Portraits d'étudiants-athlètes aux JO

Guillaume Cauchois Publié le
Portraits d'étudiants-athlètes aux JO
Le judoka Teddy Riner // © 
Comment concilier sport de haut niveau et études ? Réponses d'athlètes-étudiants qui ont préparé les JO de Pékin (8-24 août 2008) au fil de notre galerie de portraits. Dans ce match quotidien pour chacun d'eux, un mot d'ordre revient : l’organisation.

Léonore Perrus, double championne du monde de sabre par équipe à seulement 23 ans, a intégré le master de communication de Sciences po en 2006. "J’ai tout de suite demandé à l’école un aménagement pour répartir les trois semestres de ma scolarité sur quatre semestres. S’il y a peu de compétitions internationales de septembre à janvier, elles sont beaucoup plus nombreuses entre février et juin. Depuis quelques semaines, je joue ma sélection aux Jeux olympiques de Pékin. Il me reste encore deux épreuves en mai, l’une en Autriche et l’autre en Belgique", témoignait-elle  

Planifier ses journées trois mois à l'avance

L’emploi du temps de Léonore demeure extrêmement serré. Chacune de ses journées est quasiment planifiée trois mois à l’avance. Pensionnaire du CREPS (Centre d’éducation populaire et de sport) de Châtenay-Malabry (92), elle s’entraîne au moins trois heures par jour sauf le week-end, réservé aux tournois ou aux travaux académiques. Chaque semaine, elle assiste à 10 heures de cours à Sciences po. Ce programme un peu démentiel ne la perturbe pas. Au contraire : "Ce semestre reste raisonnable. Je l’ai allégé. La première année a été beaucoup plus difficile. Il a fallu que je m’adapte à de nouvelles méthodes comme, par exemple, le travail en groupe. Je me suis accrochée. Depuis le début de ma formation, je me suis fixée un contrat moral : réussir comme n’importe quel étudiant."

Un encadrement conciliant

Cet esprit de compétition anime aussi Carole Vergne. Membre de l’équipe de France de sabre et partenaire d’entraînement de Léonore Perrus, cette Bretonne de 22 ans est en troisième année de pharmacie. Elle l’effectue en deux ans, en accord avec le doyen de l’université Paris-Sud 11. Sa méthode consiste à tout réviser en bloc juste avant les examens. "Contrairement à l’année dernière, ils ne tombent pas pendant une compétition. Les épreuves ont lieu fin mai. Je me suis donc déjà arrangée pour les préparer pendant quinze jours", témoignait Carole Vergne.

Elle bénéficie, comme les autres sabreuses, du soutien des entraîneurs nationaux, Pierre Guichot et Cyril Tahon. "Ils nous aident à déjouer ces casse-tête. Ils nous donnent du temps pour réviser nos partiels. Il faut juste les prévenir et être raisonnable."

Un suivi scolaire efficace

En plus de toutes ces contraintes quotidiennes, ces jeunes sportifs sont soumis à des déplacements perpétuels. Leur préparation aux Jeux olympiques les conduit aux quatre coins du monde pour des stages ou des tournois. Mais ils ne doivent pas perdre contact avec le monde scolaire. L’INSEP (Institut national du sport et de l’éducation physique), en partenariat avec l’académie de Créteil, garantit aux athlètes un suivi scolaire systématique.  

Teddy Riner, plus jeune champion du monde de l’histoire du judo dans la catégorie poids lourds, vient d’avoir 19 ans. L’année prochaine, il passe son baccalauréat professionnel MRIM (micro-informatique et réseau : installation et maintenance). Pour l’accompagner, un enseignant du lycée Louis-Armand de Nogent-sur-Marne (94) est mis à sa disposition. "Lors d’un stage au Japon en mars 2008, mon professeur de micro-informatique est venu. Il m’a aidé en mathématiques et dans toutes les matières scientifiques. Avec lui, j’apprends plus vite. Il est vraiment très fort !"

Trouver un équilibre

Malgré la signature d’un contrat avec un ou plusieurs sponsors, ces talents ne vivent pas de leur sport. Ils sont donc dans l’obligation de construire un projet professionnel. Après deux années de médecine, Céline Goberville, spécialiste du tir au pistolet à 10 et 25 mètres, s’est orientée vers la psychologie. Elle est en deuxième année à l’université Bordeaux 2. "Après ma licence, je ferai une école de psychomotricité. J’ai particulièrement envie de m’occuper d’enfants qui ont des problèmes d’hyperactivité."

Son père, Daniel, veille à ce qu’elle trouve un équilibre entre le sport et les études. Cet ancien tireur insiste sur l’approche mentale de la discipline. "À 21 ans, ma fille doit s’investir. Elle a le temps d’atteindre un statut social. Ses efforts auront des répercussions sur sa vie professionnelle. Elle apprend à observer, se concentrer et positiver. Avant ses matchs, je lui envoie un SMS ou un e-mail pour la rassurer et la motiver."

Partir pour réussir

Pour s’épanouir complètement, Mickaël Hanany a choisi l’exil. En 2004, il s’est installé aux États-Unis. Ce grand espoir français du saut en hauteur suit un MBA d’économie à l’université d’El Paso au Texas (UTEP). Selon lui, le système américain offre plus de garanties. "Je peux choisir mes plages d’entraînement (17 heures par semaine) et mes modules (15 heures). Mes études sont financées par le programme athlétique de l’université et je bénéficie d’une prise en charge totale en cas de blessure ou de soins."

Sa formation lui ouvre aussi de belles perspectives professionnelles : "Je voudrais lier le domaine médical ou pharmaceutique au business, mais je n’ai pas encore d’idée précise."

Des plages de repos nécessaires

Cette "double vie" s’avère usante. Surtout lors d’une année olympique. "Le risque, c’est de penser aux cours à l’entraînement et inversement. L’année dernière, j’ai souvent été blessée", confie Léonore Perrus. Pour retrouver un peu de fraîcheur mentale, elle voit ses amis et s’efforce de garder du temps pour des sorties culturelles. "Je m’évade avec la musique. Mon frère m’offre plein de CD. En ce moment, j’écoute beaucoup le groupe Belleruche. Je vais aussi au cinéma : je suis allée voir Bienvenue chez les Ch’tis !" Comme Léonore Perrus, tous ces athlètes s’offrent des parenthèses dans un planning surchargé. Teddy Riner descend à La Ciotat pour s’amuser en jet-ski tandis que Céline Goberville participe à des concours d’équitation. L’occasion de se ressourcer avant la dernière ligne droite avec, pourquoi pas, une médaille à la clé.  

Scientifiques et champions

Une usine à champions l’UPMC (université Pierre-et-Marie-Curie) ? Peut-être bien… A l’approche des Jeux olympiques, la fac scientifique parisienne est fière de présenter ses étudiants qui défendront les couleurs de la France à Pékin. En août 2008, seront notamment présents : Lila Meesseman-Bakir, étudiante en licence de chimie et spécialiste de la natation synchronisée, Brice Guyart, diplômé de Polytech' Paris-UPMC (une école d’ingénieurs en cinq ans) et champion olympique 2004 en fleuret, Ayodele Ikuesan, diplômée de la licence sciences fondamentales naturelles et expérimentales et sprinteuse sur 100 et 200 mètres, et Ulrich Robeiri diplômé de Polytech' Paris-UPMC électronique et informatique et épéiste. La recette du succès : des emplois du temps à la carte, du tutorat, des cours de soutien en cas d'absences dues aux compétitions, un rattrapage des séances de TP, des cours en ligne, etc.    VB.    

Guillaume Cauchois | Publié le