Matthieu Gallou : "Quel effet aura la mention 'en attente' sur les candidats ?"

Laura Taillandier Publié le
Matthieu Gallou : "Quel effet aura la mention 'en attente' sur les candidats ?"
L'université de Bretagne occidentale planche sur les modalités d'examen des dossiers des lycéens dans Parcoursup. // ©  Benjamin Deroche
Qui examinera les candidatures des lycéens déposées sur Parcoursup ? Comment calibrer au mieux les capacités d'accueil ? Matthieu Gallou, président de l'université de Bretagne occidentale, fait le point sur la mise en œuvre de la réforme du premier cycle dans son établissement.

Comment allez-vous trier les dossiers des lycéens qui vous parviendront, après le dépôt de candidatures sur Parcoursup ?

C'est le sujet qui nous occupe actuellement. Nous pouvons déjà distinguer les filières où nous serons amenés à sélectionner les élèves au regard des places disponibles. Ce sera très probablement le cas en Staps.

Matthieu Gallou, président de l'université de Bretagne occidentale.
Matthieu Gallou, président de l'université de Bretagne occidentale. © Photo fournie par le témoin

Nous sommes également vigilants quant à la biologie et à la psychologie. Mais, dans la grande majorité des formations, même si nous avons au départ plus de vœux formulés que de places, nous pourrons in fine accueillir tout le monde au regard des choix définitifs des élèves. La procédure sera donc très différente selon les situations.

Certaines filières, comme en Staps, avaient l'habitude d'étudier et de traiter les candidatures via le dispositif d'orientation active. Nous avons donc acquis de l'expérience dans ce domaine. Mais il faut bien voir que, désormais, ce traitement aura lieu pour toutes les filières. Trouver un lien entre les attendus et le cursus demandé sera plus ou moins complexe, selon que les matières sont proches de celles enseignées au lycée. Pour résumer, en mathématiques, ce sera plus facile qu'en psychologie...

Il nous reste encore six semaines pour établir les règles, mais à ce jour, il reste une véritable inconnue : quel effet aura la mention "en attente" sur les candidats ? Que fera le lycéen confronté à cette situation ? Se jettera-t-il sur un "oui", même si ce n'est pas son premier choix ? Cela peut changer la donne.

L'examen des dossiers de candidature ne fait pas partie des obligations de service des enseignants-chercheurs. Allez-vous trouver des volontaires pour s'acquitter de cette mission ?

En effet, l'établissement a l'obligation d'examiner les dossiers, mais pas les individus. Comme c'est déjà le cas pour le dispositif d'orientation active, nous ne pourrons donc pas l'imposer aux enseignants-chercheurs. Mais je pense que les enseignants qui refuseront seront minoritaires. In fine, je devrai peut-être regarder moi-même certains dossiers, même si, bien sûr, j'espère trouver des personnes plus compétentes.

In fine, je devrai peut-être regarder moi-même certains dossiers.

Mais nous trouverons des solutions. Nos IUT (Instituts universitaires de technologie) ont un savoir-faire en la matière. Nous mettrons en place un système de partage des outils méthodologiques et tout faire pour que les équipes pédagogiques y adhèrent.

En cas de "oui, si", quelle forme prendront les parcours adaptés dans votre établissement ?

Nous travaillons en ce moment-même avec les huit composantes, pour étudier filière par filière comment déployer les "oui, si". En tout état de cause, ces parcours concerneront peu de filières cette année. On ne forcera pas. Pour la rentrée 2018, nous les mettrons en place si nous sommes sûrs d'apporter un vrai bienfait aux étudiants.

L'idée est d'avoir un vrai contrat entre ces derniers et l'université. Si nous conditionnons l'accès à certaines filières à l'acceptation d'un dispositif de remédiation, cela veut dire que nous nous engageons à leur offrir concrètement un dispositif réellement efficace.

Là où la construction de ces parcours a déjà commencé, nous ne partons pas d'emblée sur l'idée de licences en quatre ans. C'est un vrai changement de fond, qui nécessite d'analyser avec précision les modifications apportées à l'arrêté licence. Mais si les équipes me proposent ce type de cursus et qu'il y a suffisamment de cadrage, je ne freinerai pas leur mise en place.

Vous évoquez l'arrêté licence. Quels sont les enjeux des discussions ouvertes depuis le 19 février 2018 sur le sujet ?

Les enjeux sont nombreux. Ils portent notamment sur la façon d'aborder la question des compétences et le système de compensation... C'est une discussion complexe, dont nous devons nous sortir sans déchirement. Avec Strasbourg et d'autres universités, nous avions également milité en faveur de la légalisation du contrôle continu intégral. J'espère que cette question sera mise sur la table.

Il est également essentiel de faire un point sur la mise en place de cet arrêté. Les contrats de la vague B ont été bâtis sur cette base. Nous espérons ne pas avoir à tout casser pour refaire à nouveau des maquettes qui n'ont que six mois d'existence... Mais si les modifications ouvrent des potentialités réelles et nouvelles, nous serons prêts à aller jusqu'au bout de la démarche.

Pour revenir à la réforme de l'entrée à l'université, quel regard portez-vous sur l'examen du projet de loi au Sénat ? Faire coïncider les capacités d'accueil au regard des perspectives professionnelles vous semble-t-il pertinent ?

Au moment du vote au Sénat, j'avais en tête le mauvais souvenir de la loi de 2013, où les débats parlementaires s'étaient terminés avec un texte bricolé à la hâte en commission mixte paritaire. Il est logique que la majorité sénatoriale ait souhaité aller dans une certaine direction, mais la mise en œuvre d'un tel texte risquait d'être complexe.

Cet "adéquationnisme", qui lie insertion professionnelle et capacités d'accueil, entre en contradiction avec ce qui se fait aujourd'hui, avec des formations par portail, permettant la construction d'un parcours individuel qui ne s'arrête pas à la licence !

Pour autant, l'insertion professionnelle n'est pas un sujet tabou pour les universités. Cela fait d'ailleurs dix ans que nous rendons des comptes à ce sujet. Que l'on discute avec le recteur pour suivre telle ou telle cohorte et voir s'il y a des évolutions marquantes ne me pose pas de problème. Mais il peut y avoir des effets de bulle et beaucoup de variations d'effectifs au fil des années. C'est pourquoi je trouve la version finale plutôt équilibrée.

Comment, dans de telles conditions, gérez-vous vos capacités d'accueil ?

Nous avons essayé de faire un effort dans les IUT et certaines filières où il y a une tension possible, comme Staps, AES ou LEA. Mais la gestion des capacités d'accueil dépend de nombreuses variables, qui, appliquées à un nouveau système, rendent l'exercice complexe.

Nous sommes dans une discussion intéressante, mais particulière avec le recteur : nous essayons de ne pas prendre en compte l'historique sur le long terme, mais uniquement les capacités en 2017. En psychologie à Brest, le chiffre a été fixé il y a trois-quatre ans à 520 places, mais c'est très limite au regard de nos moyens actuels et de nos bâtiments. En comptant les réorientations, nous arriverons sans doute à 530 étudiants, ce qui nous pourrait nous mettre en difficulté l'année prochaine.

La gestion des capacités d'accueil dépend de nombreuses variables, qui, appliquées à un nouveau système, rendent l'exercice complexe.

D'une manière générale, les moyens sont insuffisants. Mais on nous dit qu'ils seront revus à la hausse et maintenus sur les prochaines années. Cela permet de cibler les filières où on sait qu'il a un risque de tension.

Cette question des moyens était au centre de la mobilisation d'enseignants et étudiants en Staps à Brest début février. Les inquiétudes sont-elles aujourd'hui calmées ?

Nous avons eu effectivement une semaine de grève, mais la mobilisation est aujourd'hui terminée. Les inquiétudes portent sur une vraie problématique de sous-encadrement sur le long terme. Nous n'avons pas eu de postes au titre de la loi Fioraso. J'ai œuvré pour qu'une partie des moyens alloués par le rectorat permette de clarifier un certain nombre de choses pour la rentrée 2018.

Nous nous sommes engagés à créer six postes de titulaires en septembre, dont des personnels administratifs et des enseignants-chercheurs. Mais il n'y a pas que les Staps qui souffrent de sous-encadrement, à l'UBO comme en France. C'est quelque chose dont les pouvoirs publics doivent avoir conscience.


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Laura Taillandier | Publié le