La LRU a-t-elle fragilisé les IUT ?

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La LRU a-t-elle fragilisé les IUT ?
IUT de Provence // © 
Quatre ans après l'adoption de la LRU, le malaise persiste entre les IUT et leurs universités, même si les situations sont contrastées. Forts de leur cote de popularité auprès des étudiants et des élus locaux, les IUT poursuivent leur lobbying pour faire reconnaître leurs spécificités et demandent au ministère de jouer les arbitres. Premier volet d’une série d’articles sur les relations entre les universités et leurs composantes à l’heure de l’autonomie.

Un nouveau blog, IUTenjeu , destiné à «défendre l’avenir des IUT», un bilan qui sera adressé début février aux personnels et aux étudiants, un lobbying relancé auprès du ministère comme des élus locaux... Quatre ans après l’adoption de la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités), le réseau des IUT est toujours mobilisé sous la conduite de l’ADIUT (Association des directeurs d’IUT) et de l’UNPIUT (Union nationale des présidents d’IUT). Des acteurs pas près de déposer les armes, mais au contraire disposés à faire entendre leurs revendications. «Parce que nous constatons toujours les mêmes difficultés : pas de dialogue de gestion avec les universités et pas d’outil de régulation de l’État», justifie Jean-François Mazoin, président de l’ADIUT. «Nous ne sommes pas dans la nostalgie de l’avant-LRU, précise Serge Dulucq, directeur de l’IUT de Bordeaux 1. Rendre les universités plus autonomes dans leurs choix stratégiques, comme dans leur gestion quotidienne, c’est sans doute positif. Encore faut-il que cette autonomie ne se fasse pas au détriment des IUT.»

Une loi «pas appliquée»

Rappel des faits : avant la loi LRU, les IUT recevaient des crédits et des postes fléchés par le ministère de l’Enseignement supérieur. Ils disposaient par ailleurs à leur convenance de leurs propres ressources issues notamment de la taxe d’apprentissage et de la formation continue. Avec la LRU, la donne a changé. Le fléchage des moyens a été supprimé. Désormais, chaque université possède une gestion et un budget global dont les IUT sont parties intégrantes. «Intégrés oui, mais avec un statut dérogatoire !» revendique Jean-François Mazoin. «La loi LRU a confirmé le statut dérogatoire des IUT avec une autonomie de gestion reconnue, rappelle Jean-Paul Vidal, à la tête de l’UNPIUT. Seulement la loi n’est pas appliquée.»

Des dotations jugées «stables sinon menacées» 

«Il faut sans cesse se battre pour assurer une stabilité de nos moyens» (Christelle Farenc)

Faute d’une prise en compte de leurs spécificités dans un contexte budgétaire contraint, nombre de directeurs d’IUT estiment que leur situation budgétaire se dégrade. Selon un sondage réalisé par l’ADIUT en octobre 2011, un tiers des IUT voient leurs budgets baisser. De plus, selon les établissements interrogés, le prélèvement par l’université sur la taxe d’apprentissage collectée varie de 4 à 25%, contre rien auparavant. «C’est de la guérilla, des anicroches permanentes qui amènent les équipes à se démobiliser et à passer plus de temps à parer les coups qu’à travailler ensemble pour faire du développement», rapporte Jean-Pierre Vidal. «Il faut sans cesse se battre pour assurer une stabilité de nos moyens, renchérit Christelle Farenc, directrice de l’IUT de Tarbes. Notamment sur les heures complémentaires qu’on nous demande de réduire.»

Inquiétudes sur les heures complémentaires...

Les heures complémentaires en IUT : un sujet est aussi technique que sensible ! Selon les spécialités, un DUT garantit à chaque étudiant entre 1.600 et 1.800 heures de formation sur deux ans. Afin de maintenir ce volume horaire, chaque IUT dispose de postes d’enseignants qui ne couvrent souvent qu’une partie de ce volume horaire. C’est donc le «taux d’encadrement», qui pour les IUT n’est que de 50% environ, qui doit être complété par les heures complémentaires. «Ce volume d’heures complémentaires, qui concerne des enseignants extérieurs et des professionnels, est sans cesse menacé, alerte Jean-Pierre Lacotte, président de l’IUT de Cergy-Pontoise. Il faut se battre pour le préserver, alors que c’est une spécificité des IUT que d’avoir recours à un volume de formateurs extérieurs à qui nous demandons comme à tous nos enseignants de s’impliquer fortement dans le suivi pédagogique des élèves.»

Menace sur les diplômes nationaux ?


«Nous assistons à une lente érosion du système» (Majdi Khoudeir)

Se plaignant pour la plupart d’entre eux d’une perte de maîtrise de leurs moyens humains, les directeurs d’IUT mettent en avant la menace d’une remise en cause du diplôme. «Ce n’est pas spectaculaire, souligne pour sa part Majdi Khoudeir, directeur de l’IUT de Poitiers. Les IUT continuent de fonctionner. Les diplômes sont délivrés. Seulement nous assistons à une lente érosion du système, avec des moyens de moins en moins en cohérence avec les exigences du programme. »

Pas de quoi s’inquiéter, assurent quant à eux les présidents d’université interrogés. «Nous n’avons jamais retiré de postes à l’IUT, relève par exemple Mme Moulin Civil, présidente de l’université de Cergy. Les IUT ont fait la preuve de leur efficacité en termes de formation et d’insertion, et nous les défendons au sein de l’université. Seulement celle-ci doit partager les moyens entre toutes ses composantes. Or, la plupart des UFR fonctionnent avec des moyens réduits.»

Pas de traitement de faveur

Pour clarifier les relations entre universités et IUT, le ministère a bien proposé de mettre en place des contrats d’objectifs et de moyens, les fameux «COM». Une manière de garantir les moyens humains et financiers pour les IUT. «Cet accompagnement par contrats d’objectifs est indispensable, mais il est quasi inexistant, déplore Jean-François Mazoin. Cela témoigne bien d’un dialogue de gestion avec les universités difficile à mener.»

«Il n’y a pas de traitement de faveur. C’est une stratégie globale qui concerne toutes les composantes de l’université» (Olivier Sire)

Pour les présidences d’université, ce qui fait débat c’est moins le principe même des COM que le traitement particulier réclamé par les IUT. «Je comprends qu’un cadrage soit nécessaire pour garantir des moyens de fonctionner, mais je ne peux pas écrire noir sur blanc que l’université s’engage à ne pas faire bouger les emplois sans un accord de l’IUT. Pas plus les IUT que les autres composantes universitaires ne peuvent exiger que leurs moyens soient sanctuarisés», avance notamment Jean-Pierre Gesson, président de Poitiers. Même point de vue pour Olivier Sire, président de l’université Bretagne-Sud : «Nous souhaitons nous engager dans une logique de contrat pluriannuel avec les IUT. Mais il n’y a pas de traitement de faveur. Je garantis les moyens en fonction de ce qui est possible. C’est une stratégie globale qui concerne toutes les composantes de l’université.»

Absence d’arbitrage ministériel


La situation semble bloquée, chacun faisant valoir ses propres arguments. Mais pas partout. Certes en minorité, plusieurs présidents d’université et directeurs d’IUT affichent une excellente entente en partageant des intérêts bien compris. Ce sont les cas souvent cités en exemple de l’université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne (UPEC) et de l’université de Bourgogne. «En fait, tout tient aux personnalités en charge d’une université et d’un IUT, résume Serge Dulucq. Et comme rien n’est consolidé pour faire appliquer les textes, si on change les personnes, tout peut dérailler.» «Ce n’est pas un conflit avec les présidents avec qui nous discutons, analyse pour sa part Jean Verger, directeur de l’IUT de Lorient. C’est plutôt la LRU qui a été mal préparée et qui est source de centralisation pénalisante. Nous avons besoin de stabilité confortée par des contrats d’objectifs signés sur cinq ans.»

Reste à trouver la médiation à instaurer. Les IUT attendent que le ministère joue un rôle d’arbitre et oblige les universités à instituer les contrats d’objectifs et de moyens. «Excepté quelques pressions ponctuelles via les recteurs, aucune solution pérenne n’est proposée. Rien ne bouge. Or, la culture IUT au sein des universités doit être protégée, comme toutes minorités», conclut Jean-François Mazoin. Ultime argument pour faire valoir sa différence.

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