Le coût du SNU toujours en suspens

Pauline Bluteau Publié le
Le coût du SNU toujours en suspens
Le déploiement du service national universitaire (SNU), prévu pour le mois de juin 2019, crispe les débats au Sénat. // ©  Nicolas Tavernier/REA
Lors de son audition devant le Sénat, le secrétait d’État auprès du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, Gabriel Attal, est resté discret quant au coût du SNU (service national universel). Un flou qui ne fait qu’accroître l’inquiétude des parlementaires.

"On a du mal à croire qu’on va lancer un dispositif sans aucune évaluation chiffrée", résume Laurent Lafon, sénateur UDI du Val-de-Marne. Et pourtant, après plusieurs mois de réflexion, le SNU verra bien le jour le 16 juin 2019. À la tête du dispositif : Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, en charge du dossier depuis octobre dernier.

Entendu le 5 mars 2019 devant la commission de la Culture, de l’Éducation et de la Communication, ainsi que devant celle des Affaires étrangères, de la Défense et des Armées, le secrétaire d'État n’a pas vraiment su convaincre les sénateurs, déçus de ne pas avoir été associés au projet.

4 millions, 1,5 milliard, 3 milliards, 10 milliards…

"La question est surtout de savoir qui finance et comment ?" s’indigne Christian Cambon, sénateur Les Républicains du Val-de-Marne et président de la commission de la Défense et des Armées. Car les spéculations sur les chiffres vont bon train : "On a tout entendu, admet Laurent Lafon, mais on imagine que le coût sera élevé. Le ministre ne nous a pas donné de montant. Nous aurions au moins voulu avoir une fourchette."

Lors de son audition, Gabriel Attal est, en effet, resté très vague concernant le coût du dispositif. D’après ses calculs, le SNU devrait coûter 2.000 euros par jeune lors de la phase-pilote, qui débute le 16 juin prochain. Soit 4 millions d’euros investis en 2019. "Mais où les trouver ?" s’exclame le président de la commission.

Pour cette année, pas de ligne budgétaire prévue pour le SNU "car seulement 2.000 à 3.000 volontaires sont concernés". Mais, à partir de 2020, le dispositif pourrait coûter autour de 1,5 milliard d’euros, estime Gabriel Attal. "On ne sait pas sur quels crédits le SNU sera prélevé, ceux de la Défense ou de la Jeunesse ? Le ministre a l’air de dire qu’il s’agirait plutôt de la seconde, mais, dans ce cas, sur quels financements ?" s’interroge Laurent Lafon.

Le secrétaire d’État, quant à lui, préfère rester prudent. "Nous définirons un budget à l’issue de la phase-pilote. Pour l’instant, l’objectif est de tester nos ambitions tout en étant économes et pragmatiques", tempère-t-il.

Des sénateurs encore dubitatifs

Autres sujets qui fâchent : l’encadrement, l’hébergement et, surtout, le contenu du SNU. Sur ce point, le ministre a joué la carte de la transparence : "Des travaux sont en cours à propos des modules qui seront proposés aux jeunes. Les comités de pilotage nous font des propositions, un arbitrage sera fait selon les territoires. Concernant les hébergements, les possibilités sont nombreuses, puisque le SNU s’appuie sur des services déjà existants."

Je reste très dubitatif sur l’impact réel du SNU sur une si courte durée. Que fait-on vraiment en termes de citoyenneté ? Deux semaines, cela ne suffit pas.
(L. Lafon)

Un discours qui ne semble toutefois pas complètement rassurer les sénateurs, conscients de l’ampleur de la réforme. "Nous ne contestons pas la nécessité de recréer un lien entre la Nation et les jeunes, qui sont de plus en plus éloignés de la vie nationale. Le principe est bon, mais ce n’est pas si facile que ça, relève Christian Cambon. On parle de 800.000 jeunes. La réforme touche toutes les familles. D'autant que la responsabilité de l'État est engagée, puisqu'il y a des mineurs."

Du côté de la commission de l’Éducation, les sénateurs regrettent de "rester dans le flou". "Je reste très dubitatif concernant la faisabilité financière, l’hébergement et l’impact réel du SNU sur une si courte durée. Que fait-on vraiment en termes de citoyenneté ? Deux semaines, cela ne suffit pas", tranche Laurent Lafon.

"Les collectivités locales vont certainement être sollicitées, pour fournir le matériel, des terrains de sport… mais les a-t-on prévenues ?" s'inquiète encore le sénateur républicain.

Un dispositif mené dans la précipitation

Beaucoup de questions et peu de réponses, c’est en tout cas ce que semblent avoir retenu les membres des deux commissions. "Cette audition n’a pas beaucoup éclairé notre lanterne", confirme Christian Cambon, qui espère être plus consulté sur le projet à l'avenir. Tout comme Laurent Lafon, qui regrette, lui, "un pilotage strictement gouvernemental."

De façon générale, les parlementaires ont le sentiment d’avoir été tenus à l'écart de la concertation. "D’où notre mécontentement", pointe le sénateur LR. D'autant plus que le dispositif n’en étant encore qu’au stade de l’expérimentation, il n’est pas encadré au niveau législatif. "Et comme il n’y a pas de loi, nous n’avons pas pu nous prononcer non plus sur le contenu", regrette Laurent Lafon.

Le service civique est un dispositif qui monte en puissance. Ce serait plus raisonnable de le déployer à la place du SNU, car il fonctionne très bien.
(L. Lafon)

Lors de l’audition, Christine Prunaud (groupe communiste républicain citoyen et écologiste), membre de la commission de la Défense, avait également fait part à Gabriel Attal de son scepticisme.

Un avis partagé par son homologue centriste : "Le service civique est un dispositif qui monte en puissance. Ce serait plus raisonnable de le déployer à la place du SNU, car il fonctionne très bien. Il me semble que nous sommes plusieurs sénateurs à penser la même chose."

En attendant, les commissions restent dans l’expectative. "Tout s’est fait dans la précipitation, regrette Christian Cambon. Nous espérons que le ministre a compris nos inquiétudes."

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