Bruno de Monte, directeur de l’école Grégoire-Ferrandi : "Nos professeurs arrivent chez nous avec un parcours professionnel déjà confirmé"

Propos recueillis par Sandrine Chesnel Publié le
Bruno de Monte, directeur de l’école Grégoire-Ferrandi : "Nos professeurs arrivent chez nous avec un parcours professionnel déjà confirmé"
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Son diplôme de psychologie clinique en poche, rien ne destinait Bruno de Monte à devenir le directeur d’une école professionnelle spécialisée dans la restauration, les arts de la table et l’artisanat d’art. Mais sa double formation en psychologie et en ressources humaines lui sert tous les jours à piloter ce vaste navire qu’est l’école parisienne Grégoire-Ferrandi . Nouveau volet de notre série « Les entrepreneurs pédagogiques ».

Les diplômés de votre école sont recherchés par les recruteurs, vous refusez régulièrement des élèves dans certaines filières… Comment conserver un niveau à la hauteur de cette bonne réputation ?
En essayant de maintenir, auprès de la communauté éducative, un climat qui favorise la curiosité intellectuelle et technique, l’ouverture, le questionnement, tout en ne déstabilisant personne. Pour rester bon, il faut innover : c’est banal de le dire, mais c’est vrai. Dans le domaine de la restauration, par exemple, de nouvelles techniques culinaires sont apparues ces dernières années et nous les avons intégrées à nos formations.
Je veux positionner notre école comme un établissement qui sait allier les codes de la tradition et ceux de la modernité. Pour y parvenir, j’accorde beaucoup d’importance au plan de formation de tout le personnel, et nous incitons nos responsables et nos professeurs à se déplacer dans les congrès, à participer à des concours, des conférences, des salons… Je le fais moi-même, car c’est une bonne façon de faire de la veille.

Comment décidez-vous de lancer une nouvelle formation ?
Je garde mes antennes dressées, je lis la presse, je parle beaucoup avec les professionnels de nos secteurs et les professeurs, et je regarde ce que font les concurrents, et comment ils le font. Surtout, nous donnons beaucoup d’importance à l’écoute de nos jeunes : rien ne sert de sortir une formation parfaite aux yeux des recruteurs si les jeunes n’y accrochent pas. Nous organisons régulièrement, de manière informelle, des groupes tests avec nos élèves à l’occasion de concours ou de salons, pour recueilir leur avis sur notre offre. Nous le faisons aussi de manière plus formelle, au sein de l’école, quand le développement d’un « produit » est déjà bien avancé.
Une formation ne se lance pas comme un nouveau produit de consommation courante. Il faut du temps – plus de temps pour une formation initiale à visée certifiante que pour une formation continue. En général, il se passe un an au minimum entre l’idée et la « mise sur le marché » de la nouvelle offre.

Votre établissement est une école professionnelle. Comment faites-vous participer les entreprises à l’élaboration de vos programmes ?
Pour les diplômes qui dépendent de l’Éducation nationale, le référentiel évolue en fonction des règles académiques, ce qui ne nous empêche pas de proposer des modules complémentaires à nos élèves. Pour nos titres RNCP [Répertoire national des certifications professionnelles], en revanche, nous travaillons de manière étroite avec les entreprises : trois réunions par an, participation aux jurys d’examens, visites d’entreprises… Tout cela est facilité par le fait que nos professeurs viennent de l’entreprise et arrivent chez nous avec un réseau déjà bien développé.

Que vérifiez-vous avant de recruter un nouveau professeur ?
Notre école compte aujourd’hui 110 professeurs et des professeurs vacataires. Il y a des prérequis académiques : les enseignants doivent avoir un diplôme supérieur au niveau du diplôme dans lequel ils donnent des cours. Ensuite, nous voulons des enseignants qui ont un parcours dans l’entreprise d’au moins dix ans. Nous examinons leur passé professionnel, puis nous les mettons en situation avec des élèves – même ceux qui n’ont jamais enseigné. Évidemment, on ne les « lâche » pas sur un cours théorique, mais sur un cours de démonstration.

Tous les professeurs nouvellement recrutés suivent une formation de quinze jours au mois d’août qui précède la rentrée

Cela permet de juger de la qualité de la relation avec les élèves, mais aussi de s’assurer que les compétences techniques nécessaires sont bien là. Je n’assiste pas toujours à ces mises en situation, ce sont les professeurs et les managers pédagogiques, qui y assistent et me donnent leur avis. Ensuite, tous les professeurs nouvellement recrutés suivent une formation de quinze jours au mois d’août qui précède la rentrée. C’est une formation mise en place par la CCIP (Chambre de commerce et d'industrie de Paris), qui fournit des outils et des « clés », notamment sur la gestion de groupe. Enfin, ils sont suivis pendant toute leur première année d’enseignement chez nous par un coach, un autre professeur, plus ancien.

Le directeur d’une école comme la vôtre est-il un chef d’entreprise ?
Oui, puisque j’ai un budget à gérer, une équipe à animer, des collaborateurs à choisir. Il faut penser communication, marketing, développement commercial, mais aussi innovation, développement pédagogique… C’est ce qui est intéressant dans ce travail : si on le choisit, c’est pour être un chef d’orchestre, pas un soliste.


De la fac de psycho à la direction d’une école de la CCIP : un parcours atypique

De son parcours universitaire, Bruno de Monte parle rarement : « C’est qu’il détonne un peu dans mon milieu : j’ai fait de la psychologie clinique à Jussieu, jusqu’à la maitrise, puis un second cycle en gestion des ressources humaines ». Ses diplômes en poche, Bruno de Monte intègre la CCIP en 1992, où il est nommé responsable des ressources humaines du centre de perfectionnement aux affaires de la CCIP (CPA Paris, devenuExecutive MBA d'HEC ). «J’y suis resté 4 ans et demi et c’est là que j’ai découvert le monde de l’enseignement supérieur ».

En 1995, Bruno de Monte devient chargé de mission du directeur de l'enseignement de la CCIP, Xavier Cornu , aujourd’hui directeur général délégué enseignement-recherche-formation de la CCIP. A ce poste il était chargé des dossiers de développement commercial dans le domaine de la formation initiale. En 1997, il rejoint le CFI   (Centre de formations industrielles), qui dépend de la CCIP, en tant que responsable communication et relations entreprises. «J’ai notamment travaillé à la fusion pédagogique des programmes ; c’était la première fois que je mettais les mains dans la « cuisine » de la pédagogie ».

En 2002, Bruno de Monte est nommé directeur adjoint de Tecomah , une école de la CCIP spécialisée dans les métiers de l’environnement, à Jouy-en-Josas (78). D’abord en charge de la formation continue et de l'innovation pédagogique, il en deviendra le directeur en 2004. Depuis juin 2009, il dirige l'École Grégoire-Ferrandi, à Paris.

L’école Grégoire-Ferrandi

L’école Grégoire-Ferrandi (EGF) est une école de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris qui propose des formations à quatre grandes familles de métiers : la restauration (cuisine et service de restaurant), les métiers de bouche (boulangerie, pâtisserie, traiteur et vente en alimentation), l’artisanat (maroquinerie, menuiserie et tapisserie d'intérieur), ainsi que la décoration d’intérieur et la publicité sur le lieu de vente.
Installée rue de l’Abbé-Grégoire, dans le VIe arrondissement de Paris, EGF accueille chaque année, dans ses locaux de 25.000 m2, 1.500 élèves, du CAP au bac + 5, et 2.000 stagiaires en formation continue.
77 % des jeunes inscrits en formation initiale sont formés en alternance dans l’une des 2.000 entreprises partenaires de l’école. Le taux de réussite aux examens est de 94,5 %.

Propos recueillis par Sandrine Chesnel | Publié le