Un délégué à la transformation pédagogique pour faire bouger Paris-Dauphine

Céline Authemayou Publié le
Un délégué à la transformation pédagogique pour faire bouger Paris-Dauphine
L'université Paris-Dauphine réfléchit à la création d'un "teachlab" et d'un centre d'excellence pédagogique. // ©  Université Paris-Dauphine/Steeve Murez
En janvier 2017, l’université Paris-Dauphine s’est dotée d’un délégué à la transformation pédagogique et projets innovants. Le but ? Hisser l'établissement au niveau international en matière de pédagogie innovante. Création d'un "center for teaching excellence" et d'un "teachlab"… Albert David détaille pour EducPros ses premiers projets.

Albert David délégué à l'innovation pédagogique à Paris-DauphineVous avez pris vos fonctions peu de temps après l'arrivée d'Isabelle Huault à la tête de l'université. Quelles ont été les premières actions que vous avez entreprises ?

Je mène depuis plusieurs semaines toute une série d'entretiens, pour établir un état des lieux exhaustif des pratiques pédagogiques proposées au sein de notre établissement. L'université Paris-Dauphine porte dans ses gènes une tradition expérimentale. Ainsi, lorsque les enseignants ont vu se développer les Mooc, les Spoc ou encore la pédagogie inversée, certains se sont emparés de ces outils pour les tester et les proposer à leurs étudiants. Nous avons donc dans nos rangs bon nombre d'"early adopters" [primo-adoptants] !

De plus, plusieurs initiatives ont vu le jour au cours des dernières années, portées par l'administration. C'est le cas des programmes nouveaux, tels que Trajectoires ou Talents, ou encore de la plate-forme Mycourse, qui permet, entre autres, aux étudiants de poster leurs devoirs et aux enseignants de les corriger en ligne.

Toutes ces actions sont très positives mais il faut, à un moment donné, réussir à les coordonner. Il ne s'agit pas de les recentraliser, mais de créer, à partir de l'existant, une stratégie d'établissement cohérente, de cristalliser les énergies. Tel est mon rôle.

Après plusieurs semaines de rencontres et de discussions avec vos collègues, avez-vous des premiers projets qui émergent ?

Oui, deux projets sont en réflexion. Nous réfléchissons à la création d'un "center for teaching excellence" [centre d'excellence dédié à l'enseignement]. À l'international, bon nombre d'universités disposent d'une telle structure, au sein de laquelle les enseignants mutualisent leurs compétences et leurs connaissances en matière de pédagogie. C'est également un outil de veille et de formation.

En France, nous ne sommes pas en avance sur la prise en compte de la pédagogie dans la carrière et dans les compétences des enseignants-chercheurs. Il y a une réelle volonté de faire progresser nos usages et d'afficher l'université comme un acteur impliqué dans le domaine.

En France, nous ne sommes pas en avance sur la prise en compte de la pédagogie dans la carrière et dans les compétences des enseignants-chercheurs.

Le recours aux Mooc, à la pédagogie inversée, oblige les équipes enseignantes à réfléchir à ce qu'est un service d'enseignement, traditionnellement comptabilisé en heures de cours ou de travaux dirigés. L'une des premières conséquences de l'irruption du numérique dans les classes est également le besoin de collaboration entre enseignants et équipes administratives, notamment sur les aspects techniques et informatiques. Ce mode d'apprentissage par compagnonnage est crucial. Il est donc important de prendre du recul sur ces pratiques, pour les analyser.

Et puis, de façon plus pragmatique, Paris-Dauphine est certifié Equis. Les auditeurs, par nature, vont être sensibles aux preuves que nous pourrons leur apporter de la qualité de ce que nous faisons en matière de pédagogie.

Dans le cadre de vos recherches, vous vous intéressez à la thématique des espaces collaboratifs et avez mis en place des ateliers de techniques de conception innovantes. Est-ce une piste que vous suivez, dans le cadre de votre mission ?

En effet, je travaille notamment sur les tiers-lieux de l'innovation. Assez naturellement a donc émergé l'idée de regarder Paris-Dauphine sous cette lumière-là. Nous réfléchissons ainsi à la création d'un "teachlab", sorte de fablab dédié à la pédagogie, où, sous forme de compagnonnage agile, chaque enseignant pourrait venir réfléchir à l'architecture numérique de son cours.

Nous avons identifié un espace, longeant l'amphithéâtre Edgar-Faure, qui pourrait se prêter à l'expérience. Cette initiative trouve un sens particulier, alors qu'un grand programme de rénovation immobilière est à venir à Dauphine, avec des travaux prévus à partir de 2020. On peut donc imaginer pas mal de choses et se poser des questions, par exemple, comment mettre en scène nos activités pour rendre nos locaux intéressants à visiter ? Le teachlab est une première réponse, mais il y en a d'autres.

Paris-Dauphine compte des enseignants mais également des étudiants. Comment les intégrez-vous à toutes ces initiatives, en tant qu'acteurs ?

Les étudiants nous apprennent des choses. Par exemple, nous nous posions la question de savoir comment programmer un chatbot sur Twitter : ils nous l'ont appris. Certains d'entre eux, passionnés d'innovation pédagogique, sont déjà venus me voir pour me proposer des choses.

Mais il faut aussi tempérer les enthousiasmes : inutile d'ouvrir un fablab avec plein de machines numériques. Nous sommes à Paris-Dauphine ! Si c'est juste pour dire "nous avons ouvert un fablab", il n'y a aucun intérêt... Il faut que nos projets soient cohérents avec notre ADN. Ce n'est pas le tout de lancer une initiative, il faut se poser des questions très concrètes. En ce qui concerne le teachlab : qui ouvrira le lieu ? Qui gérera l'espace ? Faudra-t-il réserver les places ? Y aura-t-il un espace café, comme dans certains "fabcafés" ? Tout cela permet aussi de renforcer une culture de qualité d'exécution... Et d'appliquer à nous-mêmes ce que nous enseignons en cours, notamment expérimenter et savoir piloter un projet et le repositionner. C'est le propre de la culture d'innovation.

De quels leviers budgétaires bénéficiez-vous pour porter cette transformation ?

Une grosse partie du budget se compte en heures de travail ! Mais nous répondons à des appels à projet, notamment l'AMI 2017 [appel à manifestation d'intérêt], dédié à la transformation pédagogique. Cela incite à aller plus vite mais, sur ce type d'appel, les dotations ne peuvent couvrir que 50 % d'un budget global de 140.000 euros au maximum.

Nous disposons d'une fondation et nous pensons que des entreprises partenaires pourraient être séduites par la participation à ce type de programme. C'est en tout cas ce que nous espérons !

Céline Authemayou | Publié le