Rentrée 2011 au lycée : quelles disciplines font les frais des suppressions de postes ?

Virginie Bertereau avec Natalie Fernandez Publié le

Au lycée général et technologique, les disciplines générales qui ont perdu le plus d’enseignants entre 2007-2008 et 2009-2010* sont la philosophie (-5,1 %), les langues (- 4,9 %), l’histoire-géographie (-4,1 %) et la physique-chimie (-3,8 %)
Au lycée professionnel, les coupes sont encore davantage perceptibles. Il s’agit en premier lieu du génie mécanique (-15,3 %), du génie industriel (-13,7 %), du génie électrique (-12,9 %) et dans une moindre mesure des maths (-6,9 %) et des lettres (-3,9 %).

Maths, français : les disciplines visibles

À l’heure où l’on pointe du doigt les résultats scolaires moyens des jeunes français à PISA, ces chiffres peuvent sembler étonnants. « Les disciplines les plus touchées sont celles où il y avait le plus d’heures à l’origine par classe, les matières les plus visibles. Par exemple, si on perd une division [classe, NDLR] qui avait 5 heures de français par semaine, on perd 6 heures de service de professeur [ses heures de cours et son heure de préparation, NDLR] », explique Guy François, principal du collège Maxime-Deyts de Bailleul, secrétaire départemental du Nord du SNPDEN (syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale)**. Selon le ministère de l’Éducation nationale, « les suppressions de postes sont liées aux besoins des académies. Selon les endroits, on compte plus de professeurs de maths qui partent à la retraite. Ailleurs, ce sera plus des professeurs d’histoire-géographie. Il n’y a pas d’arbitrage national ».

Options : chronique d’une mort annoncée

Reste ce que Patrick Fournié, proviseur du lycée Poincaré à Nancy et secrétaire national du syndicat Indépendance et direction, appelle la « chasse aux petits effectifs ». « Quand il faut faire avec moins de moyens, on est partagé entre l’idée de garder des sections prestigieuses [comme les sections européennes ou internationales, NDLR] et des disciplines sur-encadrées comme les options ou rebattre toutes les cartes », explique Claude Lelièvre, historien de l’éducation. Et d’après la plupart des témoignages recueillis, la solution 1 recueille le plus de suffrages.

« Dans mon établissement, on a supprimé le russe en LV3. Le conserver m’aurait coûté 9 « heures postes » par semaine. Mais plus on diminue l’offre, plus on diminue les effectifs : c’est un cercle vicieux qui entraîne la mort de certaines options. Les élèves ne peuvent plus faire de la musique et du russe. Les combinaisons ne sont plus possibles », assure Florence Delannoy, proviseur du lycée Fénelon à Lille. « Dans mon établissement, on a supprimé l’espagnol en LV2 en ST2S. Il a été décidé de donner les 5 heures uniquement à la LV1 au détriment de la LV2, devenue facultative pour la série ST2S (sciences et technologies de la santé et du social) en 2011 », déclare Emma Avery, professeur d’anglais au lycée polyvalent du Golf de Dieppe.

Séries et niveaux confondus

Pour continuer de proposer aux élèves certaines disciplines (et conserver des postes d’enseignants), plusieurs solutions sont envisagées. En premier lieu, la mise en réseau des établissements : les élèves vont suivre ponctuellement des cours dans un lycée voisin. « En l’occurrence, le russe est proposé à Lambersart, à 3 km de Lille. La distance reste raisonnable, mais il faut encore accorder les emplois du temps », indique Florence Delannoy. Surtout quand les classes sont mixtes, c’est-à-dire qu’elles rassemblent plusieurs niveaux, voire plusieurs séries. « À la rentrée 2011, j’enseignerai dans la même classe à des élèves de séries L, ES, S et STG, LV1 et LV2 confondues. Des élèves que je dois préparer à des épreuves du bac différentes : orale pour certains, écrite pour d’autres », déplore Danièle Beziat, professeur d’allemand au lycée Jean-Durand de Castelnaudary.

Il faut sauver la création et activité artistique

Autres solutions utilisées : supprimer les groupes pour faire cours en classe entière, diminuer le nombre d’heures quitte à ne pas assurer l’horaire officiel ou gonfler les effectifs par classe. « Pour conserver notre cours de création et activité artistique, un enseignement d’exploration de seconde qui devient une spécialité en 1re L, nous avions besoin de trouver 1h30 par semaine. Cela nous a demandé d’être plus vigilants sur les groupes de compétences en langues. Certains comptaient 15 élèves, voire 11, contre les 24 prévus. Nous avons donc constitué des groupes de 22 à 24 jeunes. Et nous avons dégagé pas mal de moyens », explique Martine Duval, proviseur du lycée Charles-de-Gaulle à Rosny-sous-Bois. Et quand il y a trop de candidats, on écrème parfois. « Dans mon établissement, en latin, on ne peut garder qu’une seule classe de 32 à 35 élèves à cause des suppressions d’heures. Au-delà, on sélectionne », affirme Joël Vuylsteker, professeur de SVT (sciences de la vie et de la Terre) au collège Gérard-Philipe à Hénin-Beaumont et secrétaire de la section locale du SNES-FSU (syndicat d’enseignants du second degré).  

« Le système n’est pas asséché »

La carte de l’offre de formation au lycée est donc difficile à dessiner. « Il y a une grande différence entre ce que propose le ministère sur le papier et ce qui est proposé dans les faits sur le terrain », juge Valérie Sipahimalani, secrétaire national du SNES-FSU en charge des lycées et professeur de SVT. À l’Éducation nationale, on rétorque que « le système n’est pas asséché ». « En France, on garde une grande variété de choix. Certains débattent sur le fait qu’il y aurait même trop de choix », déclare-t-on. Faut-il investir dans les options et les dédoublements au lycée plutôt que dans l’école obligatoire ? La question revient en force.

* Source : Repères et références statistiques 2008 et 2010, ministère de l’Éducation nationale.
** Le SNPDEN s’apprête à publier le 29 août 2011 une enquête de terrain sur la façon dont les établissements ont concrètement « absorbé » les suppressions de postes : « le vrai prix de la rentrée techniquement réussie ».


Tronc commun en 1ère : du pour et du contre

Un tronc commun (60 % des cours) sera mis en place en 1ère en septembre 2011. « C’est une mesure qui peut apporter de la souplesse. L’an dernier, nous avons dû refuser 8 élèves. Cette année, nous pouvons les intégrer dans une classe mixte ES et L », indique Florence Delannoy. Valérie Sipahimalani est plus critique. « Au lycée Jules-Ferry à Paris, nous avions jusqu’ici 7 classes de 1ère. Aujourd’hui, nous en avons 6 dont 1 mixte L-S. Cela fait sauter un poste de professeur de SVT. Par ailleurs, comment préparer des élèves qui n’ont pas les mêmes examens en fin d’année ? Comment allons-nous faire en terminale ? », interroge-t-elle.

Virginie Bertereau avec Natalie Fernandez | Publié le