Un million d'apprentis : les défis du financement, de la qualité et de l'infra-bac à relever

Amélie Petitdemange Publié le
Un million d'apprentis : les défis du financement, de la qualité et de l'infra-bac à relever
La rédaction d'EducPros a organisé une conférence sur l'avenir de l'apprentissage le 1er mars 2024. // ©  EducPros
Alors que la France a franchi le million d'apprentis, comment garantir la qualité des formations, pérenniser leur financement et développer l'offre infra-bac ? L'une des pistes principales reste la révision du contrôle des formations et leur labellisation.

La France a franchi, en décembre 2023, le seuil d'un million de jeunes en apprentissage. Le fruit de plusieurs années d'incitation à l'embauche, avec notamment une prime de 6.000 euros pour toute entreprise qui recrute un alternant.

Ce développement engendre cela dit plusieurs problématiques : une difficulté croissante à contrôler la qualité des formations en apprentissage, un modèle de financement précaire, et un manque de jeunes apprentis infra-bac. Autant de questions abordées lors d'une conférence organisée par EducPros au Salon de l'Apprentissage, ce vendredi 1er mars.

Inquiétudes quant à la qualité des formations

"De plus en plus d'entreprises proposent des apprentissages, mais nous ne savons pas toujours si ces opérateurs sont sérieux, ce qui crée des inquiétudes", pointe Laurent Champaney, président de la CGE (Conférence des grandes écoles).

La certification Qualiopi et le titre RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) attestent de la conformité des formations en alternance. Pourtant, les dérives existent.

"Nous constatons des achats de certifications, par exemple. Et certains jeunes ne sont pas accompagnés en amont de la formation pour trouver une entreprise. Nous pouvons nous réjouir du développement quantitatif spectaculaire de l'apprentissage mais il faut être vigilant quant à la qualité", abonde ainsi Alban Margueritat, délégué national de la Fnadir (Fédération nationale des directeurs de CFA).

Repenser les contrôles et les labels

Pour pallier cette situation, une des solutions serait de revoir les contrôles effectués auprès des formations, qui sont parfois peu adaptés. "Les contrôles s'inscrivent dans des enjeux de conformité mais portent très peu sur le fond, sur la qualité de la formation", explique Frédéric Sauvage, président de l'Anasup (Association nationale pour l'apprentissage dans l'enseignement supérieur).

Les labels Qualiopi et RNCP sont "des outils du ministère du travail, ils sont surtout utiles pour les entreprises. Mais avant d'être des salariés, ces jeunes sont des élèves en formation", ajoute Laurent Champaney.

Une évaluation de la capacité à accompagner le jeune au niveau pédagogique et psychologique serait une bonne piste. Sur ce volet, le ministère de l'Enseignement supérieur travaille depuis plusieurs mois avec l'ensemble des acteurs du supérieur à la création d'un label visant la qualité de la formation en apprentissage.

Les intervenants plaident, par ailleurs, pour une simplification des contrôles, actuellement menés par plusieurs instances.

Des interrogations sur le financement de l'apprentissage

Garantir une formation de qualité a aussi un coût. Or, après une explosion du coût de l'apprentissage, les financements sont en baisse. Le plan d'économie budgétaire annoncé par le gouvernement en février prévoit, en effet, une coupe de 200 millions d'euros dans les dotations accordées aux centres de formation des apprentis (CFA) pour couvrir les dépenses d’enseignement.

"Nous avons une vraie problématique d'investissement. Dans un an ou deux, on n'y arrivera plus. (F. Sauvage, Anasup)

"Nous avons une vraie problématique d'investissement. Dans un an ou deux, on n'y arrivera plus", témoigne Frédéric Sauvage. Une situation d'autant plus précaire que la prime à l'embauche d'un alternant n'est pas un dispositif pérenne. Si elle a été renouvelée cette année, rien ne garantit que ce sera le cas les années suivantes. Frédéric Sauvage appelle à un maintien de cette aide, à minima pour les PME, chez qui elle a provoqué un "choc d'offres".

Envisager une contribution des entreprises... et des familles ?

Investir dans l'apprentissage est rentable pour la société, affirment les intervenants. "Le taux d'insertion est systématiquement supérieur pour les jeunes qui ont fait un apprentissage par rapport à ceux qui n'en ont pas fait, il y a donc un très bon retour sur investissement", indique Alban Margueritat.

"Plus on investit dans l'apprentissage, plus on favorise l'insertion du jeune. Cela entraîne une baisse du chômage et une hausse des salaires, donc des cotisations", ajoute Frédéric Sauvage.

Au-delà du financement de l’État, il plaide également pour une contribution des entreprises. Bien que l'idée fasse débat dans l'auditoire, Laurent Champaney propose par ailleurs de permettre aux familles, si elles le souhaitent, de payer un reste à charge afin que l'étudiant puisse intégrer une formation en apprentissage.

Créer une continuité entre l'apprentissage avant et après le bac

Mais, au-delà de ces aspects, se pose aussi la question de l'apprentissage avant le bac qui n'est pas aussi dynamique que dans le supérieur. "L'apprentissage est d'abord le reflet du marché du travail. Et, aujourd'hui, le besoin de compétences est sur des niveaux supérieurs", explique Frédéric Sauvage. Selon lui, ce déséquilibre n'est pas forcément un inconvénient, car les offres dans le supérieur ne cannibalisent pas les autres.

"Si l'apprentissage dans le supérieur peut redorer le blason de l'apprentissage, c'est une bonne chose", abonde Laurent Champaney. Il alerte cependant sur l'aspect économique : les formations en alternance avant le bac ne doivent pas être sous-dotées et se contenter de matériel pédagogique vieillissant tandis que les formations post-bac auraient du matériel de pointe. Les lycées et les grandes écoles pourraient d'ailleurs mutualiser certains équipements.

Pour Frédéric Sauvage, le développement de formations en apprentissage infra-bac nécessite d'avoir une offre en apprentissage dès la première année d'études supérieures. Ces passerelles permettront aux étudiants de continuer sur ce mode de formation dans le supérieur, favorisant ainsi l'ascenseur social.  

Amélie Petitdemange | Publié le