Le renouvellement urbain, au service de la mixité sociale dans les établissements scolaires ?

Clément Rocher, Dahvia Ouadia Publié le
Le renouvellement urbain, au service de la mixité sociale dans les établissements scolaires ?
Le quartier du Mirail, à Toulouse, expérimente une réorganisation de l'implantation des collèges. // ©  Laurent GRANDGUILLOT/REA
L'enjeu de la mixité sociale à l'école dépasse les frontières de l'éducation. C'est aussi un enjeu urbain. L'Etat, les collectivités et la communauté éducative réfléchissent ensemble à trouver des leviers pour favoriser la mixité sociale et accompagner les élèves vers la réussite.

"L‘école, c’est le creuset de la promesse républicaine, mais de trop nombreuses inégalités perdurent. La question de la place de l’école dans les projets de renouvellement urbain est un enjeu éminemment collectif", affirme Anne-Claire Mialot, directrice générale de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Elle s'exprime lors d'une journée consacrée aux enjeux de réussite éducative et à la jeunesse dans les quartiers prioritaires en renouvellement urbain, organisée par l'ANRU, le 19 mars dernier. Une occasion d'interroger le lien entre la mixité sociale à l'école et le renouvellement urbain.

"Repenser la place de l'école dans son quartier"

"Il faut penser la place de l'école dans son quartier : son accessibilité, le fait qu'elle soit sécurisée, poursuit la directrice générale. Le lieu d'implantation de l’école fait partie des éléments qui permettent de travailler la mixité sociale".

"Dès lors qu’on parle de positionnement de l’école, il faut prendre en compte les enjeux de mixité sociale. Garantir une forme de proximité, c'est quelque chose de majeur, mais il faut aussi faire venir des élèves hors des quartier prioritaires", abonde Christophe Géhin, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales au ministère de l'Éducation nationale.

Un constat en partie partagé par Youssef Souidi, économiste, chercheur post-doctorant au CNRS, lors d'une rencontre organisée par l'Ajéduc (Association des journalistes éducation-recherche), le 20 mars. Selon lui, il est essentiel de réfléchir à la situation géographique des collèges pour éviter d'implanter des établissements dans des quartiers au "vivier de recrutement socialement défavorisé".

Cependant, dans le cadre de ses recherches, le post-doctorant a noté que plus de 92.000 élèves scolarisés dans un collège très défavorisé habitent à moins de 15 minutes d'un collège très favorisé.

Redéfinir la carte scolaire

Selon lui, la mixité sociale des établissements doit aussi passer par une redéfinition de la carte scolaire. Revoir la sectorisation scolaire en considérant un bassin de recrutement plus mixte est une piste intéressante, avec quelques réserves : cela ne garantit pas nécessairement un collège plus mixte.

Cependant, un travail avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est en cours pour élaborer une nouvelle carte de l'éducation prioritaire. Le calendrier sera précisé prochainement.

Lutte contre le déterminisme social : l'exemple de la Haute-Garonne

Certains territoires ont déjà décidé de prendre le sujet à bras le corps. C'est le cas depuis 2017, en Haute-Garonne où le conseil départemental a lancé un plan d’amélioration de la mixité sociale dans les collèges toulousains. Les établissements Raymond Badiou et Bellefontaine, tous deux situés dans le quartier du Mirail, ont fermé progressivement.

Cette initiative a permis de réaffecter les élèves de ces secteurs dans des établissements dits plus favorisés mais éloignés du lieu d'habitation des collégiens. Avec pour conséquence une plus grande mixité sociale dans les collèges et une amélioration des résultats scolaires des élèves issus des quartiers du Mirail.

"En orientant les élèves des quartiers prioritaires vers les collèges du centre-ville, le taux de réussite au brevet des collèges est passé de 50 à 70%", indique Vincent Gibert, vice-président du conseil départemental de la Haute-Garonne.

Le changement d’environnement social a également engendré une réduction du décrochage scolaire. "Ils sont désormais dans un environnement scolaire plus exigeant que le précédent, ces premiers résultats sont encourageants", poursuit-il.

Mais ce changement a un coût pour les élèves réaffectés qui doivent notamment prendre les transports à faire pour rejoindre leur établissement, relève Youssef Souidi. Il note également une perte de service de proximité dans le quartier du Mirail.

Améliorer l'attractivité des collèges défavorisés

D'autres leviers sont parfois activés pour améliorer l'attractivité des collèges défavorisés.

"L'Éducation nationale travaille dans les collèges dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en implantant des sections internationales dans les établissements REP et REP+. C’est une mesure parmi d’autres et l'on commence à voir les premiers effets", assure Christophe Géhin.

Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois et ancien président de l'ANRU, invite à multiplier les initiatives pour favoriser la mixité sociale dans les établissements. Il cite, par exemple, les classes à horaires aménagés, les classes internationales ou encore les secteurs multi-collèges.

Interrogé sur le sujet, Youssef Souidi estime que le développement d’options attractives dans les collèges socialement défavorisés permet d’agir sur les représentations de l’établissement. Il note cependant un risque de ségrégation intra-établissement avec des classes socialement favorisées d'un côté et des classes socialement défavorisées de l'autre.

Les internats d'excellence : un axe fort de la mixité sociale ?

L’ANRU est opérateur de six Programmes d'investissement d'avenir (PIA). L'un d'entre eux vise à favoriser l'égalité des chances en créant des internats d'excellence, et ce pour un budget de plus de 400 millions d'euros.

Répartis sur le territoire, 307 établissements ont reçu le label Internat d'excellence. "Depuis le début, on a accompagné les internats d’excellence, qui ont permis à des élèves de revenir dans une scolarité plus apaisée", soutient Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l’investissement (SGPI), chargé du pilotage du programme.

D’importants moyens financiers ont été dégagés pour impulser une nouvelle vision de l’internat. "Les internats ont longtemps souffert d’une image qui s’est dégradée. Il faut en faire un lieu d’épanouissement qui favorise la réussite éducative des élèves", soutient Marion Chevallier, consultante à Pluricité.

Mais il est difficile de mesurer la plus-value des effets de l’internat en termes de mixité sociale. "Nous n’avons pas de données quantitatives mais des remontées de terrain des élèves qui ont l’air plutôt heureux de l’accompagnement qui est dispensé", constate Céline Fleury, superviseur du réseau d'internats d'excellence de l'académie de Toulouse.

Clément Rocher, Dahvia Ouadia | Publié le