La mobilité des jeunes encore trop marquée par l'origine sociale

Marine Ilario Publié le
La mobilité des jeunes encore trop marquée par l'origine sociale
France Stratégie révèle dans un rapport un recul de la mobilité sociale des jeunes depuis le début des années 2000. // ©  DEEPOL by plainpicture
Dans un rapport publié en octobre, France Stratégie révèle un recul de la mobilité sociale des jeunes depuis le début des années 2000 avec un poids toujours trop important de l'origine sociale.

"Le destin des jeunes est toujours fortement marqué par leur origine sociale". Le constat est sans appel. Selon Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, l'ascenseur social est bloqué par la prégnance de l'origine des jeunes.

C'est ce qu'il ressort du rapport France Stratégie, publié ce mardi 3 octobre. Si les dispositifs en faveur de la mobilité sociale des jeunes sont nombreux, ils ne permettent pas toujours de changer la donne. Pour y remédier, France Stratégie propose quelques pistes de réflexions.

La mobilité sociale encore trop dépendante de l'origine

"Nous avons dressé un état des lieux et notre rapport apporte une photographie récente sur la position qu'occupent les jeunes dans l'échelle sociale et l'évolution au cours des dernières décennies", introduit Bénédicte Galtier, co-rapporteuse du rapport.

Si la mobilité sociale a progressé sur les 35 dernières années, elle s'est interrompue depuis le début des années 2000. Sans compter que la reproduction sociale reste forte : les jeunes occupent la même position sociale que leurs parents.

Ainsi, en 2019, plus de 80% des enfants nés dans des familles à dominante cadre exercent cinq à huit ans après la fin de leurs études un emploi cadre ou une profession intellectuelle supérieure ou intermédiaire, et 69% des jeunes issus d'une famille d'ouvriers sont eux-mêmes ouvriers ou employés.

L'origine sociale joue sur le niveau de diplôme obtenu

En amont de l'insertion dans le monde professionnel, l'origine sociale pèse sur l'obtention d'un diplôme. Ainsi, 55% des jeunes issus d'une famille de cadres sont diplômés de l'enseignement supérieur long (master et doctorat), contre seulement 11% des jeunes dont les parents sont ouvriers.

Le constat est clair : l'origine sociale joue sur le niveau de diplôme obtenu. Les enfants issus de familles défavorisées sont deux fois plus nombreux à quitter le système scolaire sans diplôme, ils obtiennent moins souvent le bac et sont deux fois moins diplômés de l'enseignement supérieur. "Et quand ils le sont, il s'agit principalement de l'enseignement supérieur court", précise Mohamed Harfi, co-rapporteur.

Pourtant, selon France Stratégie, le diplôme est un déterminant majeur de la mobilité sociale : c'est par lui que les jeunes parviennent à changer de position sociale.

Le cas particulier des jeunes de l'Outre-mer

Le rapport propose une analyse de la situation des jeunes nés dans les départements et régions d'Outre-mer (DROM). Pour eux, l'origine sociale pèse plus fortement sur l'accès à un diplôme du supérieur et à un emploi.

Sauf pour ceux qui s'installent en métropole : leur probabilité d'avoir un diplôme du supérieur et un emploi s'améliore. Pour autant les jeunes issus de familles modestes migrent moins vers l'Hexagone et pour eux, la reproduction sociale s'accentue.

Un éclatement des dispositifs favorisant l'ouverture sociale

Pour remédier à cette situation, les dispositifs en faveur de la mobilité sociale existent. Ils sont même nombreux, puisque le rapport en comptabilise plus d'une cinquantaine, en 2022. Un nombre important qui incite les rapporteurs à établir un constat très mitigé sur les actions publiques "dispersées, aux moyens globalement modestes", avec une approche "curative". Concrètement, le manque de coordination et d'articulation entre tous les dispositifs freinent leur efficacité.

Les dispositifs d'ouverture sociale s'attèlent à réparer ce que les politiques publiques de l'éducation et de l'emploi ont du mal à atteindre : l'égalité des chances. (Rapport France Stratégie)

"Ces dispositifs s'attèlent à réparer ce que les politiques publiques de l'éducation et de l'emploi ont du mal à atteindre : l'égalité des chances", peut-on lire dans le rapport. "Les politiques publiques n'ont pas pour objectif explicite la mobilité sociale des jeunes, explique Gilles de Margerie. Les dispositifs n'agissent que comme remédiation face aux résultats décevants des politiques d'éducation".

Le total des moyens de l'État en faveur de la mobilité sociale des jeunes est estimé à 13 milliards d’euros en 2022, soit 12,5% environ de l’ensemble des dépenses publiques de l’État sur les "politiques jeunesse".

Des politiques publiques qui doivent encore faire leur preuve

Le rapport passe en revue cinq dispositifs : les politiques publiques en faveur de la mixité sociale, l'obligation de formation des 16-18 ans, les quotas de boursiers dans l'enseignement supérieur, l'apprentissage dans l'enseignement supérieur et le CPF (compte personnel de formation).

Certains dispositifs doivent encore faire leur preuve, comme les quotas de boursiers sur Parcoursup. S'ils ont permis une amélioration de l’accès à l’enseignement supérieur pour les jeunes boursiers (leur proportion est passée de 20% à 25%), ils n'ont pas eu d'effet sur la part des étudiants boursiers dans l'ensemble du supérieur. "L'une des explications étant sans doute le très fort développement de l’apprentissage, qui ne peut être cumulé avec une bourse", observent les rapporteurs.

D'autres peuvent être utilisés pour favoriser la mobilité sociale des jeunes, comme le CPF et le PIC (plan d'investissement dans les compétences). Selon le rapport, "ces deux dispositifs pourraient être davantage mobilisés pour devenir de véritables leviers de mobilité sociale pour les jeunes les moins dotés". De quoi améliorer le niveau de qualification des bénéficiaires au vu de l'importance du diplôme dans la mobilité sociale", complète Mohamed Harfi.

L'anonymisation du lycée dans Parcoursup pour favoriser la mobilité sociale ?

La question de l'anonymisation du lycée dans le dossier Parcoursup n'est pas nouvelle. Pour ces défenseurs, cela permettrait une égalité des chances dans le traitement des dossiers des candidats. Pour d'autres, cette anonymisation ne serait possible qu'en envisageant une harmonisation des notes du contrôle continu, afin de gommer les disparités de notation entre les établissements.

Selon Mohamed Harfi, "des travaux au sein des ministères de l'Enseignement supérieur et de l'Éducation nationale seraient en cours pour rendre cette harmonisation possible."

Marine Ilario | Publié le