Sarkozy met l'université "au coeur" de sa "refondation" de la politique de recherche

Grégory Danel Publié le
Sarkozy met l'université "au coeur" de sa "refondation" de la politique de recherche
Nicolas Sarkozy à Paris-Sud (Photo: Elysée/DR). // © 
Redéfinition des missions des grands organismes reconvertis bientôt en agence de moyens, remise en cause du statut de chercheur, le chantier du territoire de Saclay lancé dès 2009, la "refondation" de la politique de recherche voulue par Nicolas Sarkozy oscille entre volontarisme étatique et laissez-faire.

Nicolas Sarkozy a appelé le 28 janvier 2008 à une « refondation » de la politique de recherche française. Une « refondation » ? C’est bien plutôt à une véritable révolution que le président de la République convie le système de recherche hexagonal. Lors d’une cérémonie organisée en l’honneur d’Albert Fert sur le campus d’Orsay, Nicolas Sarkozy a annoncé pêle-mêle, la fin dans leur forme actuelle des grands organismes, une profonde réforme du statut des chercheurs et de leur recrutement, le recentrage du dispositif de recherche sur l’université. « Il n’est pas possible que la France soit en deuxième division de la science mondiale », a déclaré le président pour justifier ce grand chambardement qui n’a pas fini de faire parler dans tous les laboratoires de France.  

Réaffirmant une nouvelle fois l’engagement financier de l’Etat en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche (20 milliards d’euros d’ici à 2012, un budget porté à 3% du PIB), Nicolas Sarkozy rappelle que « c’est bien au Parlement, au gouvernement, et particulièrement au ministère en charge de la recherche, qu’il appartient d’attribuer l’argent public et de fixer les orientations stratégiques ». Traduction : ce n’est plus aux organismes de définir seuls la politique scientifique du pays. Finie « la balkanisation ».  

Quelles missions pour les organismes?

La mission des organismes va donc être « redéfinie ». Terminée la gestion administrative et financière, finie l’évaluation, confiées respectivement aux universités et à l’AERES, les organismes vont devenir des « agences de moyens davantage qu’opérateurs ». A terme, les organismes ne doivent conserver en propre que les activités coordonnables au niveau national, c’est-à-dire aux grands moyens de calcul, aux bases de données, aux grands équipements et aux grandes plate-formes technologiques, et à certains programmes. Vaste chantier, auquel les présidents de grands organismes sont invités à plancher dès… maintenant.  

Mais ce n’est pas tout, Nicolas Sarkozy veut aussi s’attaquer aux modes de rémunérations des chercheurs. Il veut profiter des départs massifs à la retraite d’ici 2012 (30% au total) pour introduire « un peu de flexibilité » dans le statut. « Tout en maintenant un volant de postes statutaires, ne pourrait-on pas conjuguer les moyens des universités et ceux des organismes pour recruter, dans le cadre de procédures communes, une certaine proportion d’enseignants-chercheurs de haut niveau, qui consacreraient pendant plusieurs années l’essentiel de leur activité à la recherche. » Cela permettrait d’offrir des rémunérations plus attractives pour les jeunes docteurs les plus brillants grâce à la mutualisation des moyens entre universités et grands organismes.

Des financements soumis à évaluation

Les financements sur projets devraient devenir la règle, « y compris les programmes blancs ». « Mais », souligne Nicolas Sarkozy, au terme de chaque projet, court ou long, les résultats seront évalués et la poursuite du financement « entièrement suspendue » à cette évaluation.  

D’autres mesures ont, en outre, été annoncées. Ainsi la France poussera à la création d’une agence de moyens au niveau européen à l’occasion de sa présidence de l’UE au deuxième semestre 2008. La valorisation de la recherche sera déconcentrée au niveau régional via « un point de rencontre unique entre porteurs d’innovations scientifiques et porteurs de projets industriels ». Enfin les bénéfices de l’innovation seront « simplifiés » en faveur des chercheurs mais aussi des universités. A ce titre, Nicolas Sarkozy propose de défiscaliser « purement et simplement » toutes les activités de valorisation des universités.  

"Consternation" des organisations de personnels

Le contenu du discours présidentiel semble le fruit d’une double tension : un volontarisme étatique très fort qui rappelle les plus belles heures du commissariat général au Plan et un laissez-faire certain dans la mise en œuvre de ces grandes orientations.

Ces orientations sont cependant tout sauf une surprise. Nicolas Sarkozy avait maintes fois abordé le sujet lors de la dernière campagne électorale. Elles n’en ont pas moins suscité une levée de boucliers. « Consterné », le collectif « Sauvons la recherche » dénonce une « déstabilisation » du système de recherche, critique une recherche scientifique inféodée au gouvernement et la « la mise en extinction du statut de chercheur ». Il appelle d’ailleurs à la mobilisation de tous les personnels. Le SNCS-FSU fustige pour sa part,  un véritable « pilonnage » et un retour en arrière favorisant le « mandarinat », les « clans », et « l’opacité ». Pertinentes ou non, les réformes décidées par le président dans l’éducation, l’enseignement et la recherche dessinent un tout  et témoignent, à tout le moins, de sa volonté d’affronter les personnels et les syndicats du monde éducatif et scientifique : du « prof » de base jusqu’au chercheur.

Nicolas Sarkozy veut plus de recherche dans les "grands écoles"

Pour Nicolas Sarkozy, c’est un « mal français ». Le président de la République, lors de son discours « refondateur » de la politique de recherche française prononcé à Orsay, le 28 janvier 2008, a exhorté les « grandes écoles » à faire plus de recherche. « C’est un mal français que tant de grandes écoles n’encouragent pas fermement leurs élèves à consacrer trois ans de plus de leur vie à la science, à la découverte, et que les entreprises ne reconnaissent pas la profondeur intellectuelle acquise lors de ces trois années dans les rémunérations qu’elles proposent. » Nicolas Sarkozy veut que les liens entre les grandes écoles et les écoles doctorales, et entre les écoles doctorales et l’entreprise soient « massivement » renforcés.

Grégory Danel | Publié le