Ophtalmologie : le nombre de places en internat revu à la baisse

Mersiha Nezic Publié le
Ophtalmologie : le nombre de places en internat revu à la baisse
Le nombre d'ophtalmologistes formés ne suffira pas à combler les nombreux départs dans les années à venir. // ©  Syda Productions/Adobe
Le classement des épreuves classantes nationales informatisées (ECNI) a rendu son verdict : en ophtalmologie, le nombre de places en internat est encore revu à la baisse après des années de sous-attribution. Mais peu de disciplines tirent leur épingle du jeu.

C’est la douche froide pour les étudiants en médecine visant l’ophtalmologie. Le nombre de places d’internes dans cette discipline est revu à la baisse avec seulement 152 postes proposés pour la rentrée 2019, soit trois en moins par rapport à 2018. Alors qu’une augmentation était attendue par les syndicats, qui dénoncent une sous-attribution chronique.

C’est ce qui ressort du classement final des ECNi (épreuves classantes nationales informatisées), publié cet été. Chaque année, à l’issue de trois jours d’examens décisifs pour leur avenir, les étudiants en sixième année de médecine choisissent leur spécialité et la ville où ils poursuivront leur formation en fonction de leur classement. Près de 9.000 candidats étaient inscrits à la session 2019 du concours qui s’est tenu du 17 au 19 juin. L’ophtalmologie fait traditionnellement partie des spécialités les plus demandées parmi les quarante-quatre proposées. « La répartition des postes dépend aussi des possibilités de formation », explique le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'innovation.

Un ophtalmo sur deux n'est pas remplacé

Le SNOF, Syndicat national des ophtalmologistes de France, estime qu’il aurait fallu attribuer depuis des années une centaine de postes d’internat supplémentaires à cette discipline pour éviter la chute du nombre de praticiens en exercice. Près d’un ophtalmologiste sur deux n’est pas remplacé lors de son départ à la retraite, et 2.500 devraient arrêter leur activité dans les dix ans. 1.100 ophtalmologues parmi les 5.900 qui exercent actuellement en France ont plus de 65 ans. Et ils travaillent dans le cadre du dispositif cumul emploi-retraite.

Il aurait fallu attribuer depuis des années une centaine de postes d'internat supplémentaires à cette discipline pour éviter la chute du nombre de praticiens.
(T.Bour)

"Les praticiens qui vont arriver à la retraite après 2025 sont issus de promotions moins importantes et seront moins nombreux. Le cumul emploi-retraite sera moins important, affirme Thierry Bour, président du SNOF. Il n’y a pas assez d’ophtalmologues formés pour compenser ce phénomène. Pendant ce temps, les étudiants français qui ont 15 de moyenne en PACES [première année commune aux études de Santé] sont recalés. Et lors des ECNi (épreuves classantes nationales informatisées), les trois quarts des étudiants ne peuvent pas choisir l’ophtalmologie".

Aujourd’hui 42% des nouveaux ophtalmologistes inscrits au Conseil de l’Ordre ont un diplôme étranger. Ils viennent d’Europe centrale (Roumanie, Bulgarie, Tchéquie, Pologne…) ou bien du Maghreb. "Nous n’avons aucun contrôle sur leur formation", reprend Thierry Bour.

D'autres spécialités en difficulté

Le cas de cette discipline n’est pas isolé. Toutes les spécialités sont en manque d’internes, selon Antoine Reydellet, président de l'ISNI, l'Intersyndicale nationale des internes. "Parlons des médecins du travail : les entreprises s’arrachent les cheveux parce qu’elles ne trouvent personne. Quant aux anesthésistes-réanimateurs, prenons l’exemple de l’hôpital de Laval en Mayenne où j’étais récemment, ils sont sept spécialistes alors qu’il en faudrait seize".

Selon le classement ECNI, la médecine générale, raflant 40% du nombre des postes attribués, se taille la plus grosse part du gâteau. Les effectifs de spécialités très en difficulté, dont la médecine d’urgence et la psychiatrie, restent stables. La biologie médicale perd six postes. Idem pour la Santé au travail. La radiologie et la pédiatrie sont amputées de 5 postes. D’autres disciplines tirent un peu mieux leur épingle du jeu. La gynécologie médicale passe de 81 à 82 places, l’endocrinologie gagne une place et l’anesthésie-réanimation deux.

La réforme va-t-elle changer la donne ?

Le Parlement a adopté le 16 juillet dernier le projet de loi Santé. Celui-ci marque la suppression de la PACES et de son concours-couperet sur lequel butte chaque année environ 80% des 60.000 candidats. Agnès Buzyn, ministre de la Santé, souhaite augmenter de 20% environ le nombre de médecins formés. Ce qui se traduira par plus d’internes six ans après. « Mais le temps que ces étudiants parviennent jusqu’en internat… On va se retrouver en 2025 », déplore Thierry Bour.

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