Laurent Wauquiez : "L'évaluation ne saurait servir de fondement à une modulation de services des enseignants-chercheurs"

Propos recueillis par Franck Dorge Publié le
Laurent Wauquiez : "L'évaluation ne saurait servir de fondement à une modulation de services des enseignants-chercheurs"
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En 2012 sera mise en oeuvre pour la première fois l'évaluation individuelle des enseignants-chercheurs. Cette campagne attendue depuis le décret du 23 avril 2009 a été annoncé par une strong>circulaire du 25 novembre 2011. Après son élection, le 7 décembre, la nouvelle présidente de la commission permanente de la CP-CNU, Dominique Faudot, détaille ses ambitions sur ce sujet épineux. Laurent Wauquiez, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, lui répond. Un report du calendrier initialement prévu est d'ores et déjà acté.

Dominique Faudot (présidente de la CP-CNU)

Vous venez d’être élue présidente de la CP-CNU le 7 décembre 2011. Quels vont être les priorités de votre mandat ?

Mes priorités sont claires et sont en partie liées à des contraintes d’agenda. Il y a tout d’abord la question de l’évaluation individuelle des enseignants-chercheurs. La première vague d’évaluation doit commencer le 6 février 2012. Or à ce jour, les évaluables – les enseignants-chercheurs nés en mars, juillet et octobre - n’ont aucune information sur la forme exacte que doit prendre leur dossier d’évaluation, sur la méthode d’évaluation ainsi que sur ses conséquences. La deuxième concerne les primes d’excellence scientifique. Le dispositif actuel est transitoire et doit prendre fin au 31 décembre 2011. Le troisième est plus général et concerne la place que doit tenir le Conseil national des universités en tant qu’instance nationale légitime et démocratique.

"Les enseignants-chercheurs concernés n’ont plus à déposer leur dossier en février"

Concernant l’évaluation des enseignants-chercheurs, que demandez-vous ?

J'ai demandé au ministre le report du calendrier de l'évaluation. A ce titre, j’ai rencontré la directrice générale des ressources humaines (DGRH) et j’ai obtenu l’annulation du calendrier publié initialement. Les collègues n’ont plus à déposer leur dossier en février. Le bureau de la CP-CNU va faire des propositions au ministre et doit le rencontrer en janvier 2012. Suite à cela, l’assemblée générale de la CP-CNU se réunira mi-mars pour débattre des échanges qui auront eu lieu entre le bureau de la CP-CNU et le ministère.

Les établissements avaient en charge de recenser les enseignants-chercheurs nés en mars, juillet et octobre. Doivent-ils continuer à le faire ?

La DGRH avait retenu ces mois pour évaluer une population de taille homogène lors de quatre phases d’évaluation. J’ai demandé à la DGRH deux choses. D’une part, que l’évaluation des enseignants-chercheurs soit quinquennale pour qu’elle corresponde au contrat d’établissement des universités. D’autre part, j’ai souhaité que cette évaluation ne porte pas sur des mois de naissance mais qu’elle soit calquée sur les vagues d’évaluation des composantes par l’AERES. Cela permettrait aux sections CNU d’avoir connaissance du contexte dans lequel se déroule l’évaluation des enseignants-chercheurs. Cela me paraît fondamental. La DGRH s’est montrée à l’écoute mais nous devons poursuivre nos échanges.

Vous avez évoqué les primes d’excellence scientifique mise en place par le du 8 juillet 2009. Quel regard portez-vous sur les modalités d’attributions actuelles ?

Aujourd’hui, ces primes d’excellences scientifiques (PES) sont remises par le président d’université après avis du conseil scientifique selon des modalités définies par le conseil d’administration. Les universités, en fonction de leur passage ou non aux responsabilités et compétences élargies, ont recours à une instance nationale qui formule des avis sur l’attribution des PES. Après la période transitoire qui prend fin le 31 décembre 2012, je souhaite que le CNU, via ses sections, soit l’instance compétente pour délivrer un avis sur les PES. Les établissements gardant l’attribution des PES.

"On observe trop de disparités au sein des établissements dans la remise des primes d'excellence scientifique"

Quel changement cela apportera-t-il ?

Aujourd’hui les critères d’attribution des primes d’excellence s’appuie sur des critères qui sont à la défaveur des maîtres de conférences. Par exemple, dans les critères d’attribution de la PES, il y a la prise en compte du rayonnement international de l’enseignant-chercheur ainsi que l’encadrement d’équipes par ce dernier. Ces critères doivent évoluer pour être plus juste pour les maîtres de conférences. Nous sommes l’instance nationale légitime et démocratique pour le faire. Au sein du CNU, la parité existe entre professeurs et maîtres de conférences.

De plus, on observe trop de disparités au sein des établissements dans la remise de ces primes. Il faut harmoniser les critères d’attribution. Cela ne signifie pas qu’il faille une uniformité des critères. Chaque section du CNU doit pouvoir établir ses propres critères.

Quelle doit être la place du CNU dans l’enseignement supérieur et la recherche ?

Le CNU est une instance collégiale et démocratique ou règne la parité entre maîtres de conférences et professeurs. Il faut que le CNU devienne un interlocuteur reconnu et privilégié du ministère au même titre que la CPU ou l’AERES.

Laurent Wauquiez (ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche)

Dominique Faudot, nouvelle présidente de la CP-CNU souhaite le report du calendrier des évaluations individuelles des enseignants chercheurs. Que comptez-vous faire ?

J’ai bien entendu le message de la présidente de la conférence permanente du CNU (Conseil national des universités) au sujet du calendrier de l'évaluation individuelle et il n’y a pour moi aucune difficulté. J’ai d’ailleurs dit devant l’ensemble des présidents de section de la Conférence permanente du CNU que nous examinerions la question ensemble. Cela fait partie des échanges normaux et attendus entre le ministère et la conférence permanente du CNU comme nous l’avons fait jusque là.

J’ai demandé à la Direction Générale des Ressources Humaines d'examiner avec attention le calendrier afin de permettre aux sections du CNU de fonctionner dans les meilleures conditions. Le CNU a un rôle essentiel à jouer pour l’évaluation en 2012.

La CP-CNU s'interroge sur le contenu du dossier d'évaluation. Que contiendra-t-il ?

Les textes statutaires apportent des garanties essentielles. L’évaluation repose sur le même rapport d’activité que celui auquel les enseignants-chercheurs sont désormais habitués pour leurs candidatures à des grades de promotion. Ce rapport retrace l’ensemble des activités d’enseignement, de recherche et d’intérêt général.

 

"A chacune des étapes, une procédure contradictoire permettra aux enseignants-chercheurs de répondre aux observations"

Comment se déroulera la procédure d'évaluation ?

Le traitement de ce rapport s’appuiera sur les mêmes étapes que pour l’examen des candidatures aux promotions : avis préalable de l’établissement puis examen par la section compétente du CNU. A chacune de ces étapes une procédure contradictoire permettra à chaque enseignant-chercheur de répondre aux observations qui seront formulées sur son dossier.

Quel usage sera-t-il fait de cette évaluation ?

Ce point est très important, l’évaluation ne saurait servir de fondement à une modulation des services, qui repose uniquement sur le volontariat de l’enseignant-chercheur. Je souhaite que cette question s’inscrive dans le cadre d’un dialogue constructif. Nous avons du temps.

Avec le passage aux RCE de l’ensemble des universités, quel est le devenir de l’instance nationale qui délivre des avis sur les primes d’excellence scientifique (PES)?

La commission d’experts, qui émet des avis que les établissements ne sont pas tenus de suivre,  est un dispositif transitoire prévu par le décret PES jusqu’au 31 décembre 2012.  A partir du 1er janvier 2013 il conviendra donc de concevoir un autre dispositif. Je souhaite y réfléchir avec les acteurs concernés afin de trouver sereinement la meilleure solution pour les enseignants-chercheurs.

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