Patricia Galeazzi (IA-DSDEN en Seine-et-Marne) : "Selon les dossiers, le recteur et son équipe détermineront le bon niveau de subsidiarité"

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
Présentée en conseil des ministres par Luc Chatel, le 4 janvier 2012, le décret sur l’organisation académique vient renforcer le pouvoir du recteur, pilote de la déconcentration de l’Education nationale. Dans ce cadre, les inspecteurs d’académie-directeurs des services départementaux de l’Education nationale (IA-DSDEN) changeront de statut le 1er février 2012, pour devenir des directeurs académiques, adjoints du recteur. Selon Patricia Galeazzi, IA-DSDEN en Seine-et-Marne, dans l’académie de Créteil, cette nouvelle organisation académique entérine des pratiques déjà en vigueur. 


Que va changer la nouvelle organisation académique au fonctionnement actuel dans votre académie ?

Le texte ne va pas changer les choses par rapport au fonctionnement actuel. Il ne fait que confirmer une orientation prise dans toutes les académies suite à la mise en place de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances). Depuis cette loi, le recteur avait déjà la responsabilité des moyens à répartir sur tous les niveaux de l'éducation et du supérieur, et de véritables équipes se sont constituées autour de lui au niveau académique.

Mon inspection académique a, par exemple, la responsabilité de la gestion des bourses sur l’ensemble de l’académie. Mais tout en gérant l’ensemble des dossiers de bourses des départements de l’académie, je ne pouvais pas signer à la place des IA des autres départements. Dès lors que le recteur sera lui-même responsable du dossier en totalité, il va pouvoir désigner un IA (futur directeur académique, ndr) et lui déléguer cette responsabilité. Nous pourrons traiter le tout du début à la fin, de manière plus fluide.


Le 1er février 2012, vous serez « directrice académique » et plus « directrice des services départementaux de l’Education nationale ». Que deviendra l’échelon départemental ?

Cet échelon reste valide. Ce que le ministre de l’Education nationale a toujours dit, c’est qu’il voulait faire fonctionner le principe de subsidiarité. Cela signifie que le recteur et son équipe de direction doivent déterminer le bon niveau de subsidiarité en fonction des dossiers. Cela peut être le niveau académique, le niveau départemental ou même le niveau de l’établissement. Dans la gestion des moyens, les IA restent des experts sur leur territoire et font des propositions, mais c’est le recteur qui prend la décision finale.

Dans l’académie de Créteil, l’équipe académique fonctionne déjà dans l’échange sur tous les sujets. Et le projet académique intéresse tous les niveaux, du primaire au supérieur, mais ce n’est pas le cas partout. En ce qui concerne le premier degré, certains IA-DSDEN fonctionnent de manière très autonome au niveau d’un département. Cette organisation clarifie la place du recteur dans le premier degré. Depuis que la LOLF a été mise en place, les recteurs s’intéressent au premier degré, mais là, ce sera plus clair.


Les IA-DSDEN, devenus directeurs d’académie, ne seront donc plus inspecteurs d’académie, comme les IA-IPR (inspecteurs d’académie – inspecteurs pédagogiques régionaux)…
 

Jusqu’à présent nous avions effectivement le même grade que les IA-IPR, mais les IA-DSDEN sont détachés sur un emploi fonctionnel. Nous souhaitions une distinction. Ce n’est pas une question de hiérarchie et de pouvoir mais la reconnaissance du niveau de responsabilité qui nous échoie. Nous avions le même grade, mais nous ne faisions pas le même métier.


L’autonomie plus grande des académies n’est-ce pas la fin de l’Education nationale ?

L’idée de contrat national de l’éducation est bien là. Prenez le socle commun, il vient la renforcer. Mais, dans les faits, les académies sont différentes. Alors forcément il y aura des différences, parce que les moyens mis en œuvre pour remplir ce contrat national ne sont pas les mêmes selon les endroits. Le ministre fait confiance au recteur pour déterminer localement quels vont être les moyens de réussir le contrat national. L’idée est de lui permettre de s’adapter aux besoins, toujours selon le principe de subsidiarité. Pour prendre un exemple, dans l’académie de Créteil où je suis, on ne peut pas dire que la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis soient similaires ! Mais l’objectif reste le même.


Le chef d’établissement joue également un rôle croissant…

Absolument, car le principe de subsidiarité se décline au plus près du terrain, avec d’un côté les chefs établissement, pour le second degré, et les IEN (inspecteurs de l’Education nationale) pour le premier degré. L’objectif est de donner une autonomie pour une bonne adaptation de l’utilisation des moyens permettant d’arriver à la réussite des élèves en prenant en compte les caractéristiques des établissements.

Notre rôle est aussi d’accompagner les chefs d’établissements et notre mission de conseil aux établissements, menée avec les IA-IPR, est majeure. Nous avons notamment des dialogues de gestion sur le contrat d’objectif (avancées, les projets, les changements, les réussites...) de l’établissement, avec les équipes. Cela signifie, par exemple, que lorsqu’un établissement a de bons résultats au bac, avec beaucoup de redoublements en seconde ou en ne gardant que les meilleurs élèves – en orientant les autres vers d’autres établissements - nous incitons l’équipe à modifier leur politique pour garder davantage leurs élèves, quitte à avoir de moins bons résultats au bac dans un premier temps. Les statistiques et les indicateurs de réussite sont importants, mais nous ne nous en contentons pas.

Le recteur, pilote de la déconcentration de l’Education nationale

« Ce décret, apparemment technique, incarne un choix politique », a précisé d’emblée le ministre de l’Education nationale, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue mercredi 4 janvier 2012, quelques heures après la présentation du décret relatif à l’organisation académique en conseil des ministres.
Le choix politique est celui d’une organisation déconcentrée de l’Education nationale pilotée par un  recteur d’académie qui devient « la seule autorité compétente dans l’académie ».

Le ministre compte sur cette réorganisation pour « clarifier la ligne hiérarchique qui va du ministre chargé de l’Education nationale à l’enseignant », estimant qu’existaient auparavant des sujets qu’il fallait traiter avec les recteurs, tournés vers le supérieur et le lycée, et d’autres avec les inspecteurs d’académies, chargés du premiers degré et du collège.

Les nouveaux recteurs, qui seront toujours nommés en conseil des ministres sur proposition du ministre de l’Education nationale par décision du président de la République, seront désormais « responsables sur tous les sujets », du premier degré au supérieur. « Ils doivent avoir les coudées franches », a affirmé Luc Chatel.

Les compétences et les délégations dont bénéficiaient jusqu'alors les IA-DSDEN (Inspecteurs d’académie-directeurs des services départementaux de l’éducation nationale) reviennent au recteur. Et ces inspecteurs d’académie, auparavant maîtres d’œuvres de la politique ministérielle au niveau départemental, deviennent des directeurs académiques, adjoints au recteur, au même titre que les secrétaires généraux d’académie.

Une politique de contractualisation entre l’administration centrale et les académies est en cours d’expérimentation dans les académies de Créteil, Dijon, Versailles, Lille, Montpellier, Poitiers et Strasbourg. 
                                                                                                                      

Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le