L'Etat, "principal financeur" des établissements scolaires privés

Malika Butzbach Publié le
L'Etat, "principal financeur" des établissements scolaires privés
L'enseignement privé est financé par l'État, les collectivités locales et les familles. // ©  Laurent CERINO/REA
Au cœur de polémiques, les écoles, collèges et lycées privés sous contrat sont, depuis plusieurs semaines, pointés du doigt. Alors que leur financement repose sur l'État, les collectivités territoriales et les familles, "il en résulte un modèle économique dans lequel l'État demeure le principal financeur", souligne la Cour des comptes.

Après le passage éclair d'Amélie Oudéa-Castera au ministère de l'éducation et les polémiques autour de la scolarisation de ses enfants au sein du groupe scolaire Stanislas, le débat sur le financement de l'enseignement privé sous contrat se poursuit.

"L'équilibre économique de l'enseignement privé sous contrat repose sur les contributions de trois financeurs principaux : l'État, les collectivités locales et les familles. Il en résulte un modèle économique des établissements privés sous contrat dans lequel l'État demeure le principal financeur", précise le rapport de la Cour des comptes, publié en juin 2023.

Un sujet sensible dans le contexte actuel : nombreux sont ceux qui ont refusé de répondre aux questions d'EducPros.

L'État rémunère les enseignants à hauteur de 7,23 milliards d'euros en 2022

Dans les établissements privés sous contrat, les enseignants sont rémunérés par le ministère de l'Éducation nationale. Dans le projet de loi de finances (PLF), le programme budgétaire 139 est consacré au privé, rassemblant le premier et le second degré.

"Les dépenses de rémunération de personnel enseignant représentent 89,6% des crédits du programme 139, soit 7,23 milliards d'euros en 2022", précise la Cour des comptes.

"Schématiquement, on peut dire que l'enseignement est public puisque les professeurs sont rémunérés par l'État. Seuls les murs sont privés", précise le Snec-CFTC. Philippe Groussard, secrétaire général du syndicat, précise : "Nous sommes des agents publics non titulaires de l'État. Nous avons le même concours et une grille de rémunération identique. Mais les charges sont plus importantes et de fait, notre salaire net comme notre retraite sont moindres que dans le public."

Le programme budgétaire 139 prévoit aussi les dépenses d'intervention, essentiellement destinées à financer le forfait d'externat (685,4 millions d'euros 2022). Ce forfait est notamment mobilisé pour les salaires des personnels non enseignants rémunérés par les établissements d'enseignement privés, par exemple les personnels de direction, administratifs mais aussi les infirmières.

"Ce forfait est fixé chaque année par arrêté et pour chaque élève selon le niveau", explique Simon Heimst, directeur d'une école privée dans le Maine-et-Loire et à la tête de la commission chef d'établissement du Snec-CFTC. En multipliant ce forfait par le nombre d'élèves accueillis, on a le montant de ce que touche l'établissement.

"De fait, il y a un équilibre à trouver dans la capacité d'accueil des classes, souligne Philippe Groussard. Si l'on perd des élèves, on perd aussi de la subvention de l'État." En moyenne, dans le privé, on compte 26 élèves par classe, un peu plus que dans le public, indique l'Insee.

Des financements complétés par les collectivités

Dans le premier degré, les écoles privées touchent également un forfait communal par élève, le même que pour le public. "Mais cette prise en charge ne compte que pour les élèves qui habitent la commune où se situe l'école, précise Simon Heimst. Dans son établissement, qui accueille 120 enfants, "30% viennent d'une autre municipalité et ne sont donc pas financés par les collectivités". Si certains établissements privés peuvent avoir accès au service communal pour la cantine ou le temps périscolaire, ce n'est pas le cas de tous.

Pour le second degré, les collectivités publiques peuvent "subventionner les établissements d'enseignement général privés dans la limite de 10% des dépenses annuelles", rappelle la Cour des comptes.

"Les régions ou départements peuvent aussi participer à des travaux immobiliers via des subventions spécifiques, mais cela dépend de chaque collectivité", précise Philippe Groussard. Par ailleurs, "il existe des formes de financement indirect, ajoute Franck Pécot du Snep-Unsa. Par exemple, lorsqu'un établissement sollicite un prêt à une banque, la collectivité peut se porter caution."

Dans certaines académies où l'enseignement privé est très présent, ces établissements sont concernés par des dispositifs spécifiques. C'est le cas de la Loire-Atlantique où les 57 collèges privés scolarisent 40% des collégiens.

"Le département soutient les établissements privés via des dispositifs déployés dans tous les collèges dont "Mon parcours collège", l'aide à la restauration scolaire, l'équipement numérique pour les boursiers, des animations culturelles, les déplacements pour les cours d'EPS, etc. afin d'offrir les mêmes conditions d'apprentissage pour les élèves des collèges privés que pour ceux des collèges publics", précise la collectivité. "L'ensemble de ces aides dépasse un montant moyen de plus de 700 euros par élève, en cohérence avec la moyenne nationale de 692 euros."

Des structures de gestion spécifiques pour l'enseignement catholique

Dans les établissements catholiques, la gestion administrative, financière et immobilière est prise en charge par un organisme de gestion d'établissements d'enseignement catholique (OGEC). Ayant le statut d'association, ces organismes reçoivent des fonds publics comme privés, via lesquels ils recrutent et emploient les personnels hors enseignants.

Les chefs d'établissements, recrutés par l'OGEC parmi les enseignants, sont les responsables de proximité et une partie de leur rémunération est prise en charge par l'OGEC. "Les OGEC sont un organe de pilotage important mais qui reste dans l'ombre, explique Philippe Groussard. Ils travaillent notamment avec le chef de l'établissement : lui gère le fonctionnement au jour le jour tandis que l'organisme va établir une stratégie de plus long terme."

Une minorité d'écoles catholiques ne sont pas gérées par ces organismes, comme le groupe scolaire Stanislas qui a un statut de société anonyme.

Une participation des familles propre à chaque établissement

En payant les frais de scolarité, les familles participent également au financement. Cet argent sert avant tout à financer la charge immobilière.

Mais, souvent, il est aussi utilisé pour combler les frais de fonctionnement quotidien quand la dotation municipale ne suffit pas. "Au sein de mon école, 60% du budget total est utilisé pour payer les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem). Nous demandons 300 euros par élève et par an", illustre Simon Heimst.

Là encore, cette participation des familles est propre à chaque école, collège ou lycée. Au niveau national, les données manquent. En moyenne, les établissements catholiques, qui représentent 98% des élèves scolarisés dans le privé, demandent entre 430 euros annuels pour l'école maternelle et 1.249 euros pour le lycée général.

Cet argent sert également à financer les prestations liées au caractère propre de l'établissement privé, comme des heures d'enseignement supplémentaires. Mais d'autres frais peuvent s'ajouter, notamment dans le cas de la cantine où ils sont généralement plus élevés que dans le public en raison des limitations s'appliquant aux subventions décidées par les collectivités locales. "Dans mon lycée professionnel, le repas coûte six euros, près du double du prix pour le public", illustre Philippe Groussard.

La part "prépondérante" de l'État

Une structuration financière complexe, donc, qui repose en grande partie sur l'État. Dans son rapport, la Cour des comptes indiquait que sa part était "prépondérante" dans le modèle économique du privé : 55% pour le 1er degré et 68% pour le 2nd degré (contre 59% et 74% dans le public).

La part revenant aux familles s’élève à 22% dans le 1er degré et à 23% dans le 2nd degré, précisait le rapport. La Cour des comptes, qui soulignait les mauvais résultats des établissements privés en matière de mixité sociale, recommandait un renforcement du contrôle de l'État.

Malika Butzbach | Publié le