Marc Nicolas (directeur général de la FEMIS) : “La FEMIS est un supertanker”

Propos recueillis par Mathieu Oui Publié le
Marc Nicolas (directeur général de la FEMIS) : “La FEMIS est un supertanker”
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Avec 1.052 candidats en 2010 pour seulement 35 admis, la FEMIS continue de faire rêver les apprentis cinéastes. Dix-huit mois après une grève des étudiants suivie de l’arrivée d’un nouveau président, le réalisateur Raoul Peck, et d’un nouveau tandem à la direction des études, la FEMIS tente d’évoluer et de s’ouvrir à un nouveau public. L’occasion de rencontrer son directeur général Marc Nicolas, qui revient sur l’actualité récente de l’école et sur son programme d’égalité des chances.

Au printemps 2009, la FEMIS a connu une brève grève de ses étudiants, la première de son histoire. Leurs critiques portaient notamment sur une lourdeur administrative ou le trop fort cloisonnement des départements. Quelles ont été les conséquences de ces événements ?

À la suite de cette semaine de grève, j’ai organisé des groupes de travail sur les différentes revendications et lancé, dans la foulée, un premier train de mesures. Pour l’essentiel, ces demandes plus ou moins formulées étaient légitimes. À la rentrée 2009, nous avons introduit une nouvelle séquence d’ateliers, de décembre à mars, afin de faire travailler toutes les promotions ensemble. Nous avons également introduit un temps spécifique pour développer un projet personnel et revu la procédure d’analyse de films. Par ailleurs et en négociation avec les directeurs de département, j’ai également présenté un texte devant le conseil d’administration de l’école, leur fixant un mandat de trois ans renouvelable deux fois. Cette nouvelle disposition limite donc à neuf ans leur mandat. Ce n’est pas une durée si longue : cette école est comme un supertanker. Cela signifie que c’est un établissement très complexe à gérer : neuf disciplines différentes, peu d’élèves, pas de profs permanents… L’enseignement du cinéma est une activité bourrée d’exceptions.

Parmi les anciens élèves ayant récemment réalisé un long-métrage sorti en salles, on compte surtout des filles, issues de la section scénario. Comment expliquez-vous cette situation ?

Je pense que c’est un peu un effet d’optique. Ces quatre dernières années certes, on a vu des élèves scénaristes réaliser leur scénario, mais c’est un fait conjoncturel qui ne représente pas la tendance de ces vingt dernières années. L’avantage des scénaristes est qu’au bout de huit mois de travail, ils sortent avec un travail achevé ou presque. Ce n’est pas le cas des élèves en réalisation qui disposent de quelques courts-métrages, mais n’ont pas de scénario à proposer à un producteur. Nous allons d’ailleurs introduire cette année, et à leur intention, un atelier d’écriture. Au final, l’école fonctionne un peu comme un incubateur de scénarios pour les producteurs. Je regrette qu’ils ne prennent pas plus de risques avec des élèves de la section réalisation.

Notre taux de boursiers est supérieur à 30 %, ce qui nous place bien au-dessus de la plupart des grandes écoles

Le concours d’entrée ne retient en moyenne qu’un candidat sur vingt. Comment conciliez vous cette forte sélection avec la question de l’ouverture sociale ?

J’assume parfaitement cette sélection, mais, comme toute école publique, nous avons le devoir d’offrir l’équité d’accès à tous les candidats quels qu’ils soient. Notre taux de boursiers est supérieur à 30 %, ce qui nous place bien au-dessus de la plupart des grandes écoles. Nous sommes engagés depuis 2008 dans une opération d’égalité des chances avec la fondation Culture et diversité qui consiste à aller informer les élèves des lycées en zone ZEP et aussi à organiser des ateliers d’été. Au concours 2010, un des anciens participants de cet atelier a été reçu au concours. Je pense qu’il faut attendre encore quelques années avant de mesurer l’efficacité de ce dispositif. La difficulté principale est que nous sommes une école de deuxième cycle, qui recrute officiellement des bac+2, mais en réalité des bac+3 ou plus. C’est une population qui a subi une discrimination bien antérieure, dès l’adolescence. D’où notre travail de sensibilisation dans les lycées.

L’insertion professionnelle de nos étudiants ? 500 professionnels du cinéma sont en contact avec nos étudiants pendant toutes leurs études

Comment accompagnez-vous les jeunes diplômés dans leur insertion ?

On leur donne régulièrement un coup de main s’ils veulent nous emprunter une caméra ou utiliser une salle de montage, mais nous ne délivrons pas de postdiplôme. Notre principale action est l’intervention de 500 professionnels du cinéma avec lesquels les étudiants sont en contact pendant toutes leurs études. Et puis nous diffusons les films des élèves dans 70 festivals français et étrangers. Au final, la principale difficulté des diplômés est de faire face à une compétition très rude dans le monde du cinéma et de devoir convaincre des professionnels de se voir confier des moyens pour tourner un film. Nous leur apprenons à élaborer un budget et à réaliser une note d’intention pour présenter leur projet devant une commission comme l’avance sur recettes. Mais une fois dehors, ils doivent se lancer !

Frédéric Papon, le nouveau directeur des études, et son adjointe, Isabelle Pragier, ont été nommés en juin 2010, en remplacement de Carole Desbarrats.

Propos recueillis par Mathieu Oui | Publié le