Privé-public : la conférence mondiale de l'Unesco témoigne d'un nouveau partenariat pour l'enseignement supérieur

Maëlle Flot Publié le

L'enseignement supérieur privé a connu une croissance exponentielle depuis la fin des années 1990 à travers le monde. Cette nouvelle donne, qui devrait s'amplifier, a donné lieu à des débats animés dans le cadre de la Conférence mondiale sur l'enseignement supérieur organisée à Paris par l'Unesco du 5 au 8 juillet 2009.

L'enseignement supérieur privé en pleine expansion

« Le développement de l'enseignement supérieur privé a été une solution dans certains pays pour répondre aux besoins de formation, aux besoins économiques et sociaux, mais aussi pour que les étudiants restent dans leur pays », a constaté Juma Shabani, directeur à l'Unesco pour le Zimbabwe et rapporteur de la table ronde sur le sujet intitulée « Private Higher Education : Responding to Global Demand » (L'enseignement supérieur privé : répondre à la demande mondiale). Selon les pays, les réponses à cette évolution varient allant de la mise en place d'une réglementation à la création de partenariats public-privé.

Un seul organisme d'accréditation au Maroc

« Notre pays a eu de gros besoins de formations d'ingénieurs et de commerciaux, rappelle Mokhtar Al Annaki, ancien directeur de l'enseignement supérieur au Maroc, ingénieur en génie civil devenu aujourd'hui consultant. Il était alors essentiel d'avoir des programmes communs. Pour cela, il a fallu dépasser les clichés. Le privé estime encore souvent que le public ne gère pas efficacement, le public que le privé ne se soucie pas assez de la qualité. Les établissements privés rétorquent en général qu'un budget leur est alloué et qu'ils doivent élaborer leurs programmes en fonction de ces revenus. »

Au Maroc, les autorisations d'ouverture de formations privées passent désormais par le même organisme d'accréditation que pour les formations publiques. « C'est important qu'il y ait une égalité de traitement et une même exigence au niveau de la qualité, plaide la sécrétaire générale de l'enseignement supérieur morocain. Néanmoins, il est important de se demander si le privé ne possède pas des particularités. Si l'on doit exiger un encadrement minimal quel que soit le type de formation, c'est plus difficile d'établir des critères pour la recherche applicables pour tous ? »

Des partenariats public-privé en Colombie

La Colombie a également expérimenté les partenariats entre les secteurs public et privé. L'enseignement supérieur privé y est très développé, comme dans beaucoup de pays d'Amérique latine. « L'État colombien garantit l'autonomie des universités, y compris privées, dans un objectif de démocratisation du supérieur, et nous avons de très bonnes universités privées, se félicite Javier Botero, le ministre de l'enseignement supérieur colombien. Le financement de la recherche va aux deux secteurs de l'enseignement supérieur et, à chaque fois, nous demandons la présence d'une société privée. La Colombie finance huit domaines d'excellence et ne fait pas de différence entre privé et public. Le partenariat entre privé public existe également pour le financement des études. »

Dans sa volonté de développer les partenariats public-privé, le gouvernement colombien a ainsi réuni en 2003 dans un même programme des représentants des entreprises, de l'enseignement supérieur, de l'éducation secondaire et des collectivités locales.

Trop de régulation tue les initiatives

Les débats ont ensuite porté sur les systèmes d'accréditation. « Pitié, que les gouvernements ne régulent pas tout ! a plaidé Mokhtar Al Annaki. Une régulation excessive est un frein à la flexibilité et à la créativité. Certes, un cadre légal s'impose pour éviter les dérives, mais il doit rester souple. » La présidente de la séance Svava Bjarnason de l'IFC a également souligné la nécessité d'un cadre légal en donnant l'exemple de l'Afrique du Sud - où l'enseignement supérieur privé est très développé - qui n'a pas hésité à fermer trois institutions privées qui ne respectaient pas les règles.

Plusieurs voix se sont élevées dans la salle pour affirmer que l'éducation était un bien public et que la vraie question était de savoir où devait aller l'argent public. Helène David, représentante du gouvernement du Québec, en faisait partie. « L'idée que le privé peut être la réponse à tous les problèmes de formation est erronée. On a assisté à de nombreuses dérives ces dernières années. Le modèle de l'entreprise n'est pas transposable aux universités publiques car ces dernières ne poursuivent tout simplement pas les mêmes objectifs. Le secteur privé veut des profits immédiats, alors que celui de l'éducation vise des objectifs sociétaux et à long terme. »

Le rapporteur a rappelé qu'il fallait distinguer les établissements privés à but lucratif et ceux à but non lucratif. La solution passerait-elle par l'adoption d'une législation qui prévoirait une taxation appropriée pour ces établissements ? Un débat qui ne fait que commencer...

Maëlle Flot | Publié le