Formation des enseignants à la pédagogie : une organisation en réseaux pour partager les nouvelles pratiques

Oriane Raffin Publié le
Formation des enseignants à la pédagogie : une organisation en réseaux pour partager les nouvelles pratiques
La formation des enseignants-chercheurs à la pédagogie se développe dans les écoles et les universités. // ©  DEEPOL by plainpicture/Tom Merton
Ecoles et universités sont de plus en plus nombreuses à offrir des formations à leurs chargés d’enseignement. Zoom sur cette tendance récente, qui se structure.

Depuis 2018, les établissements ont l’obligation de former leurs nouveaux enseignants-chercheurs à la pédagogie. Certaines structures n’ont pas attendu cet impératif pour offrir un appui aux chargés de cours, comme l'université Savoie Mont-Blanc ou le groupement ParisTech.

Au sein de l’Université Savoie Mont-Blanc, un programme spécifique s’adresse ainsi aux nouveaux enseignants-chercheurs des trois campus de l’établissement. En plus de trois ateliers obligatoires au choix et d’un projet à développer tout au long de l’année, ils bénéficient d’un accompagnement individualisé. “On va déterminer avec chacun d’entre eux les compétences nécessaires par rapport au contexte, à son bagage antérieur et à leurs charges d’enseignement spécifiques. L’idée c’est de s’adapter au contexte de chacun pour qu’il puisse s’intégrer le mieux possible”, explique Jean-Louis Ferrarini, conseiller pédagogique et responsable du département APPRENDRE de l’établissement.

Appréhender la pédagogie dans sa globalité

Mais les nouveaux enseignants ne sont pas les seuls à pouvoir bénéficier d’un accompagnement pour monter en compétences sur les questions pédagogiques. Le département APPRENDRE dispose en effet depuis 2013 d’un catalogue de formations ouvert à tous les volontaires, proposant des ateliers de quatre à huit heures. "Nos ateliers balaient les compétences de l’enseignant universitaire : animation des cours, conception, pilotage, utilisation de scénarios pédagogiques, etc., explique Jean-Louis Ferrarini. Nous nous appuyons sur ce qui est référencé au niveau de la recherche universitaire, basé sur des théories de l’apprentissage".

Une mise à jour indispensable tout au long de sa carrière. "La société évolue de façon très forte, et pas seulement sur la dimension technique. Cela concerne tous les aspects : culturels, sociétaux, etc. Se dire que la façon d’enseigner doit rester la même serait une aberration", estime le conseiller pédagogique, dont la structure forme entre 100 et 170 enseignants chaque année.

Nos ateliers balaient les compétences de l’enseignant universitaire : animation des cours, conception, pilotage, utilisation de scénarios pédagogiques, etc. (J-L Ferrarini, USMB)

Depuis 13 ans, le réseau Racine ParisTech réfléchit également, au sein du réseau d’écoles d’ingénieurs ParisTech, à comment accompagner les enseignants des écoles membres - mais pas que, avec par exemple Telecom Paris ou CentraleSupélec qui y participent en ce moment.

Chaque école dispose d’un correspondant pédagogique, qui échange régulièrement avec ses homologues des autres établissements ainsi qu’avec les équipes de son école. Ces correspondants ont des profils divers : enseignants-chercheurs, conseillers pédagogiques, etc. : une complémentarité riche pour les échanges et la structuration d’une offre répondant aux besoins du terrain. Saïda Mraihi, responsable service pédagogie numérique aux Arts et Métiers, insiste sur "cette volonté de mutualiser les bonnes pratiques, de créer un vivier, une synergie des efforts autour de l’accompagnement et de la formation des enseignants à la pédagogie et aux technologies".

Dimension importante de ces formations : comme en Savoie, elles ne s’intéressent pas à la didactique d’une matière, mais vraiment à la pédagogie dans sa globalité. D’où l’intérêt de regrouper des profils de participants très variés. "Les échanges multi-écoles et multi-disciplines dans les ateliers sont importants : les participants constatent que les problématiques d’apprentissage sont similaires, malgré des contextes différents, avec des interrogations qui reviennent", explique Valérie Camel, enseignante-chercheuse à AgroParisTech, qui pilote actuellement le réseau Racine ParisTech.

S’appuyer sur la recherche sur la pédagogie

Le réseau apporte également un accompagnement aux formateurs eux-mêmes, et propose des ateliers qui sont construits dans une logique isomorphique, en étant scénarisés en fonction de la thématique abordée. "On tient vraiment à apporter cette approche, qui représente l’un de nos points forts. S’il s’agit d’un atelier sur le travail en groupe, par exemple, nos apprenants travailleront en groupe", détaille Valérie Camel.

Les échanges multi-écoles et multi-disciplines dans les ateliers sont importants : les participants constatent que les problématiques d’apprentissage sont similaires. (V. Camel, AgroParisTech)

Grégory Lefèvre, directeur de recherche CNRS, qui enseigne à Chimie ParisTech, a ainsi participé en 2018, à un atelier sur la classe inversée. "J’avais une représentation de ce à quoi cela correspondait, mais l’atelier, en format lui-même de classe inversée, permet d’avoir des idées vraiment applicables". Dès l’année suivante, l’enseignant a pu mettre cette innovation pédagogique en pratique avec ses étudiants. Impensable sans les retours d’expériences des deux formatrices. "Si on veut développer de nouvelles pédagogies ou progresser dans ce que l’on fait, c’est incontournable de se former à la pédagogie", estime-t-il.

Les offres d’ateliers de ces différents services de formation s’appuient sur des travaux de recherche autour de la pédagogie. Regroupés dans des réseaux, comme le réseau PENSERA, en Auvergne-Rhône-Alpes, ils échangent régulièrement sur les nouveautés et s’inspirent de ce qui peut se faire en matière de recherche pédagogique au Canada ou en Suisse, notamment à l’EPFL de Lausanne. Avec un objectif : renouveler sans cesse les pratiques et coller au mieux aux besoins des enseignants et des étudiants.

Oriane Raffin | Publié le