Serge Court, professeur d’EPS et d’arts du cirque : "Avant d'avoir des aides pour partir au festival d'Avignon, il faut faire ses preuves"

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
Serge Court, professeur d’EPS et d’arts du cirque : "Avant d'avoir des aides pour partir au festival d'Avignon, il faut faire ses preuves"
?? Segrecourt // © 
Professeur d’EPS (éducation physique et sportive), Serge Court emmène depuis 2008 des élèves ayant travaillé avec lui sur le cirque et le spectacle vivant, à Avignon. Dans le cadre de notre strong>série d'articles sur le monde éducatif au festival d'Avignon, rencontre avec un enseignant passionné et engagé, prêt à consacrer des dimanches et une partie de ses vacances d’été à ses projets avec les lycéens.

Comment l’idée d’emmener des élèves au Festival d’Avignon est-elle née ?

En arrivant au lycée Livet à Nantes, j’ai proposé trois heures consacrées aux arts du cirque dans le cadre de l’UNSS [Union nationale du sport scolaire] le mercredi. Puis se sont ajoutées deux heures d’ateliers d’expression artistique où je pouvais disposer d’un intervenant extérieur. Nous y avons ajouté une demi-journée de travail, un dimanche par mois, et avons monté un spectacle : Piccolo Salto. J’ai fait acheter des rideaux noirs, puis des projecteurs. Nous avons installé une vraie salle de spectacle au lycée et avons joué toute une semaine. Un jour, un membre du Conseil régional des Pays-de-la-Loire est venu voir le spectacle en juin 2007 et m’a demandé pourquoi nous n’allions pas jouer à Avignon. L’envie d’y aller était déjà là. J’ai pris la balle au bond.



Quelles démarches avez-vous effectuées pour rendre le séjour possible ?


Fin août, j’ai travaillé avec le proviseur pour demander une subvention au Conseil régional, au rectorat – j’étais déjà en contact avec le responsable culturel – et une participation du lycée. Lycée et région ont donné à peu près la même chose. Le rectorat un peu moins. Nous avons ensuite trouvé un hébergement. Un internat de lycée à Avignon nous a ouvert ses portes pour un coût minime. Avec un budget de 8.000 €, nous sommes partis sept jours en juillet pour présenter le spectacle en plein air.



À vous entendre, on pourrait croire qu’il est facile de boucler un budget de 8.000 € pour un séjour de sept jours avec des lycéens en Avignon…


Celui qui débarque dans un établissement doit d’abord fournir un travail important. Avant de recevoir des aides, il faut faire ses preuves. Mais ce n’est jamais pérenne. Tous les ans il faut recommencer, redéposer un nouveau dossier. Ils ne peuvent pas donner toujours au même. C’est une question d’équité. Je ne pars qu’avec 12 élèves. Je représente une goutte d’eau pour le conseil régional. Mais c’est une expérience unique et je ne connais pas d’autre professeur qui parte à Avignon comme ça.



Parce qu’un projet de ce type nécessite un investissement considérable…


Monter des projets importants sort forcément du cadre et vous êtes obligé de prendre sur votre temps libre. Je suis prof par vocation. Maintenant, quand on dit qu’on est prof parce qu’on aime les enfants, on vous embarque aussitôt ! Il me semble que les enseignants sont désormais plus dans le rapport au savoir que dans celui à l’autre, du fait de leur formation universitaire. J’imposerais à tous les enseignants de faire des colos parce que je trouve qu’il est indispensable de connaître l’enfant hors du système scolaire. J’ai toujours fait des choses en dehors, plein de colos et beaucoup de camps d’ados. Cette expérience compte évidemment dans mon envie d’emmener des jeunes à Avignon et dans ma capacité à monter un séjour. Aujourd’hui, c’est plus facile parce que mes propres enfants sont grands.



À quelles difficultés faut-il s’attendre quand on monte un projet de ce type ?


Il faut évidemment le porter. Et supporter certains détails très énervants, comme le fait de ne pas pouvoir bénéficier de billets Prem’s pour l’aller-retour en train, parce qu’ils ne permettent aucun remboursement si on a un contretemps !



Est-il difficile de convaincre les parents de laisser partir leur enfant ?


Au départ, je laisse les lycéens en parler avec leurs parents. Puis je leur annonce un coût de séjour plus élevé que ce qu’il sera, autour de 600-700 €. Cette année, le coût supporté par les familles est de 500 € par élève, pour un séjour de quatorze jours. Pour le reste, il faut être dans la communication avec les parents. Il y a une relation de confiance à instaurer avec les familles comme avec les lycéens qui viennent. Je leur parle de tout : du rythme de vie, en fonction des spectacles, qui peut nous amener à nous coucher tard. Et aussi des choses sur lesquelles je suis intraitable : pas d’alcool, pas de cannabis, des tentes non mixtes. Je leur rappelle tout de même que je dors la nuit et que je ne peux pas être derrière chaque jeune ! Je précise aussi que les trois autres adultes et moi-même qui encadrent le séjour sommes toujours joignables. Comme nous campons à sept kilomètres du centre, nous allons chercher les jeunes en minibus le soir à minuit et demi. L’horaire n’est pas négociable.



Le prof de sport et le spectacle vivant

Serge Court faisait du théâtre amateur avant de devenir professeur d’EPS et venait régulièrement à Avignon. L’accès à la culture, la manipulation d’objets et le regard artistique l’intéressent depuis toujours. Il y a fait des stages au théâtre de l’Opprimé et autour des  masques, domaine qui l’intéresse beaucoup. En 1990, il a suivi une formation de formateurs au Centre national des arts du cirque à Châlons-en-Champagne (51) pour être capable de faire passer les arts du cirque dans le cadre scolaire. Il a ensuite monté un spectacle et fait une tournée en Brière, avec les élèves du collège des Dervallières (une zone urbaine sensible de Nantes), avant d’arriver au lycée Livet. La troupe a joué cinq jours dans des collèges.

Financement de « Livet en Avignon » 2011

2.000 € du lycée.
1.000 € du conseil régional.
1.000 € du rectorat.
500 € par jeune (participation des familles).

strong>➢    Lire aussi le reportage sur le séjour « Livet en Avignon »

Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le