Gilles J. Guglielmi (professeur de droit à Paris 2) : «La tolérance au plagiat a diminué car les universités ont bien compris que leur réputation est mise en cause»

Propos recueillis par Céline Manceau Publié le
Gilles J. Guglielmi fait partie de ces enseignants qui luttent contre le plagiat dans le domaine de la recherche, notamment via son site . Il est coorganisateur du premier séminaire consacré à la fraude de thèses , mémoires et articles. Une première séance a permis de dresser un état des lieux des réactions institutionnelles au plagiat. La prochaine, programmée le vendredi 10 décembre 2010, sera consacrée aux droits du plagié.

Le plagiat est-il plus pratiqué qu’auparavant ou est-ce plus facile de s’en rendre compte aujourd’hui ?
Avec des fichiers numériques, c’est beaucoup plus facile de vérifier si une thèse est originale, mais c’est aussi plus facile de copier. Cependant, la tolérance au plagiat a diminué car les universités ont bien compris que leur réputation est mise en cause. L’acte de plagier est une atteinte à l’ensemble du système : un plagiaire non démasqué deviendra un mauvais chercheur et un mauvais prof qui fermera, à son tour, les yeux sur le plagiat de ses étudiants et de ses doctorants. Une fois les bornes franchies, il n’y a plus de limites.


Quelles réponses les établissements apportent-ils au plagiat ?
Il n’existe pas de code des bonnes pratiques, ni de procédures définies. Chaque établissement possède sa propre ligne directrice, d’autant que le plagiat ne gêne pas tout le monde pour les mêmes raisons. La seule constante est que ce sujet est vécu difficilement par les plagiés. Ils reçoivent des pressions et doivent entrer dans un rapport de forces. Tout en étant démunis car il n’est pas facile, juridiquement, de faire retirer une thèse ou un ouvrage.

Sur le plan international, les universitaires appréhendent-ils tous le plagiat de la même manière ?
Les États-Unis sont moins exigeants que nous sur l’autoplagiat – qui consiste à reproduire à l’infini ses propres articles, en changeant quelques données – et bien plus sur le plagiat. L’autoplagiat est très répandu outre-Atlantique, notamment dans les sciences dures. Le phénomène s’explique par la pression sur la nécessité de publier, créée par les dispositifs d’évaluation. Il existe également en France, mais peu s’interrogent sur cette pratique.

Les étudiants sont-ils bien informés sur les risques du plagiat ?
Au collège et au lycée, pour préparer des exposés, le copié-collé est acceptable. Quand les étudiants arrivent à l’université, à aucun moment, on ne leur indique les nouvelles règles. Ils gardent donc leurs habitudes. Depuis deux ou trois ans, les chargés de TD de Paris 2 ont reçu des consignes pour expliquer aux étudiants ce qui est autorisé dans une copie. Mais, d’un point de vue idéologique, l’université est un lieu de libre-échange des idées. Pour apprendre, il faut commencer par imiter, puis par reprendre les arguments des autres. C’est de cette façon qu’on arrive à penser par soi-même. Il faut donc faire la part des choses entre la réinterprétation et la copie.

Quel est l’objectif du séminaire consacré au plagiat ?
Il est juridiquement compliqué de combattre le plagiat. Les sanctions disciplinaires sont indépendantes des sanctions civiles, elles-mêmes indépendantes des sanctions pénales. Il faut donc multiplier les procédures et quel plagié peut se payer un avocat ? En outre, le plagiat est assimilé, en droit, à de la contrefaçon, or la fabrique de montres est très éloignée de la copie de thèses. Le plagiat doit devenir un délit pénal avec des peines adaptées à chaque cas. Nous allons faire des propositions législatives dans ce sens dans un livre blanc qui sortira pour le colloque d’octobre 2011.

Propos recueillis par Céline Manceau | Publié le