Théorie du genre : les manuels scolaires de SVT dans la tourmente

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Quatre-vingt députés UMP ont exigé le retrait des manuels scolaires de SVT de première L et ES, qui abordent, pour cette rentrée, l’homosexualité et la transsexualité. Que disent exactement ces ouvrages ?

Tout a commencé avec quelques lignes du span style="font-style: italic;">Bulletin officiel daté du 30 septembre 2010. Le thème 3 Corps humain et santé, section A « Féminin, masculin », « Devenir homme ou femme » invite les professeurs à saisir « l’occasion d’affirmer que si l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée ».

Comment les éditeurs de manuels se sont-ils saisis de cette opportunité ?

Trois manuels (Bordas, Hachette et Hatier) (voir les chapitres concernés en PDF, fichiers joints) destinés aux élèves de première L et ES y ont consacré un chapitre, avec plus ou moins d’entrain. Chez Bordas, dans le chapitre intitulé « Devenir homme ou femme », une page et cinq encadrés ou exercices sont consacrés à « l’identité sexuelle et orientation sexuelle ». On peut alors lire : « L’identité sexuelle est le fait de se sentir totalement homme ou femme. Cette identité dépend d’une part du genre conféré à la naissance, d’autre part du conditionnement social », avec en fin de page un petit exercice : « Expliquez brièvement la différence qui existe entre identité sexuelle et orientation sexuelle ». Un autre exercice demande : « Caractériser, à partir de différentes informations et à différentes échelles, un individu de sexe masculin ou de sexe féminin ».

Hachette est le plus enthousiaste et consacre cette fois dix pages à « Identité et orientation sexuelle ». On peut lire cette fois : « Seul sexe bien établi, le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle, mais ce n’est pas pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin. »

Quant à Hatier, c’est l’éditeur qui en fait le moins sur le sujet. Son chapitre est intitulé « Être homme ou femme » et non « Devenir homme ou femme » comme chez Bordas, avec seulement quatre encadrés, où l’on peut lire cette fois : « Montrer que d’autres facteurs peuvent intervenir pour définir l’identité sexuelle d’une personne. » Reste à savoir comment les enseignants s’empareront du sujet devenu très polémique.

À première vue, il n’y avait pas d’allusion directe aux gender studies dans le BO. Ce domaine d'étude de sciences humaines porte sur les relations entre le sexe biologique et le genre sexuel. Un sujet largement étudié aux États-Unis, mais également en Suisse.

Le Secrétariat général de l'Enseignement catholique (SGEC) a cependant envoyé une lettre aux chefs d'établissement afin d’inviter au discernement quant au choix des manuels de SVT (sciences de la vie et de la Terre) pour les classes de premières ES et L. Dans cette lettre, il reproche aux manuels de faire implicitement référence à la théorie du genre qui privilégie le « genre » considéré comme une pure construction sociale sur la différence sexuelle, ce qui fait de l'identité masculine ou féminine, non pas une donnée anthropologique, mais une orientation.
 

Polémique sur les manuels scolaires : une polémique venue des milieux chrétiens

La polémique avait démarré au printemps 2011 dans les médias et les associations chrétiennes. Désormais, le débat sur « la théorie du genre » s’invite dans tous les médias. En effet, 80 députés UMP ont demandé, mardi 30 août 2011, au ministre de l’Éducation nationale Luc Chatel le retrait des manuels scolaires de SVT pour les première ES et L qui présentent la « théorie du genre sexuel ». Dans le communiqué adressé à la presse par Richard Mallié, député des Bouches-du-Rhône, on peut lire que « l’éducation à la sexualité doit avant tout reposer sur une démarche éducative qui répond à la fois à des questions de santé publique et à des problématiques concernant les relations entre garçons et filles, non à des théories fumeuses ».

Luc Chatel a préféré botter en touche. Le ministre leur a répondu qu’il n’exerçait pas le « droit de vie et de mort sur un manuel » scolaire et « qu’il n’y avait pas de label Éducation nationale sur les manuels ». Mais la polémique avait commencé plusieurs mois auparavant. Les associations familiales catholiques avaient déjà lancé une pétition le 31 mai 2011. Par courrier du 19 juillet 2011, le chef de cabinet du président de la République, Guillaume Lambert, avait alors répondu « que cela ne signifie en aucun cas que le gouvernement adhère à ces orientations, et encore moins que les élèves et leurs familles doivent être contraintes de souscrire à de telles conceptions de l'homme et de la société ».



La théorie des genres entre au programme de Sciences po à la rentrée

La théorie des genres arrive à Sciences po. Contrairement aux pays anglo-saxons, les études sur le genre étaient quasiment absentes en France. Curieux, quand on sait que Le Deuxième Sexe, livre de référence des féministes américaines, avait été écrit par Simone de Beauvoir en 1949 !

Sciences po innove en lançant à la rentrée le projet intitulé Presage qui, peut-on lire sur le site, est « une réflexion sur le genre dans l’ensemble des activités de Sciences po ». Ce programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre a été lancé par Jean-Paul Fitoussi, président de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) avec Françoise Milewski et Hélène Périvier .

Désormais, tous les étudiants de Sciences po reçoivent cet enseignement. « Les historiennes Joan Scott et Michèle Perrot, les philosophes Élisabeth Badinter et Geneviève Fraisse, ainsi que l’anthropologue Françoise Héritier devraient participer au conseil scientifique ».

L’université de Genève dispense un enseignement pluridisciplinaire sur les genres depuis 1995. En France, jusqu'à son entrée à Sciences po à la rentrée, l’enseignement y était plus confidentiel, même si l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales) dispense des séminaires sur ce sujet .

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