Éric Lamarque (IAE Paris-Sorbonne) : avec le passage aux RCE, "le but est d'être une alternative crédible aux écoles privées"

Amandine Sanial Publié le
Éric Lamarque (IAE Paris-Sorbonne) : avec le passage aux RCE, "le but est d'être une alternative crédible aux écoles privées"
IAE PARIS // ©  IAE PARIS
L'IAE Paris, l'école universitaire de management parisienne vient de passer aux responsabilités et compétences élargies (RCE), un changement qui lui donne davantage d'autonomie en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines. Son directeur, Éric Lamarque, nous détaille les évolutions que permettent ce statut et comment il entend en faire un levier pour être une alternative forte face aux écoles de commerce.
Eric Lamarque IAE Paris
Eric Lamarque IAE Paris © IAE PARIS

Au 1er janvier 2024, l'IAE Paris-Sorbonne, établissement public administratif (EPA) associé par convention à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, est passé aux responsabilités et compétences élargies (RCE). Pour l'école universitaire de management, ce changement était attendu pour débloquer de nombreux projets et monter en puissance.

Éric Lamarque, directeur de l'établissement depuis 2016 et également président d'IAE France depuis 2018, nous explique les possibilités ouvertes par ce changement de paradigme.

Qu'est-ce que ce passage aux responsabilités et compétences élargies (RCE) signifie, concrètement ?

Cela signifie davantage d'autonomie et des responsabilités supplémentaires pour l'IAE Paris- Sorbonne. Tout d'abord, le passage aux RCE nous donne plus de liberté sur la gestion de notre masse salariale : nous pouvons désormais embaucher des enseignants-chercheurs, y compris contractuels, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Cela fait dix ans que nous n'avons pas eu de poste de titulaire, ce qui limitait de fait notre développement. Désormais, nous allons pouvoir embaucher 10 à 15% de personnels en plus. Notre objectif est de recruter une dizaine de personnes supplémentaires au cours des trois prochaines années.

Quels sont les autres changements rendus possibles par le passage aux RCE ?

Nous pouvons maintenant gérer nos projets immobiliers directement auprès du ministère. Avant, nous dépendions uniquement de ce que l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne voulait et pouvait nous donner.

Grâce aux RCE, nous allons emménager dans de nouveaux locaux, avoir notre propre site. Nous avons trouvé un bâtiment dont nous serons locataires, toujours dans le 13e arrondissement, près de notre site actuel et du Centre Pierre-Mendès-France. Il s'agit d'une ancienne maternité qui sera complètement rénovée pour accueillir les étudiants à la rentrée 2025, idéalement.

Combien coûte un tel projet ? Et quel est le budget total de l'IAE ?

Le coût total de l'opération est de 25 millions d'euros et s'étale sur douze ans. Sur les deux premières années, en 2025 et 2026, nous devrons payer trois millions d'euros de travaux, puis deux millions de loyer de 2027 à 2037. Ce coût sera assumé sur les ressources propres de l'école.

Au total, l'IAE Paris-Sorbonne a un budget de 19 millions d'euros. L'objectif est d'atteindre un budget de 20 millions d'euros en 2026, avec une dizaine de personnels en plus et environ 150 élèves supplémentaires.

Sur les deux gros sujets que sont la masse salariale et l'immobilier, nous pouvons décider par nous-mêmes.

Cette évolution représente-t-elle une avancée majeure pour l'IAE de Paris-Sorbonne ?

C'est un vrai changement. Nous pouvons désormais utiliser nos ressources propres comme nous le souhaitons.

Sur les deux gros sujets que sont la masse salariale et l'immobilier, nous pouvons décider par nous-mêmes.

L'IAE reste rattaché à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Que signifie ce changement de statut, en termes d'indépendance par rapport à l'université ?

Le passage aux RCE pourrait apparaître comme davantage d'indépendance, mais ce n'est pas tout à fait ça.

On continue d'être dépendants de l'université Paris 1, et les diplômes que nous délivrons sont ceux de l'université. Sur les volets formation et recherche, rien ne change.

Mais puisque l'université n'était pas en mesure de nous donner des locaux ou du personnel supplémentaire, nous avons dû trouver une autre solution.

Ce nouveau statut vous permettrait-il néanmoins de vous détacher de l'université si la situation le nécessitait ?

Tant que l'université Paris 1 affiche son souhait que l'enseignement public du management reste sa priorité, à travers son École de management de la Sorbonne (EMS) et notre IAE, il n'y a pas de raison que l'on s'éloigne.

Mais si demain, l'université souhaite des évolutions et devient un établissement public expérimental (EPE) par exemple, comme l'a fait l'université Paris-Panthéon-Assas, où des écoles d'ingénieurs privées ont été intégrées, là, on se poserait la question de devenir établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP).

Mais ce n'est pas notre souhait, ce ne serait qu'une réaction.

Je suis convaincu que les IAE font au moins aussi bien que les écoles de commerce qui se situent entre la 5e et la 20e place.

Quel est l'objectif derrière ce passage aux RCE ?

Le but est d'être une alternative crédible aux écoles privées, mais dans des volumes moindres. On veut montrer qu'on est capables de faire la même chose, mais pour 2.800 étudiants et avec des frais d'inscription bien plus bas. Nous sommes plus accessibles, mais nous proposons une formation de haut niveau. Nos méthodes pédagogiques et nos contenus sont aussi bons.

Nous ne sommes peut-être pas du niveau de l'Essec ou de HEC ; mais je suis convaincu que les IAE font au moins aussi bien que les écoles de commerce qui se situent entre la 5e et la 20e place. Et au-delà de la 20e place, les IAE sont meilleurs.

Un autre grand changement du passage aux RCE est de pouvoir négocier nos moyens directement avec l'État, en fonction de notre projet.

Dans la continuité de l'évaluation par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) qui a lieu en ce moment, nous allons contractualiser avec le ministère sur la base d'un projet 2025-2030, qui sera présenté à l'été.

Le premier enjeu de ce projet sera d'obtenir une accréditation internationale, l'AACSB, que l'on espère décrocher à l'horizon 2030. L'objectif à court terme va donc être de renforcer nos modes de fonctionnement pour rejoindre ces standards en matière de RSE, de formation, de recherche…

Pourquoi solliciter cette accréditation ? Pour attirer davantage d'étudiants internationaux ?

Pas nécessairement, car nous en attirons déjà beaucoup. Il s'agit surtout d'un dispositif de renforcement de la qualité.

Il est également probable que d'ici cinq ans, d'autres IAE bénéficient de cette accréditation, et on ne se voit pas ne pas l'avoir, d'autant plus que toutes les grandes universités anglaises ou américaines se sont déjà lancées dans ce processus.

Au-delà de l'IAE Paris-Sorbonne, ce passage aux RCE concerne-t-il les autres IAE de France ?

Non, ça ne les concerne pas directement. Les autres IAE vont devoir continuer de passer par l'université pour pouvoir recruter des professeurs ou des personnels administratifs, contrairement à l'IAE Paris-Sorbonne.

Personnellement, je verrais bien les IAE de région fonctionner sur le modèle des IEP. Parfois, les universités comprennent bien les enjeux du privé et travaillent en bonne intelligence avec leur IAE, mais dans certaines villes, l'université plombe le fonctionnement de l'IAE, et dans ce cas, l'école privée locale prospère.

Si les IAE de région avaient un statut d'EPA (établissements publics administratifs) aux RCE, ils auraient la capacité d'être plus compétitifs face aux écoles privées de leur territoire.

Amandine Sanial | Publié le