Budget 2024 : dans l'éducation comme dans le supérieur, les économies annoncées inquiètent

Malika Butzbach Publié le
Budget 2024 : dans l'éducation comme dans le supérieur, les économies annoncées inquiètent
Les acteurs du sup et de l'éducation nationale s'inquiètent de la baisse des crédits. // ©  Eric Tschaen/REA
Le gouvernement l'avait annoncé : 10 milliards d'euros d'économie devront être réalisés sur le budget 2024. Dans le décret du 22 février détaillant l'annulation de crédits, ce sont près de 691 millions d'euros supprimés pour l'Éducation nationale et plus de 900 millions pour l'Enseignement supérieur et la Recherche. Des chiffres qui inquiètent les acteurs.

Cinq jours après l'annonce de Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances, concernant le rabot de 10 milliards d'euros dans le budget 2024, le couperet est finalement tombé. Jeudi 22 février, le décret détaillant les annulations des crédits de paiement dans chaque ministère est publié.

Les chiffres sont sans appel : 691 millions d'euros supprimés pour le ministère de l'Éducation nationale, 904 millions pour celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

Face à ces économies qui marquent un "coup de frein pour les réformes à venir" selon le Sgen-CFDT, nombreux sont les acteurs qui réagissent, faisant part de leur stupeur et leur inquiétude.

Près d'un demi-milliard d'euros d'économie dans les dépenses de personnels

Au total, 691,6 millions d'euros seront pris sur les fonds de l'Éducation nationale. Une grande partie concerne le budget consacré à la vie de l'élève, utilisé pour la rémunération des personnels de vie scolaire ou les AESH (-261,8 millions), mais également le premier et le second degrés publics (138,3 millions et 123,5 millions) ainsi que l'enseignement privé (98,9 millions).

Dans ces enveloppes, la majorité des crédits supprimés sont issus des fonds consacrés aux dépenses de personnel : plus de 478 millions d'euros au total. L'équivalent d'une dizaine de milliers d'emplois, selon les calculs du collectif Nos services publics.

"Il n'y aura pas de suppressions d'emplois et les emplois dont nous avons besoin pour mettre en place les réformes seront là", a assuré Nicole Belloubet, ministre de l'Éducation nationale, à Mulhouse, le 23 février. "Ces annulations portent sur des crédits mis de côté, mis en réserve, que nous utilisons en cours d'année, si nous devons faire face à des chocs particuliers ou exceptionnels. Ce sont ces crédits-là qui sont gelés", précise la ministre.

Des syndicats inquiets du changement de cap

Mais les syndicats s'indignent du changement de cap. "Cette saignée révèle définitivement l'imposture des annonces de décembre dernier, par lesquelles, le ministre Gabriel Attal devenu depuis chef de gouvernement, prétendait pouvoir mobiliser de la masse salariale dans un 'schéma d'emploi complémentaire'", écrit le Snes-FSU.

De son côté, l'Unsa-Éducation estime qu'"avec ces coupes budgétaires, le gouvernement renonce dans les faits à une mise en place réelle des mesures du choc des savoirs à la rentrée prochaine et doit l'annoncer sans délai, sous peine de décrédibiliser l'action publique et la parole politique".

"Ça ressemble à un tête-à-queue", dénonce Catherine Nave-Bekhti. La secrétaire générale du Sgen-CFDT redoute que ces économies "acte[nt] le renoncement à embaucher et former des professionnels, contractuels ou titulaires, alors que l'enseignement public craque et que les absences non remplacées demeurent un problème du quotidien."

De son côté, Guislaine David du Snuipp-FSU regrette de voir les moyens alloués à l'école publique se réduire alors "que l'on n'a jamais autant eu besoin de moyens supplémentaires".

La recherche se place parmi les budgets les plus touchés

Avec 904 millions d'euros d'économies, l'Enseignement supérieur et la Recherche est aussi fortement touché par ces annulations de crédits de paiement.

Dans le détail, ce sont les programmes relatifs à la recherche qui payent un lourd tribut : le programme 193, pour la recherche spatiale, perd 10% de son budget (-192,9 millions d'euros), celui qui finance les organismes de recherche tels que le CNRS, l'Inrae ou l'Inria 5% (-383,1 millions d'euros). Il s'agirait des réserves de précaution de ces programmes, précise le ministère.

"En décembre dernier, Emmanuel Macron avait fait un discours en faveur de la recherche et avait dit s'engager à continuer à donner plus de moyens. Et là, on a ce couperet qui tombe. C'est complètement contradictoire", souligne Catherine Nave-Bekhti.

Boris Gralak, secrétaire général du Syndicat de la recherche scientifique, abonde. "Cette coupe budgétaire annule l'augmentation du PLF 2024, on se retrouve avec moins d'argent que pour l'année 2023 à cause de l'inflation !"

Le chercheur pointe les orientations paradoxales du gouvernement. "Cette décision budgétaire est tout, sauf cohérente. La loi de programmation de la recherche (LPR) prévoit chaque année entre 200 et 300 millions d'euros supplémentaires pour favoriser la recherche. Et là, on en enlève 380 millions d'un coup !"

Des économies massives sur la formation et la jeunesse

Autre enveloppe de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires) touchée par cette coupe budgétaire, celle du programme 150 "Formations supérieures et recherche universitaire" qui perd 80 millions d'euros. Pour le Snesup-FSU, cela correspond "en moyenne à un million de budget en moins pour chacune des universités ou 1.300 emplois en moins".

France Universités fait part de sa "vive inquiétude", dans un communiqué, le 26 février. "Ni le budget de la vie étudiante, ni les dotations initiales 2024 des établissements, ni les mesures RH de la LPR ne sont pour l'heure touchées, l'incidence réelle de tels arbitrages, à court et moyen termes, ne manque pas d'interroger."

Les organisations étudiantes s'inquiètent particulièrement de l'annulation de 125 millions d'euros pour le programme 231 "Vie étudiante". "Le projet de loi de finances 2024 révélait une augmentation du budget alloué à la vie étudiante de seulement 196 millions.

Viennent désormais s'y soustraire les 125 millions d'euros rabotés par Bercy, calcule l'Union Étudiante, ajoutant que cette politique "s'en prend directement aux étudiants précaires en piochant dans le budget dédié à les mettre sous protection sociale". Et ce alors que le gouvernement devait entamer l'acte II de la réforme des bourses sur critères sociaux.

Dénonçant "une nouvelle économie massive sur l'éducation et la jeunesse", la Fage s'indigne du procédé utilisé par le gouvernement "par voie réglementaire, sans information ni concertation".

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