Marc Gontard, ancien président : "L'université Rennes 2 est gouvernable avec beaucoup de patience et de concertation"

Propos recueillis par Camille Stromboni Publié le
Marc Gontard, ancien président : "L'université Rennes 2 est gouvernable avec beaucoup de patience et de concertation"
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Président de l’université Rennes 2 depuis 2005, Marc Gontard passe la main, le 12 janvier 2011, à son premier vice-président . Il tire le bilan de cette expérience à la tête de l’établissement breton de SHS (sciences humaines et sociales), connu notamment pour être à la pointe des mouvements de protestation.

Rennes 2 est-elle une université gouvernable ?

Oui, avec beaucoup de patience, de concertation et de volonté de persuasion. Car il y a plusieurs difficultés. D’une part au niveau des personnels, il existe une intersyndicale très forte et pas forcément favorable aux réformes en cours. D’autre part, côté étudiants, il existe des groupuscules gauchistes, à l’extrême gauche même, qui à la moindre occasion cherchent à bloquer l’université.

Et surtout un noyau dur extérieur à l’établissement avec qui il est impossible de discuter : les autonomes, une cinquantaine de personnes, anarchistes, que je connais depuis dix ans – il s’agit toujours des mêmes meneurs – qui prennent très vite le contrôle des assemblées générales sur des revendications qui n’ont rien à voir, occupent le hall B avec à chaque fois d’importantes dégradations.

Quelle est votre plus grande satisfaction ?

Sur le plan de la formation, nous avons mis l’accent sur l’insertion professionnelle des étudiants, avec le dispositif de préprofessionnalisation . En recherche, nous avons mis en place la MSH (Maison des sciences de l’homme de Bretagne), qui fédère les recherches en SHS (sciences humaines et sociales) de la région Bretagne.

Quel est le dossier le plus dur que vous ayez dû gérer : le mouvement universitaire de protestation de 2009, qui a touché de plein fouet Rennes 2 ?

Non, il s’agit de la masterisation . Il n’y a eu aucune concertation, toutes les propositions de la CPU [Conférence des présidents d’université] ont été rejetées. Nous sommes dans un dispositif aberrant. Il s’agit d’un master [enseignement] qui doit préparer à un concours, à la recherche et à un métier ! Sans oublier qu’il faut des solutions pour les collés, qui auront réussi leur M2 mais pas le concours, le risque étant qu’ils soient utilisés comme un vivier de vacataires corvéables à merci.

Ce qui a encore compliqué les choses : la nécessité de trouver des stages pour nos étudiants. Les rectorats s’y sont pris trop tard et n’en ont pas trouvés assez. Pour les caser tous, nous avons dû les mettre à deux ou trois sur le même stage – soit une rémunération divisée par deux ou trois – parfois à plus de 150 km de chez eux sans aucun défraiement ! Et encore en Bretagne, on a réussi…

Autre difficulté de taille : l’UBO [Université de Bretagne-Occidentale], à laquelle a été rattaché l’IUFM qui compte une cinquantaine de postes, cherche à nous facturer le service – nous avons 1.000 étudiants dans les masters « enseignement » – pour environ 600.000 € par an ! Nous continuons à refuser.

Quel est le dossier clé à gérer dans l’immédiat pour votre successeur ?

L’Initiative d’excellence . Avec un problème important : le manque de visibilité pour les SHS dans les appels d’offres. Nous ne sommes pas absents, mais disséminés dans les différents projets, comme complément aux sciences dures. Hormis un Equipex sur l’édition numérique et un Labex [Institut des Amériques].

La masse critique nécessaire et le dimensionnement des projets dépassent en effet largement les capacités des SHS. Par exemple, nos laboratoires sont beaucoup plus petits et n’ont pas besoin des infrastructures lourdes des labos de sciences dures, pour lesquels ont été créés les Equipex.

Que va faire Marc Gontard ?

Le professeur, spécialiste de la littérature française du XXe siècle, va prendre une année sabbatique. Il continuera de s’occuper de certains dossiers internationaux auprès de la CPU (Conférence des présidents d'université), notamment la mise en place de l’université franco-vietnamienne de Hanoi et la coopération franco-québécoise.

Propos recueillis par Camille Stromboni | Publié le