Gérard Nicolaÿ, président de l’Association française des écoles d’avocats : « Nous sommes inquiets pour la promotion qui va sortir en octobre 2009 »

Propos recueillis par Céline Manceau Publié le
Gérard Nicolaÿ, président de l’Association française des écoles d’avocats : « Nous sommes inquiets pour la promotion qui va sortir en octobre 2009 »
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Gérard Nicolaÿ a pris la tête de l’Association française des écoles d’avocats en janvier 2009. Celle-ci réunit les directeurs des onze écoles du Barreau qui réfléchissent à l’harmonisation de leurs enseignements et à l’insertion professionnelle de leurs élèves marquée, elle aussi, par la crise.

La profession d’avocat est-elle toujours attractive ?

Nous venons de conduire une étude qui montre que le nombre d’inscrits dans les instituts d’études judiciaires (IEJ) – qui assurent une préparation à notre examen d’entrée dans les facultés de droit – est passé de 11 191 en 2006 à 12 987 cette rentrée. En 2008, 7 284 étudiants ont concouru à l’entrée de l’une des onze écoles du Barreau (pour 12 401 inscrits en IEJ), parmi lesquels 2 818 ont été reçus. La bonne nouvelle, c’est que notre profession, qui n’est pas soumise au numerus clausus, absorbe sans problème les quelque 3 000 avocats que nous diplômons chaque année. Notre réflexion porte aujourd’hui sur l’examen de sortie, lourd à organiser et dont le taux de réussite avoisine les 100 %. Nous songeons à le supprimer pour introduire plus de contrôle continu, d’autant que les élèves achèvent leur scolarité en juillet et que l’examen se déroule quatre mois plus tard, les pénalisant sur le marché du travail.

Êtes-vous inquiet pour l’insertion professionnelle de vos élèves ?

Aujourd’hui les gros cabinets d’affaires licencient, mais les cabinets généralistes et ceux qui font du contentieux ou du conseil n’ont pas de souci. Nous sommes surtout inquiets pour la promotion qui va sortir en octobre 2009. Ceux qui ont une formation en économie s’en sortiront mieux. Et si l’insertion est plus difficile à Paris, les cabinets de province éprouvent toujours des difficultés à pourvoir leurs postes. Sur la dernière promotion, 95 % des avocats formés en province ont déjà prêté serment. Dans la capitale, ils ne sont que 60 %. L’autre souci de notre profession, c’est la requalification. Nombre de cabinets embauchent des avocats en tant que collaborateurs, mais ils ne leur permettent pas de développer une clientèle personnelle en raison d’une charge de travail trop importante. Lorsque ces collaborateurs sont remerciés, surtout en période de crise, nombre d’entre eux demandent la requalification de leur statut comme salarié.

Sous la pression des notaires, le rapport Darrois ne préconiserait finalement pas la création d’une grande profession commune. Êtes-vous déçu ?

Les notaires ne souhaitaient pas cette mise en commun, principalement parce qu’ils ont le monopole de certains marchés, comme celui des transactions immobilières ou des successions. Cependant, il semblerait que la commission Darrois suggère le partage de certaines de leurs prérogatives professionnelles avec les avocats.
Notre intérêt, aujourd’hui, est de pouvoir transmettre une culture commune, durant leurs études, aux juges, aux avocats et aux notaires, en attendant la fusion qui viendra peut-être dans dix ans. Nous soutiendrons, en tout cas, les propositions du rapport Darrois et sommes déjà en relation avec les doyens des facultés de droit pour développer des partenariats.

Depuis plusieurs années, vous avez un contentieux avec l’Union des jeunes avocats (UJA) sur les droits d’inscription. Le conflit est-il en voie de règlement ?

Nous avons plusieurs plaintes qui ont été portées devant la Cour de cassation, la cour d’appel et le tribunal d’instance ! Le coût de la scolarité, pour dix-huit mois, s’élève à 1 600 €, sachant que, sur cette période, les élèves effectuent six mois de stage indemnisé. Nous réalisons actuellement une étude sur la situation économique de nos élèves, dont 10 % sont boursiers, et donc exonérés des coûts d’inscription. Mais, quoi qu’il en soit, mon établissement a besoin de cette somme pour fonctionner, laquelle représente 30 % de son budget, le reste provenant de l’État (10 %) et surtout de la profession (60 %). Si l’UJA obtient gain de cause, ce sont finalement les avocats qui devront augmenter leur cotisation ! J’ajoute que ces 1 600 € sont à mettre en relation avec les 2 000 à 3 000 € que versent chaque année deux tiers de mes élèves à des prépas privées pour préparer le concours pendant un mois.

* Interview réalisée et parue dans La Lettre de l'Etudiant en mars 2009.

Les études d’avocat favorisent-elles la diversité ?
À l’instar de l’ENA, de Sciences po ou de l’École nationale de la magistrature (ENM), les onze écoles du Barreau envisagent, elles aussi, de diversifier l’origine socioprofessionnelle de leurs élèves, pour le moment très peu hétérogène. « J’aimerais mettre en place un partenariat avec l’ENM afin que les élèves de milieux modestes qui suivent l’une de ses trois classes préparatoires “égalité des chances” à Paris, Bordeaux et Douai puissent également passer notre concours, qui est moins sélectif », explique Gérard Nicolaÿ. Ce dernier discute depuis plusieurs mois de ce projet avec le directeur de l’ENM. « Il suffirait simplement d’aménager quelques cours et cette solution permettrait aux étudiants recalés à l’ENM de trouver une autre porte de sortie », ajoute-t-il. L’idée est d’en organiser un tous les deux ans.

Propos recueillis par Céline Manceau | Publié le