Andrea Sironi explique la stratégie de la Bocconi

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Andrea Sironi explique la stratégie de la Bocconi
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A l’occasion du « forum économie et société ouverte  » (economia e societa’ aperta) qui se déroulera pour la première fois à Paris les 11 et 12 mars, Andrea Sironi, vice-président pour les Affaires internationales de la Bocconi, est en France. L’occasion pour Educpros de faire le point sur la stratégie de la prestigieuse université italienne. Seulement 19ème au dernier classement européen des business schools publié par le Financial Times, la Bocconi qui accueille 13 000 étudiants entend renforcer son positionnement international. 

La Bocconi est « la » business school italienne la plus réputée à l’étranger. Comment en êtes-vous arrivé là ?

Avec le processus de Bologne, la mobilité des étudiants en Europe a augmenté, surtout au niveau master. Les meilleurs étudiants européens – y compris les italiens – ont commencé à partir étudier ailleurs, à chercher les établissements les plus réputés. C’est une opportunité pour les écoles mais aussi un risque, celui de perdre les meilleurs. Afin d’encourager les bons étudiants italiens à continuer leurs études chez nous, et ainsi attirer les meilleurs à l’international, nous avons décidé de nous positionner sur un marché où l’offre de formation a augmenté énormément. Il y a bien sûr la création de programmes en anglais - 6 MSc sur 10 ainsi que le MBA et le PhD – mais pas seulement. Nous accueillons environ 1000 étudiants étrangers, soit seulement 10% de la totalité de nos étudiants. Un bon chiffre par rapport à la moyenne des écoles européennes.  

Comment attirer davantage d’étudiants étrangers ?

Nous avons créé les Bocconi Merit Awards des bourses d’étude au mérite. Elles couvrent la totalité des frais d’inscription et de logement sur le campus. Les étudiants étrangers ont ainsi la possibilité de recevoir une formation presque sans frais. Nous avons développé par ailleurs les partenariats avec des institutions étrangères de haut niveau international. Chaque année, environ 2000 étudiants participent à ces échanges de niveau universitaire, mais aussi MSc. Les doubles diplômes en partenariat avec par exemple HEC ou Science Po, nous permettent par ailleurs d’attirer les meilleurs étudiants internationaux, mais aussi les italiens.  

Allez-vous renforcer vos programmes en langue anglaise ?

Nous avons lancé beaucoup de programmes en anglais ces dernières années, dont 3 MSc rien qu’en 2007. La demande de programmes en anglais vient des étrangers mais plus encore de l’Italie : les meilleurs candidats italiens demandent toujours plus de programmes en anglais. Cette demande, qui concerne aussi les programmes au niveau bachelor, nous a obligé à augmenter les nombres de classes en anglais. Pour la même raison nous avons éliminé la classe MBA en italien et créé 2 classes en anglais. Par ailleurs, nous avons redessiné une version internationale de notre programme Executive MBA. Comme un bon pourcentage de notre faculté n’est pas à l’aise pour donner des cours en anglais, le processus doit s’effectuer dans le temps.  

Quels établissements vous font le plus de concurrence ?

Ce ne sont pas les business school américaines, nous ne visons pas le même marché : les étudiants inscrits en MBA à la Bocconi ne sont qu’une centaine, sur la totalité de nos 13.000 étudiants. La concurrence se situe plutôt sur le marché des programmes MSc, en Europe, avec les grandes business schools comme l’Esade, HEC ou la London Business School. Des établissements qui sont également nos principaux partenaires, avec lesquels nous avons fondé le CEMS, et le PIM, des programmes d’échanges très bien placés au niveau international (le MIM, Master in International Management de CEMS). Nous souhaitons recruter davantage de professeurs internationaux. Pour le moment, la moitié de notre faculté est « internationale », avec 10 % d’enseignants étrangers et nos professeurs italiens ayant une formation internationale.  

Le classement du FT (Financial Times) a été, ces dernières années, particulièrement élogieux pour les écoles françaises, pour leurs programmes masters. Pensez-vous que la méthodologie du FT donne un avantage aux établissements français ?

La méthodologie du FT se base sur les salaires des diplômés. Or 70% des diplômés italiens des Masters Bocconi travaillent en Italie, où les salaires sont en moyenne plus bas qu’en Angleterre ou en France… Personnellement, je pense que l’opinion des recruteurs internationaux donne un portrait plus précis et juste de la qualité d’une école. Pour cette raison, la Bocconi est très bien placée dans le ranking du Wall Street Journal. Va-t-on vers un bipolarisme franco-anglais ? Je ne le pense pas. Comment lutter contre Londres, une métropole vraiment énorme, avec la présence de la city (qui absorbe grand nombre des diplômés en finance) ? Paris est très loin d’être au niveau de Londres selon ces paramètres. Il ne faut pas oublier les écoles espagnoles, très bien placées, ou encore les établissements allemands qui commencent à faire leur chemin.  

La Bocconi est une université privée. Sur quelles ressources vivez-vous ? Comment organisez-vous votre fundraising ?

Nous sommes financés par le gouvernement italien pour seulement 10%*. Un budget est presque entièrement dédié à la recherche scientifique. Le restant, donc 90%, vient des frais de scolarité des étudiants. Nous avons lancé il y a trois ans notre première opération de fundraising, une campagne de récolte des fonds qui a bien fonctionné grâce aux banques et aux institutions privées. Toutefois, cela ne représente 5% des financements. Grâce au fundraising, la Bocconi a pu notamment financer des bourses d’études pour des étudiants étrangers et recruter des professeurs internationaux.

Mais les mentalités évoluent lentement : les entreprises sont prêtes à apporter leur soutien à l’école, mais elles s’attendent en contrepartie à ce que nous développions pour eux des études, du consulting. Cela ne nous pose pas de problème, mais relève d’une autre démarche que celle du fundraising, basée sur le principe de la donation. Si un privé nous donne 500 000€, mais nous demande en échange une étude nécessitant 300 000€ de ressources, cela ne devient, évidement, plus rentable pour nous. En revanche, le système de donation des anciens élèves (alumni) est différent. C’est le support presque exclusif des écoles américaines. Encore une fois, c’est une question de mentalité, en Europe nous n’avons pas encore cette tradition – ou pas encore suffisamment.  

Quel regard portez-vous sur notre système d'enseignement supérieur et sur le vôtre ?

Le système public italien produit de la recherche de haut niveau mais manque encore de moyens financiers pour la développer. A l’origine du problème il y a un système qui ne se base pas sur des critères sélectifs d’excellence (ni pour les profs, ni pour les étudiants). Si les systèmes d'enseignement supérieur italien et français étaient réglés sur les lois des marchés, un modèle plus libéralisé qui ouvre les portes à la concurrence sur une base d’excellence, je pense que la qualité en serait meilleure.  

Propos recueillis par Maëlle FLOT  (Traduction: Luisa Maschio)

En Italie, les étudiants évaluent leurs enseignants Une loi a mis en place depuis quelques années en Italie un système d’évaluation de la performance des professeurs. Selon Andrea Sironi, Dean for International Affairs de la Bocconi, « ce système fonctionne très bien : je vois beaucoup de maturité de la part des étudiants et de responsabilité de la part des enseignants. Le système mis en place est tout de même complexe. Les professeurs ayant obtenus une évaluation basse doivent rendre des comptes en rédigeant un rapport sur leurs activités académiques et expliquer leurs résultats. A la Bocconi, nous avons aussi mis en place un système de prime (entre 5 et 10% du salaire normal) pour ceux qui arrivent à des résultats exceptionnels. C’est un système qui nécessite beaucoup d’engagement de la part des enseignants, un système qui a un but éducatif, pour les étudiants ainsi que pour les profs ».  

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