Jean-Claude Chottard, professeur émérite à Paris-Descartes : «Laissez-nous regarder le niveau des élèves avant l'entrée en première année de médecine !»

Propos recueillis par Virginie Bertereau Publié le
Jean-Claude Chottard, professeur émérite à Paris-Descartes : «Laissez-nous regarder le niveau des élèves avant l'entrée en première année de médecine !»
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La première année commune des études de santé est loin de faire l'unanimité. Baptisée PACES, elle regroupera à la rentrée 2010 la PCEM1 (première année du premier cycle des études médicales) et la PCEP1 (première année du premier cycle des études pharmaceutiques). Jean-Claude Chottard, professeur émérite de chimie à l'UFR biomédicale de l'université Paris-Descartes, fort de son expérience d'enseignement de trente ans en PCEM1, donne son point de vue, très critique, sur le nouveau dispositif.

Que pensez-vous de la mise en place de la PACES ?

En première analyse, c'est très bien de donner aux futurs médecins, dentistes, sages-femmes, pharmaciens (et parfois masseurs-kinésithérapeutes) la même formation scientifique fondamentale. Dans les années 1960, il existait déjà une année propédeutique PCB [physique-chimie-biologie]. Cette année commune a été supprimée en 1969, avec l'instauration de PCEM1 et de PCEP1. Dans beaucoup de pays, les étudiants reçoivent une formation générale de base avant de s'orienter en médecine. Aux États-Unis, celle-ci dure quatre ans au college pour atteindre un niveau de M1 qui correspond au DCEM1 (première année du deuxième cycle des études médicales).

Et en seconde analyse ?

La PACES est une occasion manquée qui ne résout pas le vrai problème des études médicales : celui des grands nombres. La réforme va entraîner un minimum de 10 % d'étudiants supplémentaires, persuadés qu'ils ont plus de chances de réussir, alors que le nombre de places à l'ensemble des concours ne va pas augmenter. Les candidats attendent tous d'être traités de la même façon. Or, les conditions d'enseignement ne pourront pas être les mêmes, ne serait-ce qu'à cause de la nature des locaux. Les étudiants continueront d'être des centaines dans un amphithéâtre, parfois face à un écran de vidéoprojection, ou recevront un DVD. Ils seront 50 en TD (si on peut encore appeler cela TD...). Le nombre de groupes de travaux dirigés sera tellement élevé dans certaines facultés (100 à Paris-Descartes) que les disponibilités des enseignants et des salles pourraient conduire à une réduction de leur durée ou à leur remplacement par des séances en amphi, à condition qu'il y en ait de libres. Que restera-t-il du rôle fondamental des TD dans la préparation du concours ? Il restera toujours les institutions privées, pour ceux qui en ont les moyens. Bref, ces conditions n'auront rien de comparables avec celles dans lesquelles se trouvent les élèves des classes  préparatoires scientifiques, bien encadrés et entraînés... Il faut ajouter que les enseignants auront encore moins de temps pour travailler à leurs enseignements et à leur recherche.

Que préconisez-vous ?

Une meilleure orientation dès le lycée et à l'entrée de l'université. À Paris-Descartes, 38 % des étudiants qui ont passé le concours de PCEM1 pour la première fois en 2008 ont obtenu une moyenne inférieure à 5/20. Parmi eux, 10 % ont encore obtenu en 2009, après avoir redoublé, moins de 8/20. Un vrai gâchis... Il faut dire aux parents : « Vos enfants perdent leur temps. Laissez-nous regarder leur niveau avant qu'ils ne s'engagent dans une voie qui n'est pas faite pour eux. » On prétend que jamais les étudiants n'accepteront une étude de leur dossier avant inscription. Est-ce bien sûr ?


La PACES est prévue pour faciliter les réorientations vers les autres filières...

La PACES prévoit 15 % de réorientés à l'issue du premier semestre. C'est insuffisant ! Ce chiffre est loin des 38 % d'étudiants en dessous de 5/20. Mais si le président de l'université Paris-Descartes réorientait ces 38 %, il les mettrait où ? En sciences, alors qu'ils n'ont pas les bases suffisantes ? De toute façon, seuls 14 % de ceux qui ont échoué à l'issue de leur première P1 ont choisi volontairement de partir en licence scientifique en 2008. Cette réorientation nécessite une remise à niveau. Ce n'est pas opérationnel.

Réforme des études médicales : l'appel des mandarins

Réformer la première année, c'est bien. Réformer l'ensemble des études médicales, c'est mieux. 12 médecins* reconnus ont signé un appel, lancé par le docteur généraliste Philippe Presles, en faveur de la refonte du cursus. En premier lieu, ils réclament plus de pratique, et ce dès la deuxième année (avec les moyens ad hoc). Ils se déclarent également favorables à une évaluation continue tout au long des études, voire au-delà, ainsi qu'un tronc commun interdisciplinaire ou une meilleure formation à la prévention et aux technologies de pointe.

* Cancérologie : Dr Thierry Dorval (Institut Curie). Cardiologie : Pr Daniel Thomas (Pitié-Salpêtrière). Chirurgie digestive : Pr Yves Panis (Beaujon). Chirurgie vasculaire et angiologie : Pr Jean-Pierre Becquemin (Henri-Mondor). Gynécologie-obstétrique : Pr Émile Darai (Tenon). Médecine générale : Pr Max Budowski (Paris 7). Médecine générale et échographie : Dr Olivier Walusinski (Brou, Perche). Médecine générale, éthique de santé et tabacologie : Dr Philippe Presles (Paris). Neurologie : Pr Olivier Lyon-Caen (Pitié-Salpêtrière). Pneumologie : Pr Charles-Hugo Marquette (Nice). Psychiatrie : Dr Paul Bensussan (expert DSM-IV, Versailles). Urologie : Pr Olivier Traxer (Tenon).

Propos recueillis par Virginie Bertereau | Publié le