Un rapport parlementaire relance le débat sur le financement et les contrôles de l’enseignement scolaire privé

Malika Butzbach Publié le
Un rapport parlementaire relance le débat sur le financement et les contrôles de l’enseignement scolaire privé
Christopher Weissberg, député Renaissance, Paul Vannier, LFI, co-rapporteurs et Isabelle Rauch, députée Horizons, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, lors de l'examen du rapport. // ©  Eric TSCHAEN/REA
Les députés Paul Vannier (LFI) et Christopher Weissberg (Renaissance) ont rendu public le rapport de leur mission sur le financement des établissements scolaires privés sous contrat, le 2 avril. Face à leur constat sévère, ils font des propositions pour faire évoluer le système actuel.

"Il est temps d'avoir un réel débat sur l’enseignement privé, sans que soit ramenée la peur d’une guerre scolaire", estiment les députés Paul Vannier (LFI) et Christopher Weissberg (Renaissance). Après six mois de travail, les élus ont rendu le rapport de leur mission sur le financement des établissements scolaires privés sous contrat.

Deux options s’offrent à nous : laisser se développer la concurrence entre établissements publics et privés, ou assumer un pilotage public renforcé

"Deux options s’offrent à nous : laisser se développer la concurrence entre établissements publics et privés, ou assumer un pilotage public renforcé passant par un renouvellement de la relation contractuelle qui lie les établissements privés sous contrat à l’Etat", indiquent les co-rapporteurs. Lorsque l’on regarde leurs 55 propositions, communes ou portées individuellement, c’est la deuxième option qui semble l'emporter.

Entre 10 et 12 milliards d’euros publics pour le privé

"Plus de 75% du financement des établissements privés sont pris en charge par la puissance publique", écrivent-ils. Mais impossible de connaître le montant exact. "Selon nos calculs, il serait entre 10 et 12 milliards d’euros. Peu de dépenses publiques sont aussi mal mesurées", commente Paul Vannier lors de la conférence de presse présentant leur rapport, organisée le 2 avril.

Les deux députés fustigent l’opacité des moyens alloués par l’Etat et le manque de lisibilité des subventions versées par les collectivités territoriales.

Face aux "manques de données consolidées" et à "l’impossibilité d’effectuer un suivi budgétaire détaillé", ils proposent d’améliorer les référentiels budgétaires pour ces établissements, au niveau de l’État comme au niveau des collectivités. Pour ces dernières, ils évoquent aussi le forfait d’externat dont les contours sont "flous" et proposent de repenser le calcul.

Plus de contrôles et de sanctions

Reprenant le constat de la Cour des comptes, la mission juge les contrôles sur les 7.500 établissements privés "largement insuffisants". Les co-rapporteurs insistent notamment sur les contrôles budgétaires et évoquent une fréquence "d’une fois tous les 1.500 ans" pour chaque établissement. Ensemble, ils formulent plusieurs propositions pour systématiser ces contrôles, au niveau des rectorats, de l’IGESR comme des collectivités.

Cette situation appelle à "une réaction rapide et ferme de l’État". Mais, face à la rareté de cas de rupture de contrat, les élus réclament une "échelle de sanction efficace" pour punir les nombreux détournements ou dérives qui ont été portés à leur connaissance, sans qu’ils n’aient pu en mesurer l’ampleur.

Des mesures contraignantes pour la mixité

Les établissements privés "ne prennent pas toute la part qui devrait être la leur dans la mise en œuvre des politiques publiques de l’éducation", constatent les députés. Toutefois, il ne faut pas généraliser l’écosystème du privé, met en garde Christopher Weissberg. "On ne peut comparer des établissements élitistes dans les grandes métropoles et la petite école rurale de Bretagne, la seule de la commune".

Force est de constater, qu'en moyenne, la mixité sociale diminue au sein des écoles, collèges et lycées privés. Évoquant le protocole signé par Pap Ndiaye, Christopher Weissberg y voit "une avancée" tandis que Paul Vannier critique sa "valeur non contraignante". Tous deux s’accordent à prendre en compte la mixité sociale dans le modèle d’allocation des moyens de l’État comme des collectivités.

Il ne faut pas généraliser l’écosystème du privé, on ne peut comparer des établissements élitistes dans les grandes métropoles et la petite école rurale

Ce manque de mixité sociale se double d’un manque de mixité scolaire puisque les établissements privés peuvent sélectionner leurs élèves. Les députés évoquent des "cas de sélection tout au long de la scolarité, en particulier d’interruption de scolarité pour des élèves dont les résultats scolaires seraient jugés insuffisants", ce qui est contraire au code de l’éducation.

Christopher Weissberg propose de soumettre tout refus de réinscription d’un élève en cours de cycle à autorisation du recteur. "Il s’agit de la liberté de l’élève, car lorsque l’on parle de la liberté de choix pour l’école, il y a aussi celle des élèves et de leurs familles à prendre en compte", souligne le député Renaissance.

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