Le manque de transparence de Parcoursup, une fois de plus pointé du doigt

Pauline Bluteau Publié le
Le manque de transparence de Parcoursup, une fois de plus pointé du doigt
La plate-forme Parcoursup est dans le viseur de la Cour des comptes notamment pour son "manque de transparence". // ©  Nicolas Tavernier/REA
Après un an d’enquête, la Cour des comptes dresse son premier bilan sur la plate-forme d’accès à l’enseignement supérieur, Parcoursup. En ligne de mire : le manque de transparence des critères d’admission mais aussi le bilan mitigé de la réussite des étudiants.

"La plate-forme Parcoursup fonctionne de manière satisfaisante, mais s’expose à des risques qui doivent être impérativement réduits." Jeudi 27 février, la Cour des comptes a publié son premier rapport sur Parcoursup. Un bilan assez complet qui permet de remettre en perspective les différents impacts de la loi ORE (relative à l’orientation et à la réussite des étudiants) promulguée le 8 mars 2018.

Orientation des lycéens, sécurité de la plate-forme, fonctionnement des commissions d’examen des vœux, degré de sélectivité des formations, effet des quotas… Plusieurs sujets ont été abordés, notamment celui du manque de transparence de Parcoursup, déjà décrié par le Défenseur des droits.

Des critères de sélection pas toujours conformes aux attendus

"La procédure d’affectation souffre encore d’un défaut de transparence, seule garante de l’équité", explique la Cour des comptes. Réclamée à plusieurs reprises au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, la question de la transparence des algorithmes de Parcoursup reste en suspens. Aujourd’hui, seuls 2% des codes de la plate-forme sont accessibles. "Pour le Mesri, il n’est pas possible, en l’état, de publier davantage le code de l’application en raison des failles de sécurité."

Pourtant, ce souci de transparence devient plus que nécessaire pour les candidats. Comme l’indique le rapport, les lycéens ont besoin de connaitre les critères exacts sur lesquels ils sont sélectionnés. Car les fameux attendus publiés sur Parcoursup, - qui doivent justement donner des précisions aux candidats sur la formation -, semblent d’une part, avoir été rédigés dans l’urgence et d’autre part, ne pas correspondre aux critères d’examen des formations. "Les attendus publiés, dont les énoncés mériteraient une nouvelle revue, ne correspondent pas toujours aux paramétrages retenus in fine par les commissions d’examen des vœux", souligne les Sages de la rue Cambon.

Des critères parfois peu objectifs

En cause notamment : l’utilisation de l’outil d’aide à la décision. Le rapport note une augmentation de son utilisation entre 2018 et 2019. Ce dispositif, facultatif, est mis à la disposition des établissements pour les aider à classer leurs futurs étudiants. Les formations y introduisent leurs propres pondérations. Mais impossible pour les candidats de savoir si leurs notes en maths ont plus d’importance que celles obtenues en français par exemple.

Les attendus publiés, dont les énoncés mériteraient une nouvelle revue, ne correspondent pas toujours aux paramétrages retenus par les commissions.

Le rapport met également en lumière les pratiques discriminatoires de certains établissements qui intègrent d’autres paramètres tels que le lycée d’origine. "Des établissements du secondaire se trouvent alors priorisés dans le classement par rapport à d’autres, sur la base de critères plus ou moins aléatoires, tels celui lié à sa réputation, ou celui, plus objectif, du pourcentage de réussite au baccalauréat." Ces pratiques sont toujours contestées par le MESRI.

Les rapporteurs pointent une automatisation presque forcée pour certaines formations qui reçoivent plusieurs milliers de candidatures, de sorte qu’il est impossible de trier manuellement. Les lettres de motivation, aussi appelées projets de formation motivés, ne sont d’ailleurs "presque jamais prises en compte".

La réussite des étudiants à revoir

En plus de la transparence, la Cour des comptes s’est aussi penchée sur la réussite des étudiants dont le bilan est dit "mitigé". La loi ORE qui devait promouvoir le continuum bac-3/bac+3 n’a pas rempli tous ses objectifs. Au lycée, l’institution relève une "implication variable" des professeurs principaux dans leur mission d’orientation. Tout comme les semaines dédiées à l’orientation qui sont mises en place de manière très inégales selon les lycées.

Autre point de vigilance, dans les universités cette fois : les parcours "oui, si". Créés pour favoriser la réussite des étudiants en assurant un meilleur accompagnement de ceux jugés les plus en difficulté, les parcours "oui, si" n’ont pour le moment pas pu démontrer leur efficacité.

Notamment car les parcours proposés sont trop hétérogènes. L’étude montre également que les candidats sur Parcoursup privilégiaient les admissions en parcours classique plutôt qu’en parcours "oui, si". Signe d’une incompréhension de l’intérêt du dispositif.

Mais le problème semble venir d’un plus haut degré de la hiérarchie. La Cour des comptes pointe du doigt le manque de coordination entre les ministères de l’Education nationale et celui de l’Enseignement supérieur. "Un rapprochement des ministères de l’enseignement secondaire et supérieur sur la question de l’orientation, la mise en place d’une stratégie et d’une structure communes, doivent impérativement être mis à l’étude."

Au total, la Cour des comptes a établi une liste de 15 recommandations dont la mise en œuvre est prévue pour le printemps 2022.

Pauline Bluteau | Publié le