La crise replace les Mooc au cœur de la transformation numérique du supérieur

Éléonore de Vaumas Publié le
La crise replace les Mooc au cœur de la transformation numérique du supérieur
La crise sanitaire va-t-elle donner un coup d'accélérateur au développement des Mooc ? // ©  insta_photos/Adobe Stock
Après un léger retard à l’allumage dans les années 2010, les Mooc seraient-ils en passe de conquérir davantage l’offre de formation proposée par l’enseignement supérieur ? Certains en doutent. D’autres y voient la clé d’une transformation numérique réussie des cursus pédagogiques.

"Avant le 16 mars 2020, il y avait plus ou moins deux mondes parallèles : d’un côté, l’offre de Mooc (Massive Online Open Course) sur des plateformes dédiées, très utilisées dans le cadre de la formation professionnelle continue, et de l’autre, la formation initiale dispensée dans les établissements de l’enseignement supérieur qui, elle, s’appuie de façon très marginale sur des Mooc. Puis le Covid-19 est arrivé et a bouleversé les pratiques pédagogiques en obligeant l’ensemble des acteurs du supérieur à basculer dans le 100% distanciel", décrit Éric Bruillard, enseignant-chercheur à l’université de Paris et directeur du laboratoire EDA.

Premier réflexe des institutions à l’annonce du premier confinement : prendre appui en masse sur les plateformes pédagogiques comme outils d’interaction entre les étudiants et le corps enseignant. "Ce sont des environnements que les enseignants utilisaient déjà, explique Jean-Marc Ogier, président de La Rochelle Université et président du comité numérique de la CPU (Conférence des présidents d’université). C’était donc logique qu’il y ait une forme de continuité d’usage."

Le Covid-19 est arrivé et a bouleversé les pratiques pédagogiques (E. Bruillard, université de Paris)

De là à recourir de façon plus systématique aux Mooc, il y a donc un pas qui n’a pas été franchi. "Ce n’est pas surprenant. L’offre de Mooc n’a pas été conçue pour se substituer à celle des formations universitaires. Le confinement a toutefois montré à tous les établissements que l’utilisation du numérique pour enseigner était une nécessité. Et les Mooc sont une manière d’accompagner cette transformation", analyse Catherine Mongenet, directrice de la plateforme fun-mooc, dont l’audience, et notamment celle des 18-24 ans, a fait un boom entre le 17 mars et le 11 mai 2020, selon l'enquête "Vous, les Mooc et la plateforme FUN", réalisée par Fun-Mooc pendant le premier confinement et publiée début juillet 2020.

Du temps et des moyens

Les Mooc : une aubaine pour l’hybridation des formations ? Delphine Lalire, Mooc program manager à l’IMT, en est convaincue. "Il y a d’énormes besoins dans le champ de la formation qui n’ont pas été explorés. Des besoins qui pourraient être couverts en partie par les Mooc parce qu’ils permettent notamment de capitaliser sur des savoirs de chercheurs qu’on ne peut pas mobiliser tout le temps ou de proposer des modalités plus souples."

De fait, la majorité des compétences enseignées peuvent l’être à distance, mais encore faut-il savoir comment les articuler dans l’offre de formations des établissements ! "C’est plus facile pour les grandes écoles parce qu’elles peuvent agencer comme elles veulent leur cursus. L’université, quant à elle, a des contraintes dans la façon dont elle organise son parcours pédagogique. C’est pour cela que le Mooc reste, pour le moment, une offre complémentaire", observe Éric Bruillard.

Il y a d’énormes besoins dans le champ de la formation qui n’ont pas été explorés. (D. Lalire, IMT)

Au-delà des contraintes d’organisation, la question du financement reste un frein majeur à l’intégration des Mooc dans les cursus de l’enseignement supérieur. "Un Mooc, cela peut coûter jusqu’à 60.000 euros, sans compter les mises à jour qui réengendrent des coûts. Il y a donc vraiment une question de moyens pour les établissements, abonde Frédérique Vincent, directrice de l’enseignement et de l’international à l’IMT. De plus, si on veut vraiment bien faire, cela demande aussi un gros travail pour la scénarisation, la réalisation des vidéos ou encore pour penser la cible et articuler les modules."

Ensemble, plus forts

La solution : mutualiser. Une logique qui fait sens, selon Catherine Mongenet : "Dans le contexte de terrible pression que subit l’enseignement supérieur aujourd’hui, il serait absolument contre-productif que chacun fasse ce travail à son niveau, dans son université, avec ses équipes. Il faut rentrer dans des logiques collectives de mutualisation et de coopération."

Coopération que le gouvernement semble appuyer puisque son appel à projets "Hybridation des formations de l’enseignement supérieur", lancé en juin dernier par le Mesri a récompensé les projets centrés sur la création de ressources pédagogiques partagées entre les établissements d’enseignement supérieur.

Il faut rentrer dans des logiques collectives de mutualisation et de coopération (C. Mongenet, FUN-Mooc)

L’enjeu est en effet de taille : il s’agit de constituer des bibliothèques de contenus pédagogiques courts qui pourraient être utilisables dans tous les parcours de formation. "L’idée, c’est que les enseignants puissent aller piocher des Mooc conçus par d’autres sur une pédagothèque en interne, plus souples d’utilisation que les plateformes géantes de cours en ligne", complète Frédérique Vincent.

Si la transformation numérique de l’enseignement supérieur paraît inéluctable à l’aune des événements récents, rien ne garantit pour autant que l’hybridation passe par une montée en puissance des Mooc. "Difficile en effet d’avoir le recul nécessaire parce qu’on est toujours en pleine complexité de gestion de la crise Covid, temporise le président de La Rochelle Université. Mais une chose est sûre : le regard des établissements, et notamment des universités, est devenu un peu plus bienveillant sur ces approches."

Éléonore de Vaumas | Publié le