Hans-Henrik Holm, directeur de la Danish school of journalism : "Les écoles de journalisme ne doivent pas être aux mains des éditeurs de presse"

Propos recueillis par Mathieu Oui Publié le
Hans-Henrik Holm, directeur de la Danish school of journalism : "Les écoles de journalisme ne doivent pas être aux mains des éditeurs de presse"
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Les Etats généraux de la presse écrite ont prôné début 2009 la limitation des écoles de journalisme et une refonte des formations en journalisme. Hans-Henrik Holm, directeur de la «Danish school of journalism »  à l'université d'Aarhus, au Danemark, donne un éclairage à contre-courant des discours actuels.

Face aux difficultés actuelles de l’industrie médiatique, comment doivent se positionner les écoles de journalisme ?
Leur challenge principal est de s’éloigner de cette relation presque claustrophobique avec le marché de l’emploi et des besoins des employeurs. Aujourd’hui les écoles sont trop orientées à reproduire ce qui se passe dans les salles de rédaction, à former des jeunes diplômés pour disons Le Monde ou pour la presse magazine. Mais on ne doit pas laisser la formation aux mains des éditeurs de presse : ce serait tuer la profession. Au contraire, les écoles doivent revenir à l’apprentissage de qualifications de base : synthèse, vérification et production de l’information. Ces trois compétences, très utiles dans une société moderne de l’information, peuvent convenir à une grande variété de métiers.

Vous parlez de revenir aux fondamentaux. Quelle est selon-vous l’essence du métier ?
C’est à mon sens, la fonction d’explication qui consiste à faire le lien entre des choses que nous ne comprenons pas, par exemple entre le local et le national ou entre le national et l’international. Il me semble que cette fonction d’explication devient aujourd’hui plus importante que la vieille fonction de « watchdog », « chien de garde ».

L’industrie médiatique est en crise et confrontée à de nombreux licenciements aux Etats-Unis comme en Europe. Dans ce contexte, ne forme t-on pas trop de jeunes journalistes ?
Oui, si l’objectif est de les former à des professions classiques de journalistes. Mais si l’on considère les choses autrement, en disant par exemple, que ces compétences journalistiques de base, à l’instar de celles des historiens, des linguistes ou des sociologues sont utiles dans des domaines variés de la société. Cela expliquerait pourquoi tant de jeunes veulent devenir journalistes et ils ont raison. Car le processus de production et de diffusion des informations est essentiel au XXIe siècle, peu importe quels métiers ils occuperont par la suite.

Comment mettez-vous en pratique ces idées dans votre école danoise ?
Je lutte ! D’abord en réintroduisant des cours de philosophie et de réflexion critique. Nous avons aussi introduit beaucoup plus de publications directement dirigées par les étudiants. Nous n'avons conservé que des cours basiques en technologie car de toute façon, les élèves sont meilleurs que nous en la matière ! On s’est donc un peu éloigné de l’enseignement du journalisme «on line» pour revenir aux fondamentaux. On a aussi essayé d’ouvrir nos promotions à l’international car cela aide beaucoup. Quand vous réunissez différentes nationalités avec différentes façons de travailler, ils arrêtent de parler de la forme pour se concentrer sur le contenu.

Vous pilotez aussi un master Erasmus Mundus en journalisme, en partenariat avec 8 établissements étrangers. Avec ce programme multinational, voyez-vous une nouvelle génération émerger ?
Pour les étudiants c’est un changement fondamental parce qu’ils rentrent dans leur pays avec une perspective différente. L’intérêt de ce programme est qu’il n’ait pas dominé par une culture et que les étudiants doivent coopérer. En matière de formation au journalisme, on a eu un peu tendance à regarder du coté de l’Amérique qui a longtemps était le modèle dominant. Il y a une prise de conscience européenne, c’est nouveau et c’est ce que l’on essaye de faire avec ce programme qui est très ouvert. On y discute nos propres traditions et différences européennes.

 
Formations au journalisme : l'école de Sciences po Paris présente son enquête internationale

Existe-t-il un modèle idéal de formation au journalisme ? Cette question d’actualité était au cœur de la conférence internationale organisée par l’école de journalisme de sciences-po, le 19 juin dernier à Paris. Y participaient les représentants d’une quinzaine d’établissements étrangers venus des Etats-Unis, d’Europe et d’Asie. Lors de la conférence, une enquête réalisée par l’école de journalisme de Sciences po Paris auprès des participants a mis en évidence quelques points de convergence et de divergence.

La majorité des personnes ayant répondu sont favorables à l’introduction de cours de gestion de projets (69% favorables) ou relatifs à l’entreprenariat privé (87%). Sur le contenu des cours, les techniques de base sont citées en premier (cités par 100%), suivies des cours d'éthique et de droit (88%), puis des cours de journalisme on line (62,5%). En revanche, les avis sont partagés sur la durée idéale du master (un ou deux ans cités à égalité) ou sur la newsroom (salle de rédaction) comme modèle d’organisation des écoles.

Propos recueillis par Mathieu Oui | Publié le