Master MEEF : le mémoire sur le devant de la scène

Laura Taillandier Publié le
Master MEEF : le mémoire sur le devant de la scène
Aude, étudiante à l'Espé de Créteil, a remporté la finale avec une présentation entièrement chantée... consacrée à l'impact du chant sur l'apprentissage de la lecture. // ©  ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche
Inspirée de "Ma thèse en 180 secondes", la première finale de "Mon mémoire MEEF en 180 secondes" s'est tenue mercredi 29 juin à Paris. L'occasion pour les organisateurs de rappeler l'importance de ce travail de recherche dans la formation des enseignants, et, pour les étudiants, d'exprimer l'exigence de la deuxième année de master.

Vous devez convaincre, argumenter et mettre en lumière les points saillants de votre travail", rappelle Patrick Pelayo, directeur de l'Espé de Paris avant le coup d'envoi de la finale du concours "Mon mémoire MEEF en 180 secondes". Dans l'amphithéâtre du lycée Louis-Le-Grand, à Paris, les dix finalistes s'apprêtent à présenter leur travail devant le jury.

Le principe de cette première édition est le même que celui de sa grande sœur, "Ma thèse en 180 secondes". Les candidats ont trois minutes, au lieu de la vingtaine qui leur est traditionnellement dévolue, pour soutenir le mémoire réalisé lors de leur seconde année de master des métiers de l'enseignement. La première face à des élèves.

Des thèmes variés

C'est Jean-François qui ouvre le bal. D'un signe, il lance le chrono et démarre sa présentation. Comme lui, les candidats usent d'humour et interpellent l'auditoire pour rendre leur présentation vivante. "Qui, dans cette salle, a déjà joué aux morpions ?" lance-t-il.

Jean-François a planché sur la démarche projet pour donner du sens aux mathématiques. Un mémoire qui "interroge la posture de l'enseignant, qui n'est plus seulement un passeur de savoirs". Cent soixante-dix secondes plus tard, le jeune homme termine son exposé d'un salut traditionnel de théâtre et passe le relais aux autres candidats.

Les présentations s'enchaînent et les secondes défilent sur un écran placé derrière les candidats. Caroline, future professeure des écoles, venue de Martinique, a travaillé sur l'école inclusive et le ressenti des enseignants. Tifenn, originaire de Bretagne, s'est intéressée à la place de la bienveillance chez les enseignants ; Alexandra, de Marseille, à l'impact de l'architecture scolaire et de l'ergonomie sur le bien-être des élèves. Mickael a interrogé l'éducation aux migrants et Julie, originaire de Bourgogne, la façon de donner aux lycéens professionnels le goût des matières générales.

Poésie, théâtre et chant

Des thématiques diverses, mais aussi des techniques bien distinctes pour retenir l'attention de la salle. "Sadique !" assène Tifenn pour commencer son discours. "C'est l'adjectif qu'ont choisi les élèves que j'ai interrogés pour décrire leur professeur", explique-elle.

Alexandra se sert, quant à elle, de la poésie et de Rudyard Kipling – "Tu seras un prof, mon fils" –, tandis que Julie cite "Les Tontons flingueurs". Mais la palme de l'audace revient à Aude, de l'Espé de Créteil, qui a osé une présentation entièrement chantée.

Aude, qui a travaillé sur l'impact de la musique sur l'apprentissage de la lecture, remporte le premier prix de cette édition. "Cela n'était pas évident de prendre du temps pour ce mémoire, mais le sujet m'a très vite passionnée", explique-t-elle.

Une année enrichissante, mais éprouvante

Si, le temps d'une après-midi, les étudiants se prêtent au jeu, ils n'en oublient pas moins que cette deuxième année de master a été exigeante. À 39 ans, Aude, en reconversion professionnelle après une maîtrise de marketing et dix ans de comédie, résume ainsi l'année écoulée : "Dure, fatigante, mais extra."

Jacques Ginestié, président du réseau national des Espé, le concède : "Les étudiants réalisent un mémoire, tout en suivant des unités d'enseignement et en étant en alternance dans un établissement. Et c'est un vrai stage en responsabilité."

Caroline, à mi-temps dans une école REP +, témoigne de la complexité à jongler entre tous ces impératifs : "Il y a bien des liens entre l'école et l'Espé, mais ce sont deux types de questionnements différents."

Le mémoire, une "respiration pour prendre du recul"

Simone Bonnafous, à la tête de la DGESIP (direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle) au ministère, se veut rassurante : "Nous ne demandons pas une thèse aux étudiants. Les mémoires sont parfois même modestes. Ils n'en sont pas moins une vraie pierre, qui fonde l'élaboration d'un point de vue plus approfondi."

D'autant que, pour la plupart des candidats, comme Alexandra, la réalisation du mémoire était une respiration salutaire pour prendre du recul. "C'était une soupape d'aller à l'Espé. Sans cette expérience, j'aurais mal vécu mon année. En classe, nous sommes pris dans le feu de l'action. Or c'est important de se questionner."

C'est sa directrice de mémoire qui lui a suggéré de participer au concours. "Je ne voyais pas en quoi mon mémoire aurait un intérêt. J'avais le nez dans le guidon, relève-t-elle. Ce concours m'a permis de rencontrer d'autres étudiants professeurs, d'échanger avec eux. Nous avons tous les mêmes problématiques face à nos classes !"

"Il y a eu beaucoup d'interrogations sur le mémoire au moment de la création des Espé", rappelle Najat Vallaud-Belkacem, venue clôturer cette première édition. "Cette journée est une façon d'éclairer le public sur l'importance de former les enseignants et de leur apprendre à prendre du recul pour s'améliorer", juge la ministre de l'Éducation nationale, qui s'est, elle aussi, prêtée à l'exercice d'un discours en 180 secondes. Et a même devancé le chrono de quelques dixièmes.

Laura Taillandier | Publié le