Naissance d’une université : le témoignage d’un pionnier

Sophie Blitman Publié le
Naissance d’une université : le témoignage d’un pionnier
J.-L. Serre ©S. Blitman // © 
D’abord rattaché à l’université Paris 6 (aujourd’hui université Pierre-et-Marie-Curie), Jean-Louis Serre fait partie des premiers enseignants-chercheurs à rejoindre la toute nouvelle université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) lors de sa création en 1991. En effet, l’établissement est né de l’autonomisation de deux antennes universitaires : l’une de Paris 6 pour les sciences « dures », l’autre de Paris 10 pour les sciences humaines et sociales. Développement des laboratoires et de l’offre de formation, relations avec les acteurs locaux… Tout reste alors à faire ! Retour sur vingt ans d’histoire, à l’occasion de cette rencontre avec l’une des mémoires de l’UVSQ.

Entré en 1978 comme assistant à l’université Paris 6, Jean-Louis Serre est maître de conférences lorsque l’antenne de Versailles devient une université à part entière. Une opportunité que ce spécialiste de génétique n’hésite pas à saisir : « On allait proposer à des maîtres de conférences d'élaborer presque ex nihilo un cursus universitaire de licence et de maîtrise, et de créer des laboratoires de recherche », raconte-t-il. Sans compter que les perspectives de devenir professeur étaient relativement limitées à Paris 6, qui comptait déjà nombre de maîtres de conférences. En rejoignant la toute nouvelle université de Versailles-Saint-Quentin, Jean-Louis Serre accélère sa carrière et devient professeur en 1991.

Responsabilités pédagogiques

D’abord chargé de l’enseignement de génétique en seconde année de DEUG, Jean-Louis Serre travaille à l’ouverture de la licence pour la rentrée 1993. « Je suis allé piocher à Paris 6 et Paris 7 pour monter une équipe, se souvient-il. Certains enseignants venaient déjà à Versailles pour assurer des cours de DEUG, c’étaient des "turbo-profs" ; je leur ai demandé de s’occuper des cours et TD de licence. » Des responsabilités qui pouvaient « entrer dans un dossier pour devenir professeur », souligne-t-il.


Naissance d’une université pluridisciplinaire, implantée dans le tissu local


« Contre l’image de l’université tour d’ivoire, Michel Garnier estimait que les sciences ont un rôle à jouer dans la société »

Ancien directeur de l’antenne de Versailles, Michel Garnier devient le premier président de la nouvelle université. Avec la volonté de rendre son établissement réellement pluridisciplinaire, et en prise avec le territoire.

« Michel Garnier avait anticipé beaucoup de choses, témoigne Jean-Louis Serre. Il souhaitait accueillir les étudiants du bassin de population et entretenir des relations fructueuses avec les collectivités et les entreprises. Contre l’image de l’université tour d’ivoire, il estimait que les sciences ont un rôle à jouer dans la société. L’intégration avec le monde socio-économique était selon lui indispensable. » Un objectif en faveur duquel les IUT ont joué un rôle important : celui de Vélizy-Rambouillet a été fondé en 1993 et celui de Mantes-la-Jolie en 1995, avant de devenir indépendant en 2001.


La jeunesse préserverait-elle du mandarinat ?


« Les collègues les plus traditionnels sont restés à Paris »

« Faire partie d’une nouvelle université avait un côté exaltant, même s’il y avait beaucoup de contraintes budgétaires, ce qui signifiait des charges supplémentaires, explique Jean-Louis Serre. Puis l’administration et les UFR se sont développées. »

Quant à la gouvernance, elle était « assez forte parce que Michel Garnier avait beaucoup de charisme », rappelle le professeur, tout en évoquant « l’adhésion assez forte des universitaires au projet global tel qu’il avait été défini au départ ». En outre, la dimension multisites de l’université a aussi pu conférer une relative autonomie à chaque UFR dans la gestion quotidienne.

Cependant, Jean-Louis Serre dit n’avoir « pas vu de mandarin à l’UVSQ : parfois de l’autoritarisme, oui, mais cela fait partie des relations humaines… En revanche, du mandarinat classique, non, y compris en médecine. » Son explication ? « Les collègues les plus traditionnels sont restés à Paris. Ceux qui sont venus n’ont pas cet esprit-là. »


Des défis à relever


« Nous étions vraiment des pionniers, poursuit l’enseignant-chercheur. Tous les projets étaient des défis. » À commencer par le développement même de l’université et de ses locaux, la constitution d’équipes administratives et pédagogiques, l’élaboration d’une offre de formations de qualité, le développement de relations de confiance avec les acteurs locaux…

Petit à petit, « l’UVSQ a acquis ses lettres de noblesse », estime Jean-Louis Serre. Quant à la maison mère, l’UVSQ n’entretient pas spécialement de relations privilégiées avec l’UPMC : « Le cordon ombilical a été coupé. »



Pour en savoir plus, lire aussi le billet de Pierre Dubois : « Brève histoire de l’offre de formation de l’UVSQ ».

Sophie Blitman | Publié le