Pourquoi les Polytechniciens trustent-ils la direction des grandes écoles ?

Violaine Cherrier Publié le
Pourquoi les Polytechniciens trustent-ils la direction des grandes écoles ?
Les Polytechniciens occupent de nombreuses places à la direction des grandes écoles françaises. // ©  Pierre CHARLIER/REA
Un nombre croissant d’écoles d’ingénieurs sont dirigées par des Polytechniciens. Pour leurs recruteurs, les X combinent sens de l’organisation et envie d’excellence. Et n’en déplaise aux "machos", des polytechniciennes de plus en plus nombreuses sont aussi à la manœuvre.

"Établissement d’enseignement supérieur qui recrute ses élèves par concours et assure des formations de haut niveau". Le concept de grande école a été créé au XVIIIe siècle dans le but de fournir les cadres techniques, industriels et militaires des grands corps de l’État. Les premières écoles d’ingénieurs voient ainsi le jour au Siècle des Lumières et parmi elles, l’École Polytechnique fondée en 1794. Sa mission : "donner à ses élèves une solide formation scientifique et les former pour entrer dans les écoles spéciales des services publics de l’État". Dès lors, il est dans l’ADN de tout Polytechnicien de diriger une grande école.

"La mission de l’enseignement supérieur et de service public est au cœur du fondement de la République, appuie Philippe Courtier (X 78), directeur de l’UTC (Université de technologie de Compiègne). Contribuer à ce service public est une mission très noble d’autant que les grandes écoles d’ingénieurs sont intimement liées au secteur économique. Polytechnique forme des scientifiques avec une appétence profonde pour la recherche et la volonté de transmettre la connaissance. C’est pourquoi il est naturel de retrouver des X à la tête des grandes écoles." Parmi lesquelles : Polytechnique bien sûr, mais aussi Mines ParisTech, Télécom Paris, ENSTA Paris, UTC, IMT Atlantique, ISAE-Supaero, l’ESTP, Télécom SudParis... Pour la plupart il s’agit d’écoles publiques et d’ingénieurs.

Transmettre, la vocation de tout Polytechnicien.ne

La formation polytechnicienne apparaît aux yeux des "recruteurs" comme le gage d’une réelle aptitude à diriger : capacité d’analyse et de synthèse, capacité de travail, capacité d’apprentissage, capacité managériale... Une culture solide en entreprise mais aussi à la tête d’une grande école.

"Quel que soit leur statut, les grandes écoles se dirigent un peu comme une entreprise, confirme Denis Guibard (X 79), directeur d’Institut Mines-Télécom Business School, l’une des rares écoles de management pilotées par un X. Notre rôle est de préparer les générations futures à devenir acteurs de la transformation de la société car ce sont elles qui, demain, dirigeront les entreprises et pourront faire en sorte que la transformation soit la plus responsable possible." En ce sens, l’IMT-BS a lancé cette année la chaire Good in Tech qui "vise à repenser l’innovation et la technologie comme moteurs d’un monde meilleur pour et par l’humain".

Des X portés par une dimension sociale…

À la tête d’une grande école, les Polytechnicien.nes sont mus par une même motivation : le sens du service public. "Un dirigeant quel qu’il soit doit mobiliser l’ensemble des moyens autour d’une mission, à commencer notamment par le corps social, résume Philippe Courtier, directeur de l’UTC. Polytechnique vous permet de percevoir de façon très concrète et opérationnelle la dimension sociale de ce que vous faites."

On ne manage pas le corps social d’une grande école comme celui d’une entreprise, c’est la différence la plus importante.

Toutefois, "on ne manage pas le corps social d’une grande école comme celui d’une entreprise, c’est la différence la plus importante", rappelle Denis Guibard. Un "sens social" partagé par Élisabeth Crépon (X 83), directrice de l’ENSTA Paris : "Après les premières années de carrière consacrées à une activité académique, il est naturel d'évoluer. Les fonctions de management au sein des écoles d'ingénieurs sont passionnantes. Elles associent en effet des volets stratégiques et opérationnels, conduisent à façonner la formation des futures forces vives scientifiques et technologiques en France et à l'international, et nous placent au cœur des enjeux d'innovation. Je comprends qu'elles attirent mes anciens camarades comme cela m'a attirée."

… et humaine

Comme le souligne Élisabeth Crépon, le management est une facette essentielle de l’ingénieur. Résultat, il n’est pas rare de retrouver des X à la tête de grandes écoles de management, à l’image de Philippe Courtier, ex-directeur général de l’EMLYON Business School, ou de Denis Guibard à IMT-BS, une école qu’il qualifie lui-même comme une "hybridation ingénieur – manager" : "Si on combine le mode de sélection, la formation et les portes qu’ouvre l’X, sortir de l’école est une très bonne façon de se retrouver à la tête d’une grande école. Une de nos valeurs fondamentales repose sur l’ouverture et sur la diversité des origines sociales.

Cette hybridation inhérente à Polytechnique permet donc de diriger aussi une école de management. Il est important de ne pas effectuer de cheminement unique. Il n’y a pas de monopole. La richesse aujourd’hui repose sur cette diversité et sur cette hybridation."

Les ingénieurs sont aussi des managers comme aime à rappeler Philippe Courtier. Mais quelle que soit votre vocation, "ne pensez pas carrière, choisissez un métier dans lequel vous vous épanouissez !"

Les Polytechniciennes aussi


Si les jeunes filles ne formaient que 14% de l’effectif de l’école Polytechnique en 2018, les diplômées de l’X n’en trustent pas moins elles aussi les postes de direction, à l’image de Sophie Mougard (X 83) à l’École des Ponts ParisTech, Anne Beauval (X 94) à l’IMT Atlantique, Florence Darmon (X 83) à l’ESTP ou Élisabeth Crépon (X 83) à l’ENSTA Paris : "Il y a trop peu de femmes dirigeantes au sein des grandes écoles. Leur nombre s’accroît mais reste encore trop limité dans les écoles d'ingénieurs, estime-t-elle. Les femmes en poste, parmi lesquelles des Polytechniciennes, démontrent sans conteste des qualités de management qui se traduisent notamment par une ambition de développement de leur établissement et une implication dans les réflexions en cours au sein de l'ESR. Ces qualités doivent inspirer les plus jeunes générations et les conduire à prendre progressivement plus de responsabilités au sein des écoles comme je l'ai fait au cours de ma carrière."

Violaine Cherrier | Publié le