Le classement de Shanghai est venu exacerber la concurrence que se livrent les établissements supérieurs au niveau mondial. Il a révélé les faiblesses des universités hexagonales et touché à leur attractivité. Depuis la première édition du palmarès chinois, une riposte française était attendue. Elle est venue de l’École des mines de Paris (ENSMP) qui a rendu public le 27 septembre 2007 son premier « Classement international professionnel des établissements d’enseignement supérieur ». Mais à trop vouloir prendre le contre-pied du classement de Shanghai, l’École des mines n’est elle pas tombée dans l’extrême inverse ?
Un classement sur la formation des grands P-DG
La grande école française a fait l’analyse du caractère exclusivement scientifique du classement de Shanghai. Seuls les prix Nobel, les publications scientifiques dans Nature et Science et la productivité des chercheurs sont pris en considération par l’université de Jiaotong. L’École des mines a décidé de ne s’intéresser qu’à l’avenir des élèves en entreprise car « le but premier d’un établissement d’enseignement n’est pas de former des prix Nobel, mais de contribuer au développement économique du pays », estime Benoît Legait, le directeur de l’établissement.
Il n’a donc retenu qu’un seul critère : le nombre d’anciens élèves occupant le poste de numéro un exécutif (P-DG ou Chief Executive Officer) des cinq cents plus grandes entreprises internationales. Soit des personnes diplômées depuis plusieurs années... Le classement 2006 des plus grandes entreprises au vu de leurs chiffres d’affaires réalisé par le magazine américain Fortune a alors servi de base de travail à l’école française (1).
Des résultats étonnants
Au final, 338 universités sont classées. La grande école française n’a pu collecter le cursus académique que de 433 P-DG. Les dirigeants japonais manquent particulièrement à l’appel. De fait, si Harvard arrive première dans les deux classements, la hiérarchie mondiale est ensuite chamboulée. Cinq grandes écoles françaises sont classées parmi les dix premiers : l’École polytechnique (4e), HEC (5e), Sciences po Paris (8e), l’ENA (9e) et l’ENSMP (10e). Trois d’entre elles ne figurent même pas dans le palmarès de Jiaotong. À l’opposé, Paris 6 et Paris 11, premières universités françaises dans le classement de Shanghai, n’apparaissent pas dans le palmarès français !
Plus on s’éloigne des premières places, plus les résultats sont surprenants. Pour ne citer que les établissements français, l’Institut catholique de Paris et l’École nationale supérieure de Sécurité sociale arrivent à la 214e place, ex æquo avec l’École normale supérieure de Paris ou l’ESSEC. Des données que l’ENSMP elle-même nuance : « À partir du 58e rang, les établissements ont formé moins de deux dirigeants. Le rang de l’établissement est alors étroitement lié à l’existence d’une carrière exceptionnelle au sein de ses anciens. »
Un critère pertinent ?
Deuxième pays le plus cité dans le Top 22 du palmarès (3), la France – et singulièrement les grandes écoles françaises – fait une remontée saisissante par rapport au classement chinois. Au point que l’on puisse s’interroger sur la pertinence du critère utilisé... Mais ce ranking démontre avant tout combien la France concentre la formation de ses élites dans quelques établissements phares ! « Ce classement est à l’image du système français de reproduction des élites, soutient Jean-Charles Pomerol, président de Paris 6.
Le choix de recrutement d’un dirigeant répond davantage à des critères subjectifs. A contrario d’un chercheur, dont les publications relèvent plus de critères objectifs. Le classement du Times a le mérite de prendre en compte les deux critères. » L’École des mines envisage d’ailleurs d’améliorer son classement et d’échanger avec l’université de Jiaotong. Une combinaison des deux palmarès pourrait peut-être s’approcher de la réalité du rayonnement et de l’excellence des universités à travers le monde.
(1) Lorsqu’un P-DG n’a effectué ses études que dans un seul établissement, celui-ci gagne un point. Lorsqu’il a effectué son bachelor, son master puis son doctorat dans trois universités différentes, celles-ci gagnent un tiers de point chacune. La performance du meilleur établissement a été établie à 100, celle des autres étant définie en pourcentage de cette meilleure performance, comme dans le classement de Shanghai.
(2) Les vingt-deux premiers établissements du classement ont formé au moins trois dirigeants des cinq cents plus grandes entreprises. De la 23e à la 59e place, on est entre deux ou trois dirigeants.