Laurent Wauquiez à propos du baromètre d’image des universités : "Nous avons un travail de pédagogie de la réforme à mener"

Propos recueillis par Camille Stromboni et Sylvie Lecherbonnier Publié le
Laurent Wauquiez réagit aux résultats du premier baromètre d'image des universités françaises qui démontre que les réformes de Nicolas Sarkozy n'ont pas convaincu les Français. Pour le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, un travail de pédagogie de la réforme est à mener. Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche lance d'ailleurs vendredi 9 mars une campagne de communication sur les universités, alors que les élèves de terminale entrent dans une phase décisive d'orientation, avec le dispositif admission-postbac .

Au vu des résultats de notre sondage sur l’insertion professionnelle, la réussite en licence ou encore l’ouverture au monde de l’entreprise, les Français ne semblent pas convaincus par la réforme de l’université du quinquennat. Comment l’expliquez-vous ?

Il existe un décalage entre la perception des Français et la réalité. Les chiffres montrent que le de taux d’insertion des diplômés s’établit au niveau master à 91%, au niveau DUT à 91%, et pour les licences professionnelles à 92% ! Par ailleurs, s’il faut poursuivre les efforts pour accompagner les étudiants vers la réussite en licence, l’affirmation régulièrement répétée selon laquelle la moitié des étudiants serait en situation d’échec est également démentie par les chiffres : sur 100 étudiants inscrits en première année, 53 passeront en 2ème année, 24 redoubleront, 9 s’inscriront en IUT ou STS, 8 suivront d’autres formations. La sortie de l’enseignement supérieur concerne donc 6 étudiants.

« Les familles craignent que le diplôme ne soit plus suffisant pour s’insérer dans l’emploi »

Cette perception s’explique également par l’impact de la crise sur la hausse du chômage dans l’ensemble de la population. Les familles craignent que le diplôme ne soit plus suffisant pour s’insérer dans l’emploi. Or, le diplôme du supérieur reste le meilleur rempart anti-chômage : un diplômé a trois fois plus de chances de trouver un emploi qu’un non-diplômé. Les universités se sont saisies de leur mission d’insertion professionnelle. Cela s’est traduit par exemple par un essor du nombre de formations en alternance et un développement significatif des stages : en 2009-2010, plus de 30% des étudiants ont effectué un stage. Cette proportion double pour les étudiants en Masters 2.

Et sur la réussite en licence…

Nous nous sommes attaqués à l’échec en licence en mettant de nouveaux moyens et outils au service de l’orientation, dès le lycée. Dans le cadre du plan « réussir en licence », 730 M€ cumulés supplémentaires (soit +50%) ont été investis pour la réussite des étudiants en premier cycle, ce qui a permis de développer l’orientation active, notamment avec la création d’admission post bac pour un meilleur accompagnement lors de l’entrée à l’université.

 
72% des sondés estiment qu’il n’est pas facile de s’insérer après un master universitaire. L’insertion professionnelle à la sortie de l’université était l’une de priorités du quinquennat. Est-ce un échec ? 

"Les efforts d’ouverture de l’université sur le monde professionnel doivent se poursuivre"

Là encore, il y a un décalage avec la perception des Français et les chiffres : le taux d’insertion des diplômés au niveau master s’établit à 91% ! Mais les efforts d’ouverture de l’université sur le monde professionnel doivent se poursuivre. Par exemple, nous allons développer une banque de stages avec les universités et l’ONISEP pour que chaque étudiant et les entreprises aient accès à un marché régional puis national avec l’ensemble des établissements volontaires. L’autre leçon est que nous avons un travail de pédagogie de la réforme à mener pour montrer que l’université a changé. 

 
La moitié des Français interrogés pensent que nos universités rivalisent avec les meilleures universités internationales, cela vous satisfait-il ?

Les Français savent que la force aujourd’hui vient du savoir et que la bataille est mondiale. C’est pourquoi l’une de nos priorités a été d’améliorer la visibilité internationale et l’attractivité de nos universités. Cette logique de rassemblement a permis de faire émerger une vingtaine de PRES, qui regroupent aujourd’hui 56 universités. Avec les initiatives d’excellence des investissements d’avenir, nous investissons pour créer les « géants » français qui pourront concurrencer les meilleures universités du monde. Ces moyens leur permettront de développer une vraie politique d’attractivité pour attirer les meilleurs talents du monde, comme par exemple à Toulouse qui va créer une centaine de chaires pour des candidats dans le top20 mondial dans leur discipline.

Pour autant, promouvoir l’excellence ne revient pas à faire émerger quelques mégalopoles concentrant tous les moyens. L’excellence été valorisée partout. Ces investissements  ont permis de mettre les universités au cœur du système de recherche français. 70% des projets sélectionnés au titre des investissements d’avenir sont portés par des universités ou un groupement d’établissements comprenant au moins une université. C’est d’ailleurs une tendance qui a été bien perçue par la majorité des personnes sondées. 

Sur le volet financier, la majorité des Français interrogés estiment que le budget de l’université n’a pas assez augmenté ces dernières années.

"L’enseignement supérieur a été la priorité de ce quinquennat" 

Là encore, cette perception est héritée de décennies de sous-investissement chronique dans ce secteur. Mais depuis cinq ans, un effort massif et sans précédent a été réalisé dans le domaine de l’enseignement supérieur : le budget des universités a augmenté de 25% en moyenne et jusqu’à plus de 50% pour certaines. L’Etat a augmenté deux fois plus les moyens en 5 ans que sur les 10 précédentes années. L’augmentation des moyens de fonctionnement des universités a été différenciée pour assurer un rattrapage pour les universités historiquement les moins bien dotées, comme par exemple à Angers (+59%), Reims (+32%), ou Nîmes (+61%).

Par ailleurs, 22 milliards d’euros sont investis dans ce secteur dans le cadre d’investissements d’avenir, et, grâce à l’opération Campus, 5 milliards d’euros sont consacrés à la modernisation de nos universités. L’enseignement supérieur a été la priorité de ce quinquennat. Cet effort doit être poursuivi car c’est un secteur qui détient les clés de notre avenir.  

Le modèle universitaire français, sans sélection et à tarif faible, est plébiscité. Etes-vous pour le statut quo en la matière ? 

L’enseignement supérieur est l’un des vecteurs privilégiés de l’ascension sociale. Afin qu’il continue à jouer ce rôle, les coûts de la scolarité ne doivent pas être prohibitifs pour les classes moyennes et modestes. Il faut également poursuivre sur la voie de l’amélioration des conditions d’études, que nous avons mise en œuvre avec notamment un 10ème mois de bourse, l’augmentation des bourses de 20% en moyenne ou  la construction de 55 000 logements étudiants chaque année.

Sur la sélection, la priorité est surtout de casser ce système de sélection par l’échec avec un premier cycle qui laisse les étudiants des classes moyennes modestes et défavorisées sur le bord du chemin. C’est pour cela que nous avons mis en place des dispositifs de renforcement de l’orientation dès le lycée, avec la procédure d’admission post-bac. C’est également l’un des enjeux de la nouvelle licence, qui prévoit une détection rapide des difficultés dès le 1er semestre et le cas échéant une réorientation rapide en tenant compte des acquis même si un semestre n’a pas été validé. 

Comment comptez-vous répondre à ces attentes exprimées par les Français sur l’université ?

"Il faut poursuivre les efforts dans 2 directions : conforter l’autonomie et relancer l'ascenseur social"

Je pense qu’il faut poursuivre les efforts dans 2 directions. Conforter l’autonomie, qui est une marque de confiance accordée à l’ensemble de la communauté universitaire. Cela passe notamment par la poursuite de l’investissement dans ce secteur, qui doit faire l’objet d’un consensus républicain. Relancer l’ascenseur social pour les classes moyennes et défavorisées dans l’enseignement supérieur. Les diplômés restent en majorité issus des classes supérieures. Aussi ai-je confié à Mme Salima Saa, présidente de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE), une mission visant à réactiver le moteur de l’ascenseur social dans l’enseignement supérieur, autour de pistes telles que l’augmentation des quotas de boursiers notamment en classes préparatoires et dans les écoles, la réforme des concours pour favoriser l’égalité des chances, le développement des associations d’anciens au sein des universités pour développer le réseau des étudiants. Les conclusions de ce rapport seront rendues prochainement.

Propos recueillis par Camille Stromboni et Sylvie Lecherbonnier | Publié le