J-P. Heurtin (Sciences po Strasbourg) : "Une nouvelle offre pédagogique pour 2023"

Agnès Millet Publié le
J-P. Heurtin (Sciences po Strasbourg) : "Une nouvelle offre pédagogique pour 2023"
Les nouveaux bâtiments de Sciences po Strasbourg inaugurés en mars 2020. // ©  IEP Strasbourg
Crise sanitaire, refonte de l’offre pédagogique, partenariats internationaux : Jean-Philippe Heurtin fait le point sur les actualités et les projets de Sciences po Strasbourg qu’il dirige depuis septembre 2020.

Votre prise de poste s’est effectuée en pleine crise sanitaire, comment cela s’est-il passé ?

Malgré la pandémie, nous nous sommes mobilisés et avons lancé plusieurs chantiers au plan pédagogique. Nous prévoyons notamment l’ouverture d’une classe Prépa Talent, dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt, pour favoriser l’ouverture sociale du futur Institut du service public devant remplacer l’ENA, avec qui nous venons de signer une convention de deux ans.

Jean-Philippe Heurtin
Jean-Philippe Heurtin © Sciences po Strasbourg

Nous savons désormais que nous sommes lauréats. Nous ne connaissons pas la configuration de ce futur institut mais il pourrait y avoir d’autres implications pour nous : peut-être faudra-t-il revoir les cursus de formation, notamment pour les modalités de stage.

L’ouverture sociale est un axe important de votre stratégie ?

Oui évidemment, nous menons une réflexion. Nous proposons déjà un dispositif d’égalité des chances : le programme d’études intégrées (PEI) qui accueille 300 élèves, via des partenariats au niveau collège et lycée, en première et terminale. Nous développons le réseau à tout le Grand Est.

Ce sont souvent des élèves boursiers, éloignés des centres et des grandes villes qui suivent une préparation aux concours, animée par les professeurs de leur lycée et une équipe de l’IEP.

Cela fait partie de nos priorités, mais la pandémie a affecté ce programme : nous n’avons pas pu les réunir pour les périodes de stage intensif, par exemple.

Quelles sont vos autres priorités pédagogiques ?

Nous voulons entrer dans une nouvelle offre de formation pédagogique pour la rentrée 2023, en développant des modalités peu fréquentes en IEP. Par exemple, sur les questions sociales et environnementales, nous allons créer un master autour des métiers de l’humanitaire ou en lançant une filière autour des métiers du plaidoyer dans le master de politiques européennes.

Nous avons quelques idées mais n’en sommes qu’à un stade préliminaire, avec un calendrier retardé. Ce grand chantier sera lancé l’année prochaine. Les responsables de master commencent à y réfléchir. C’est un moment important où nous tirons le bilan de ces cinq dernières années, pour comprendre ce qui marche ou pas.

Nous prévoyons notamment l’ouverture d’une classe Prépa Talent, dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt.

Nous avons ainsi un partenariat avec la faculté de médecine de l’Unistra – université dont nous sommes également composante. Ce parcours de master Santé, environnement, politique pourrait être étendu à la faculté de pharmacie.

Je voudrais réintroduire les sciences - la biologie, la chimie, la physique - dans la formation pour préparer nos étudiants à dialoguer avec ces disciplines. L’idée n’est pas d’en faire des scientifiques mais de les aider à embrasser les nouveaux métiers de la régulation sanitaire ou environnementale.

Cela pourrait prendre la forme de nouveaux programmes ?

Tout à fait. Nous réfléchissons à la création d'un bachelor of arts and sciences pour proposer une formation très pluridisciplinaire, plus large encore que ce que nous proposons en sciences humaines et sociales.

Sciences po Paris propose une formation de cette appellation, mais nous aimerions être encore plus robuste sur les sciences. Et c’est peut-être plus simple pour nous, car nous sommes en relation avec les composantes scientifiques de l’Unistra. Des discussions préliminaires sont en cours, ainsi qu’avec nos partenaires du réseau Eucor, comme l’université de Fribourg (Allemagne).

Nous réfléchissons à la création d'un bachelor of arts and sciences.

Nos étudiants viennent surtout de ES et L. Ce bachelor ciblerait des bacheliers scientifiques, nous permettant de diversifier nos recrutements, même s’il est difficile, avec la réforme du bac, de déterminer des profils précis. Le lancement de cette formation dépendra aussi de nos ressources financières. Dans l’idéal, il ouvrira pour la rentrée 2023.

Quelles sont vos priorités en recherche ?

C’est un axe fort pour nous. Je pense que les IEP ne valorisent pas toujours très bien leur recherche. Nous voulons montrer que Sciences po Strasbourg ne forme pas seulement des étudiants mais fait aussi beaucoup de recherche.

Nous sommes ainsi rattachés à l’institut thématique interdisciplinaire de l’Unistra baptisé "Fabrique de la société européenne Makers". Il réunit des laboratoires de l’IEP et de l’Unistra, avec un budget de 70.000 € par an et comporte un volet recherche et enseignement. L’accent est mis sur la fabrique de la société européenne, se décentrant des questions institutionnelles.

Comment appréhendez-vous les questions d’actualité, comme la campagne #SciencesPorcs, dénonçant les violences sexistes et sexuelles sur les réseaux sociaux ?

Nous avons pris des mesures pour améliorer les dispositifs et mieux accompagner les étudiants et les personnels. Notre commission contre les violences sexistes et sexuelles a été institutionnalisée dans nos statuts, pour la rendre pérenne, car cette lutte-là doit se mener sur du long terme.

Elle est composée de représentants des acteurs de l’IEP (enseignants, étudiants et personnels administratifs) et de personnalités extérieures (personnalités de l’Unistra, magistrats...). Notre première réflexion porte sur la prévention : modes de communication, formations… Puis nous réfléchirons sur notre dispositif d’écoute et de recueil des plaintes, et enfin, sur le volet de la répression.

Et face à la crise sanitaire de la Covid-19, quels ont été les défis ?

Aujourd’hui, l’année se termine. En début d’année 2021, nous avons fait revenir les étudiants de première année pour les conférences de méthode. Les deuxième et quatrième années, ont été accueillis dans une jauge de 20% de nos capacités d’accueil, sur une journée, pour des cours magistraux. Le reste était en distanciel.

Cela a été plus compliqué pour les troisième année, qui doivent partir à l’international. Certains ont pu partir dans une université partenaire, quand elle n’était pas fermée. Nous avons suggéré aux autres étudiants de faire un stage en France ou à l’étranger. D’autres ont continué de suivre des cours du campus virtuel du réseau Sciences po. Mais cela nous a imposé un grand surcroît de travail.

Pour les cinquième année, les cours ont surtout lieu au premier semestre. Le deuxième est consacré au mémoire ou au stage. Et, là encore, il y a eu des difficultés, surtout pour le secteur international. Mais l’année universitaire sera prolongée jusqu’en décembre et ils pourront trouver des opportunités pour valider leur année.

Nous avons déployé un dispositif de tutorat spécifique, financé par le ministère, pour offrir un soutien pédagogique aux étudiants qui menaçaient de décrocher. Notre fonds d’aide financière d’urgence a aussi été plus mobilisé que d’habitude, et nous avons prêté beaucoup d’ordinateurs.

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