Maryline Baumard (Le Monde) : "Vincent Peillon devra se montrer plus offensif"

Isabelle Dautresme Publié le
Maryline Baumard (Le Monde) : "Vincent Peillon devra se montrer plus offensif"
Vincent Peillon lors de l'hommage à Jules Ferry, le 15 mai 2012 // © 
Dans son livre L’école : le défi de la gauche (1), Maryline Baumard, responsable du service éducation du Monde, décrypte les quinze premiers mois d’exercice de Vincent Peillon à la tête du ministère de l’Éducation nationale. Qui sont les acteurs de la refondation ? Comment se prennent les décisions ? Les nombreuses anecdotes et confidences qui émaillent le récit permettent de mieux comprendre le sens de certains infléchissements et renoncements. À la veille de la première vraie rentrée du ministre, l’auteur dresse, pour EducPros, un bilan d’étape.

Ecole : le défi de la gauche - Maryline Baumard, Plon, 2013.Quel regard portez-vous sur la première année de Vincent Peillon à la tête du ministère de l’Éducation nationale ?

L’arrivée de la gauche au pouvoir s’est accompagnée d’une réelle volonté de changer l’école. Sur de nombreuses questions, comme celles des rythmes ou de la formation des enseignants, on a assisté à une inversion de tendance, mais aussi, parfois, à des erreurs stratégiques et de méthode. Quant à savoir si le bilan est positif, tout dépend de la grille de lecture que l’on adopte.
Si l'on prend la question des rythmes par exemple, c’est un échec à partir du moment où seulement 4.000 communes ont choisi de revenir à la semaine de 4,5 jours à la prochaine rentrée. Pour autant, le fait que le processus ait été enclenché atteste que l’idée que l’école doit être faite pour les enfants et non plus en fonction des intérêts des enseignants ou des parents progresse.

Vincent Peillon aurait-il dû aller plus vite dans la mise en œuvre de la refondation de l’école ?

Vincent Peillon a commis une erreur politique, il n’a pas su tirer profit de la période de grâce que confèrent les 100 jours qui suivent les élections. Il a perdu un temps fou avec la loi d’orientation et de programmation de l’école qui devait être discutée au Parlement à la Toussaint 2012 et qui vient seulement d’être promulguée,  sans que celle-ci ne se traduise concrètement dans les établissements. D’où le sentiment que rien n’a changé.

Vous semblez regretter que certains dossiers ne figurent pas dans la loi d’orientation et de programmation, lesquels plus particulièrement ?

Je trouve dommage que le lycée, qui coûte beaucoup trop cher, ne figure pas dans la loi. Le ministre s’est justifié sur ce point en affirmant qu’il souhaitait refondre l’école dans l’ordre : le primaire, puis le collège et enfin le lycée. Dont il assure qu’il ouvrira le dossier avant la fin du quinquennat.
Mais le sujet est très sensible. Changer le lycée, c’est changer le bac, ce qui est au moins aussi dangereux que les rythmes. Il n’est pas dit que le ministre s’y risquera.

Au final, pensez-vous que Vincent Peillon parviendra à réformer l’école ?

Il est trop tôt pour savoir si la réforme qui s’écrit actuellement sera menée à terme. Sa réussite dépendant pour beaucoup de la formation des enseignants qui s’ouvre juste à la rentrée. Mais une chose est sûre : s’il veut réellement changer l’école, Vincent Peillon, l’intellectuel, devra mettre les mains dans le cambouis et se montrer plus offensif. Le redressement cognitif étant encore plus difficile que le redressement productif.  Il a pour lui de bénéficier de la confiance de François Hollande et de celle des syndicats.

Et s’il échoue ?

On est à une époque charnière, un moment clé. Un ministre de l’Education nationale de gauche n’aura jamais mieux que ce qu’a Vincent Peillon aujourd’hui : le soutien d’un président qui a fait de la jeunesse sa priorité, un premier ministre qui a enseigné, et la création de 60.000 postes dans un contexte de rigueur budgétaire. Si cette équipe-là ne parvient pas à refonder l’école, alors, en 2017, la droite aura toute la latitude pour proposer un modèle antinomique à celui de la gauche, celui d’une école libérale.

(1) L’école : le défi de la gauche, Maryline Baumard, Plon, août 2013.

Les Espé au coeur de la rentrée

Vincent Peillon a fait sa rentrée en mettant l'accent sur l'ouverture des Espé. Les décrets et arrêtés portant sur l'accréditation et le cadre national des formations des écoles supérieures du professorat et de l'éducation sont parus cette même semaine de la fin août 2013.

- Lire l'article sur lexpress.fr : Peillon fait la rentrée des profs dans une de leurs nouvelles écoles

- Les modalités d'accréditation des écoles supérieures du professorat et de l'éducation
- La composition et au fonctionnement des conseils des écoles supérieures du professorat et de l'éducation
- Le cadre national des formations dispensées au sein des masters « métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation »
Isabelle Dautresme | Publié le