Georges Molinié, président de Paris-Sorbonne : "Le décret est mort et le retrait de la réforme de la formation des maîtres constitue un préalable à la sortie de crise"

Propos recueillis par Maëlle Flot Publié le
Georges Molinié, président de Paris-Sorbonne : "Le décret est mort et le retrait de la réforme de la formation des maîtres constitue un préalable à la sortie de crise"
Georges Molinié // © 
À la sixième semaine de mobilisation dans les universités, le président de la Sorbonne-Paris 4, Georges Molinié, appelle, dans un communiqué paru le 10 mars 2009, à une « résistance résolue, massive et responsable » de la communauté universitaire face à « l’attitude de mépris » des pouvoirs publics. Le 9 février, cet anti-LRU avait déjà réuni à la Sorbonne huit présidents pour réclamer le retrait des réformes engagées par le gouvernement.

En appelant la communauté universitaire à une« résistance résolue », souhaitez-vous vous positionner comme porte-parole de la mobilisation ?

Je ne suis le porte-parole que de moi-même. Mais je dis ce que tout le monde pense tout bas. Nos interlocuteurs font preuve d’autisme. J’emploie un terme médical car c’est à mes yeux une maladie. Je ne leur en veux pas. Ils n’ont pas compris la situation. La sagesse consisterait aujourd’hui à surseoir à la réforme de la formation des maîtres. Sans ce préalable, nous allons assister à une aggravation de la situation. Le mouvement étudiant s’est radicalisé avec un risque fort de dérapages.

C’est donc plus la réforme de la formation des maîtres qui vous pose problème. Le texte sur le décret de 1984 est-il secondaire pour vous ?

Deux fronts ont été créés par le ministère. Le premier, corporatiste autour du décret statutaire, a placé Valérie Pécresse dans une situation de Berezina, de retraite en basse campagne. Son ministère est parvenu à faire l’unification du corps universitaire. Belle réussite ! Les fervents défenseurs de la loi LRU estiment que le dernier texte ne va pas assez loin ; d’autres qu’il ne fait toujours pas assez de concessions. Pour moi, ce décret est mort.

Le second front est celui de la réforme de la formation des enseignants, d’autant plus important qu’il concerne tous les enfants de France et tous les Français.

Qu’est-ce qui vous gêne dans cette réforme de la formation des maîtres ?

Le projet constitue une régression. En supprimant l’année de stage et en créant de nouveaux masters, il y aura moins de formation pratique et théorique. Que deviendront les titulaires de masters 2 d’enseignement qui échoueront au concours ? Ce système recrée celui des « reçus collés» qui préfigurait en médecine ! Impossible d’aller travailler ailleurs en Europe avec ce type de diplôme. Cette réforme présente des inconvénients sociaux majeurs. Valérie Pécresse a fait ce qu’elle a pu. La réforme est désormais entre les mains de Darcos.

Vous avez cosigné le 10 mars, avec la présidente de Paris 10-Nanterre, Bernadette Madeuf, et le président de Paris 8, Pascal Binczak,  un texte remettant en cause les méthodes de la CPU (Conférence des présidents d'université). Allez-vous quitter la Conférence ?

Non. Mais c’est gênant quand un communiqué de presse ne dit pas ce que la majorité des présidents d’université ont voté. L’assemblée plénière de la CPU du 5 mars a voté, à l’unanimité moins une abstention, le texte suivant :« Il convient de retravailler cette réforme en profondeur pour obtenir en 2011 un concours et des masters de qualité » et, par ailleurs, que « la CPU considère que le mieux serait de reporter d’un an l’organisation du nouveau concours ».

Le nouveau bureau de la CPU a fait preuve de courage en envoyant en janvier un courrier à Nicolas Sarkozy, mais c’est comme s’il avait été terrorisé après coup par son geste.

Comment voyez-vous la sortie de crise ?

Plus tard le gouvernement cédera, plus il aura à faire de concessions. La situation actuelle est similaire au mouvement anti-CPE. Le décret est mort et le retrait de la réforme de la formation des maîtres constitue un préalable.

Vous ne craignez rien du ministère en prenant ainsi position ?

Nous sommes autonomes, n’est-ce pas ? Je n’ai pas d’argent, on ne peut donc pas m’en enlever.

Propos recueillis par Maëlle Flot | Publié le