Suppressions de postes dans l’Éducation nationale : les chefs d’établissement dans l’expectative

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Suppressions de postes dans l’Éducation nationale : les chefs d’établissement dans l’expectative
Carte : Roman Wierucki // © 
Les organisations syndicales ont annoncé une journée de mobilisation, samedi 22 janvier 2011, pour dénoncer les 16.000 suppressions de postes prévues à la rentrée 2011 dans l’Éducation nationale. En attente de leur dotation horaire, principaux de collèges et proviseurs de lycées des académies les plus touchées (Versailles, Créteil, Nancy-Metz, Lille…) nous disent comment ils s’organisent.

À quelle sauce seront-ils mangés ? Quels efforts devront-ils fournir ? Les principaux des collèges et les proviseurs des lycées sont à l’heure des questions sans réponses. C’est à partir du 20 janvier 2011 que chaque chef d’établissement sera fixé sur sa dotation globale horaire pour la rentrée 2011. Avec des contraintes très fortes à gérer puisque le ministère de l’Éducation nationale a annoncé la suppression de 16.000 postes (enseignants et personnels administratifs) dans son budget 2011.

Après les suppressions de stagiaires, celles des enseignants se profilent

Du déjà vu ? Pas tout à fait… Certes, depuis 2007, les suppressions de postes sont récurrentes. Au total, on en dénombre près de 50.000 depuis cette date. Mais, en 2011, la donne a changé. « En 2010, par exemple, on a supprimé des postes de stagiaires avec la réforme de la formation des maîtres. La coupe a été relativement indolore. En 2011, il va falloir chercher du côté des enseignants », pointe le proviseur d’un lycée général et technologique de l’académie de Versailles, l’une des plus touchées en nombre de postes perdus (493 suppressions).

Des moyens calculés au plus juste

« Jusqu’ici, nous bénéficiions d’une marge qui permettait certaines choses comme le dédoublement des classes. Cette marge a fondu depuis qu’on supprime des postes. On n’a plus de mou au-delà des horaires officiels, indique Patrick Fournié, proviseur du lycée Henri-Poincaré à Nancy, secrétaire national du syndicat Indépendance et Direction. Mais, dans le cadre de la réforme du lycée, de nouvelles marges de manœuvre apparaissent comme les dix heures à partager librement entre les différentes disciplines en seconde, les neuf heures en première S ou les sept heures en premières ES et L. La politique ministérielle vise à supprimer les marges de manœuvre hors horaires officiels et à créer des marges de manœuvre dans les horaires officiels. » Et de conclure : « Optimisation et efficience sont les nouveaux mots clés. Mais ce n’est pas simple de faire mieux avec moins ou autant. » L’académie de Nancy-Metz, dont dépend le lycée Henri-Poincaré, subit une coupe de 524 postes en 2011.

Chefs d’établissement en attente

Où sont les « gisements d’efficience » réclamés par Luc Chatel ? Tant que les chiffres officiels des dotations ne sont pas connus des chefs d’établissement et des syndicats, c’est le statu quo. « On est dans l’attente », avoue Martine Druenne, proviseur de lycée professionnel dans l’académie de Créteil (– 426 postes) et secrétaire académique du SNPDEN (Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale). « On réfléchit avec le conseil d’administration, le conseil pédagogique, les représentants des parents d’élèves… » précise de son côté le proviseur d’un lycée général et technologique de l’académie de Versailles. Mais tous ont tout de même leur petite idée…

Les heures supplémentaires : le levier principal

Principal levier : les heures supplémentaires proposées aux enseignants, qui augmentent. Au-delà d’une heure obligatoire, ils doivent être volontaires. Ce qui n’est pas toujours simple. « Dans mon lycée, un poste a été supprimé. Les enseignants n’ont pas accepté de prendre des heures supplémentaires. Le rectorat a recruté un vacataire pour compenser », raconte Florence Delannoy, proviseur du lycée Fénelon à Lille et membre du bureau national du SNPDEN.

Son collègue, Guy François, principal du collège de Bailleul à Lille et secrétaire départemental du Nord du SNPDEN, note de son côté : « Dans les départements de l’académie de Lille, les classes de sixième vont passer à 30 élèves – ce qui représente une augmentation de deux élèves par section environ – dans les établissements hors RAR (réseaux ambition réussite) et REP (réseau d’éducation prioritaire). » Mais en période de moyens attribués au plus juste, l’augmentation des effectifs par section n’est plus vraiment un levier pour les chefs d’établissement puisque tout est déjà calculé pour des classes complètes.

La réforme du lycée, un prétexte ?

En revanche, les autres leviers possibles resteraient le roulement d’un professeur sur plusieurs établissements lorsque son service n’est pas complet, la suppression de filières « non rentables » (ce que Patrick Fournié appelle la « chasse aux petits effectifs ») comme les langues anciennes ou rares, les formations postbac (STS notamment) ou professionnelles (CAP, BEP), ou encore le regroupement de classes de séries différentes en première dans les matières du tronc commun instauré avec la réforme du lycée .

« Effectivement, la mise en place du tronc commun en première permettra de récupérer des heures de service des professeurs. Mais ce n’est pas le but de la réforme. L’objectif est surtout de décloisonner les séries. D’autant plus que les heures dégagées peuvent être réutilisées pour l’accompagnement personnalisé, par exemple », souligne Patrick Allal, récemment nommé chargé de la mission sur la réforme du lycée par Luc Chatel. Celui-ci mentionne également que « toutes les académies n’ont pas utilisé les mêmes leviers », mais se sont adaptées aux spécificités du territoire. Quels seront les « gisements d’efficience » de chacune ? Réponse dans les jours à venir.
 

Les syndicats et le PS montent au créneau

Les 16.000 suppressions de postes dans l’éducation à la rentrée 2011 passent mal chez les organisations syndicales. Elles regrettent la baisse du nombre d’enseignants malgré une augmentation du nombre d’élèves. Au-delà de la journée de manifestations du 22 janvier 2011, certaines ont donc décidé d’aller plus loin. Ainsi, la FSU, l'UNSA et le SGEN-CFDT ont boycotté les vœux de Nicolas Sarkozy présentés au monde de la connaissance et de la culture. De son côté, le SNALC-CSEN a déposé « des préavis de grève reconductible » à partir du lundi 24 janvier 2011 pour « soutenir les actions locales et permettre à tous les collègues qui le souhaitent de réagir quand les besoins s'en font sentir ».

Bruno Julliard , secrétaire national du Parti socialiste à l'éducation, a quant à lui déclaré que les conséquences des suppressions de postes seront « désastreuses », prédisant « la rentrée la plus difficile depuis de très nombreuses années ».

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