Parcoursup : front commun sur la transparence des algorithmes

Laura Taillandier, Margaux Otter Publié le
Parcoursup : front commun sur la transparence des algorithmes
Sept organisations syndicales et associatives ont saisi le Défenseur des droits pour demander la publication des algorithmes locaux. // ©  plainpicture/STOCK4B-RF
Les algorithmes locaux de Parcoursup n'en finissent pas de faire parler d'eux. Des syndicats et associations se tournent vers le défenseur des droits, des sénateurs ont déposé une proposition de loi, la Commission d'accès aux documents administratifs a été saisie... Mais la ministre de l'Enseignement supérieur campe sur ses positions : ces algorithmes n'existent pas.

Que se cache-t-il derrière les algorithmes locaux ? Alors que le ministère de l'Enseignement supérieur affirme que Parcoursup est plus transparent que son prédécesseur APB, la non-publication des critères ayant permis de classer les dossiers des candidats crispe les opposants à la réforme. À défaut de réponse, sept organisations représentant notamment des étudiants, enseignants, parents d'élèves ou encore avocats ont choisi de saisir le défenseur des droits sur la question.

Le secret des délibérations en cause

"Nous voulons avoir accès à ces algorithmes. On ne sait pas comment le tri des dossiers a été effectué par les universités et nous voulons vérifier qu'il n'y a pas d'élément discriminatoire, argumente Lilâ Le Bas, la présidente de l'Unef. Nous voulons un regard objectif sur ce qui se passe." Les critères pour départager les dossiers ne sont pourtant pas publics dans les filières sélectives comme les CPGE, IUT ou BTS, mais la saisine ne concerne que l'université. "Ce n'est pas la même chose. Les filières sélectives notifient un refus. La ministre nous dit qu'il n'y a pas de sélection. Pour nous, le cœur du sujet, c'est l'université", souligne-t-elle.

L'Unef dit avoir envoyé des courriers recommandés à l'ensemble des universités pour demander la publication des algorithmes. "On nous répond que la loi les autorise à ne pas divulguer ces informations", rapporte Lilâ Le Bas. Une allusion à la disposition relative au secret des délibérations qui a agité les débats parlementaires lors du vote de la loi ORE. Pour Juan Prosper, du Syndicat des avocats de France, le problème est que ces algorithmes ont ainsi reçu une "dérogation à la loi sur la transparence numérique". "Si l'étudiant fait la demande, il peut se voir refuser l’accès aux données. La loi ORE est en contradiction avec celle sur la réglementation générale de l’Union européenne", avance-t-il.

Des sénateurs s'engouffrent dans la brèche

Cette demande de transparence émane également des parlementaires. Une trentaine de sénateurs du groupe Les Républicains ont déposé une proposition de loi pour écarter ce "régime dérogatoire du secret des délibérations". "Des différences très importantes d’une université à l’autre, des taux de boursiers par établissement largement questionnables, des affectations excluant les meilleurs étudiants, des procédures et des réponses diverses et variées aux étudiants demandant des explications sur le processus, etc., viennent mettre en lumière une rupture évidente d’égalité entre les étudiants et plus largement les usagers du service public", argumentent les sénateurs dans l'exposé des motifs du texte.

Le front parlementaire s'est aussi tourné vers la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada), à l'initiative du sénateur Pierre Ouzoulias (CRC, Hauts-de-Seine). Délibération de la Cnil en date du 22 mars à l'appui. La Commission nationale de l'informatique et des libertés y indique en effet que "les établissements d'enseignement supérieur qui recourraient à un traitement algorithmique pour examiner les candidatures qui leur sont soumises devront également fournir l'ensemble des éléments permettant de comprendre la logique qui sous-tend cet algorithme". Une publication à laquelle se sont obligées certaines universités comme celles de Pau et des pays de l'Adour, selon Pierre Ouzoulias, ou de Lille, selon l'Unef.

Jeu de mots

De son côté, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche garde le cap, face aux sénateurs : il n'y a pas d'algorithmes locaux mais un outil d'aide à la décision paramétré par les formations. "On peut toujours jouer sur les mots. Effectivement, les fichiers Excel reposent sur des algorithmes. Mais il n’y a pas d’algorithmes locaux au sens où on a pu l’imaginer. Il y a un outil d’aide à la décision à la disposition des établissements, qui est totalement facultatif, sur lequel, effectivement il y a un travail qui est à faire", a souligné Frédérique Vidal à une nouvelle reprise lors d'une audition devant la commission éducation de la Chambre haute, fin juin.

Des propos qui irritent la présidente de l'Unef. "Nous sommes bien d'accord, arrêtons de jouer sur les mots et avec des éléments de langage. On ne voit pas la différence entre l'outil d'aide à la décision et les algorithmes. Et nous allons utiliser tous les moyens à notre disposition pour mettre fin à l'opacité", prévient-elle. L'organisation étudiante entend aussi saisir la Cada. Avant que les lycéens puissent de leur côté déposer un recours en justice devant le tribunal administratif dès le 5 septembre. Mais, comme le soulignait il y a quelques mois le Syndicat des avocats de France, à cette date, la rentrée universitaire aura déjà commencé dans de nombreux établissements.


Les sept organisations ayant saisi le défenseur des droits sont l’Unef (Union nationale des étudiants de France), le SAF (Syndicat des avocats de France), la FCPE (Fédération des conseils de parents d'élèves), l’UNL (Union nationale lycéenne), le Snesup-FSU (Syndicat national de l'enseignement supérieur), la Ferc-CGT (Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture) et le SNPTES (Syndicat national des personnels techniques, scientifiques et des bibliothèques de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la culture).

Laura Taillandier, Margaux Otter | Publié le