Stages hors cursus : le décret qui fâche

Séverine Tavennec Publié le
Avant cet été, le gouvernement devrait publier un décret sur l’interdiction des stages hors cursus de formation qui s’appliquerait à partir du 1er septembre 2010. Depuis l’annonce de ce projet, le 10 mai 2010, de nombreuses organisations étudiantes et professionnelles demandent plus que jamais au gouvernement de revoir sa copie.

La loi du 24 novembre 2009 sur la formation professionnelle prévoyait que les stages en entreprises soient intégrés à un cursus pédagogique, selon des modalités qui seraient définies par décret. Le projet de décret, dévoilé par les ministères de l'Enseignement supérieur et du Travail, le 10 mai 2010, était donc très attendu. Il n’a pourtant pas fait l’unanimité.

Si ce dernier vise bien à empêcher les employeurs d'abuser de la précarité des jeunes diplômés en ne leur proposant que des stages, peu coûteux, en lieu et place d'embauches réelles, il prévoit néanmoins trois exceptions.

Trois exceptions à l'interdiction des stages hors cursus

Resteraient ainsi autorisés les stages menés dans le cadre des « formations organisées pour permettre une réorientation et proposées aux étudiants » par des universités, ainsi que ceux menés dans le cadre de « formations complémentaires destinées à favoriser des projets d’insertion professionnelle » et enfin ceux réalisés durant les périodes de césure pendant lesquelles l’étudiant suspend temporairement sa présence dans l’établissement pour exercer d’autres activités lui permettant d’acquérir des compétences en cohérence avec sa formation.

Un décret passoire

Ces trois exceptions ont provoqué la colère des organisations étudiantes et professionnelles et du collectif de stagiaires Génération précaire. Ainsi, l’Unef, la CGT, la CFDT, FO, la CPU (Conférence des présidents d’université), l’Asmi (Association des stagiaires du Ministère de l’Intérieur) et la CGE (Conférence des grandes écoles) ont trouvé ce décret trop permissif.

« Le décret ne doit autoriser les stages que pour les formations diplômantes »
L’UNEF demande notamment au gouvernement « de revoir sa copie  et que ces exceptions soient retirées du projet de décret. Le décret ne doit autoriser les stages que pour les formations diplômantes et prévoir des dispositions pour éviter que des conventions de stages de complaisances soient passées entre des établissements d’enseignement supérieur et des entreprises ».

La réglementation des stages remise en cause

Pour la Fage, ce décret intègre des dérogations possibles qui remettent en cause une réglementation effective des stages : « le projet de décret prévoyant par exemple la possibilité que les stages concernent des « formations complémentaires destinées à favoriser des projets d’insertion professionnelle » permettrait par exemple la création de diplômes universitaires (DU) visant uniquement à délivrer des conventions de stages. De même, la possibilité de délivrer des conventions de stage durant des années de césure pose la question de l’encadrement pédagogique de ces stages durant lesquels l’étudiant ne serait théoriquement pas en lien avec son établissement... »

La question des stages à rallonge

Ce projet de décret ravive ainsi la question du statut des stagiaires où dans un marché du travail très tendu, les jeunes diplômés acceptent de plus en plus de faire des stages à rallonge, à défaut de trouver un emploi à la sortie de leur formation. Certaines universités signent encore complaisamment des inscriptions, sachant pertinemment que les étudiants ne vont pas suivre les cours mais passer leur année en stage. Peut-on empêcher ces inscriptions fictives ? Dans l’absolu, il faudrait que les établissements vérifient non seulement plus systématiquement le contenu des conventions qu'ils concluent, mais aussi que les étudiants valident leur UV et ne sont pas inscrits sans être présents...

Toujours plus de stagiaires dans les entreprises

Du côté des entreprises où le nombre de stagiaires augmente avec la crise, le collectif Génération Précaire propose notamment « un encadrement plus strict avec un pourcentage maximum de stagiaires dans chaque entreprise, des sanctions pour les entreprises qui abusent, et l’augmentation de la rémunération des stagiaires ».

Mise en place d’un modèle national de convention de stage

La Conférence des présidents d’université (CPU), le réseau JURISUP (Réseau des affaires juridiques de l’enseignement supérieur) et l’Agence de mutualisation des universités et des établissements (Amue) viennent de mettre en place une convention de stage unifiée qui comporte toutes les dispositions obligatoires relatives aux stages en intégrant les plus récentes, notamment sur les  gratifications au bout de deux mois de présence dans l’entreprise. Le modèle de cette convention vient d’être envoyé aux établissements et a vocation à être utilisé le plus rapidement possible.

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