Entre l'Armée et le CAC 40, l'X doit choisir

Delphine Dauvergne Publié le
Entre l'Armée et le CAC 40, l'X doit choisir
Ecole polytechnique // © 
Député UMP de la Haute-Marne, François Cornut-Gentille livre, ce 30 septembre 2014, un rapport sur l'École polytechnique. Ce spécialiste du budget de la Défense alerte l’État sur la nécessité de réformer l’X en profondeur et de clarifier ses missions. Il explique pourquoi à EducPros.

Pourquoi ce rapport a-t-il été lancé ?

François Cornut-Gentille, député UMP de la Haute-Marne.Je suis spécialisé dans la Défense nationale et m'intéresse aux questions de la réforme de l'État. On retrouve ces deux préoccupations dans cette école d'État, qui dépend de la DGA (Direction générale de l'armement). L'année dernière, mon attention s'est portée sur l'X car les dotations de l'État ont baissé pour toutes les écoles sauf pour celle-ci. J'ai ensuite découvert la "pantoufle", ce qui m'a décidé à faire un contrôle.

En quoi cette "pantoufle" (les élèves sont logés et rémunérés) est-elle un élément significatif ?

La pantoufle est révélatrice du besoin de réforme de Polytechnique. Pendant quinze ans, l'école et la tutelle ont laissé perdurer un système élitaire scandaleux, une inégalité intenable aujourd'hui. L'école a déclaré il y a quatre ans qu'elle allait réformer la pantoufle, mais rien n'a été fait. Je pense qu'un décret devrait sortir dans les jours qui viennent grâce à la pression qu'exerce ce rapport.

Pourquoi Polytechnique a-t-elle besoin d'être réformée ?

Les grands textes sur cette école remontent à la loi Debré de 1970. Il est temps de redéfinir l'apport de Polytechnique à l'État. Il faut se poser la question de sa mission, car l'État y investit environ 75 millions d'euros par an et l'école est reliée à la DRH de la DGA. Aujourd'hui, sur une promotion de 400 élèves, il y a un diplômé tout au plus qui intègre les forces armées, et une quinzaine deviennent ingénieurs de l'armement. L'école a désormais des débouchés multiples, ce qui réduit son ambition.

L'école doit-elle renoncer à son statut militaire ?

Polytechnique doit aujourd'hui choisir entre s'aligner sur les critères de Shanghai pour regagner des places dans le classement et jouer à fond la mondialisation de l'enseignement supérieur, et conserver son modèle français mais en le rénovant pour qu'il soit pertinent. Le statut militaire représente une gêne pour le classement de Shanghai, qui fonctionne avec des critères chiffrés comme le nombre de publications. La formation humaine, militaire, n'est pas mesurable.

Polytechnique doit aujourd'hui choisir entre jouer à fond la mondialisation de l'enseignement supérieur, et conserver son modèle français mais en le rénovant pour qu'il soit pertinent.

Que préconisez-vous ?

Les députés qui font des rapports se sentent souvent obligés de proposer des solutions, moi je n'ai pas de réforme de l'École polytechnique à proposer, je me contente de poser les questions sur lesquelles il faudra débattre. Les interpellations que je fais s'adressent moins à l'école qu'à l'État. Il est nécessaire d'élaborer une véritable stratégie, car ne pas adresser de commande précise nuit à l'école.

Proposez-vous quelques pistes ?

Il faut se demander quels sont les objectifs. Peser sur Saclay en créant un campus spécifique peut avoir un sens, tout comme développer des start-up dans le domaine de la Défense. Les liens avec la tutelle doivent être repensés et justifiés. Pourquoi avoir Polytechnique quand on a déjà Centrale ? Pourquoi les élèves de l'X ne sont plus au service de l'État alors que c'est le but initial ? Nous devons enclencher une démarche de réforme. Ce sera un travail collectif, qui ne peut pas se limiter aux polytechniciens, mais sera aussi mené par l'État avec l'apport du Parlement. Ce sujet implique aussi d'autres interlocuteurs dans de nombreux domaines : industrie, nouvelles technologies, environnement...

Delphine Dauvergne | Publié le