenir compte de ce qui se passe à l’université, ce sera une situation de profonde tension », estime Bertrand Monthubert, secrétaire national au PS. La sortie de crise est encore difficilement lisible...

Statut des enseignants-chercheurs et formation des enseignants : les propositions de la CPU

La CPU formule ses propositions pour la span class="external-link-new-window">réécriture du décret statutaire des enseignants-chercheurs en souhaitant se baser sur celles formulées dans le rapport de la commission Schwartz, qui selon elle ont été dévoyées lors de la rédaction du texte final du décret. Le statut national des enseignants-chercheurs doit être garanti par une évaluation nationale. Mais la répartition des moyens et des services enseignants doivent relever de la décision locale pour être en cohérence avec la loi sur l’autonomie des universités. « La réforme du statut des enseignants-chercheurs doit clairement mettre en œuvre les principes d’indépendance pédagogique et scientifique de cadrage national des procédures, de collégialité des décisions et d’égale reconnaissance de toutes les missions des enseignants-chercheurs », mentionne son communiqué.

Sur la réforme de la formation des enseignants, la CPU a demandé qu’aucune université ne remonte les maquettes de master d’ici au 5 mars alors que seule neuf d’entre elles ont été renvoyées sur les 62 attendues. Elle demande des réponses claires sur les bourses aux étudiants de master enseignement, sur l’alternance en première année de stage et sur leur indemnisation. Un cadrage national des masters - sous forme de cahier des charges - est aussi avancé. « Si nous avons des réponses positives aux questions posées, nous pourrons mettre en œuvre la mastérisation en 2009», affirme Simone Bonnafous, vice-présidente de la CPU.

La communauté universitaire a défilé contre les réformes

Entre 30 000 et 55 000 personnes ont battu le pavé jeudi 19 février, dans toute la France, à l’appel de la coordination nationale des universités et d’une large intersyndicale (FSU, CGT, FO, Solidaires, Sauvons l'université, Sauvons la recherche, Unef), rejointes par l'Unsa-Education, AutonomeSup et le SNUipp. Le PS et les Verts étaient également représentés. Le 10 février, les manifestations avaient rassemblé entre 43 000 et 100 000 personnes. En province, les plus gros cortèges ont réuni entre 2 000 et 5 000 manifestants à Strasbourg, de 2 000 à 5 000 à Marseille, 3 000 à Bordeaux.

A Paris, entre 15 000 et 30 000 manifestants ont défilé (entre 17 000 et 50 000 le 10 février) derrière une banderole commune « Universitaires, chercheurs, Biatoss et ITA, étudiants, unis pour l'enseignement supérieur et la recherche ».  

Des revendications très larges ont été exprimées par les étudiants, majoritaires dans le cortège, les enseignants-chercheurs, les chercheurs et les personnels Biatoss. Parmi les slogans entendus parmi les étudiants, l’abrogation de la loi LRU, « en colère marre de la galère », « IUFM en danger, vos enfants sont menacés », en passant par le classique « Résistance » ou « Pécresse démission ». Plus original, un « Dépecressons le mammouth ». Côté chercheurs : « Sarko ici c’est pas chauffé mais on vient quand même ».

La coordination nationale étudiante a appelé à une journée d'action le 24 février prochain.

Fabienne Guimont et Camille Stromboni | Publié le