Peter Honeth, secrétaire d’Etat suédois en charge du supérieur et de la recherche : «L’instauration de frais de scolarité pour les étrangers constitue un premier pas vers plus de professionnalisme de la part des universités suédoises »

Propos recueillis par Mathieu OUI, notre envoyé spécial à Stockholm Publié le
Peter Honeth, secrétaire d’Etat suédois en charge du supérieur et de la recherche : «L’instauration de frais de scolarité pour les étrangers constitue un premier pas vers plus de professionnalisme de la part des universités suédoises »
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En 2006, un rapport au gouvernement suédois préconisait la fin de la gratuité des études  supérieures pour les jeunes issus des pays non européens. Peter Honeth, secrétaire d’Etat en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche, revient sur la genèse de ce projet dont l’application a pris du retard. Le vote prévu au printemps est repoussé à l’automne et son application serait pour dans deux ans.

En matière d’échanges internationaux, quels sont les dossiers prioritaires de votre ministère ?
Nous devons faire face à une forte augmentation d’étudiants étrangers issus des pays non européens. Dans certains établissements suédois, ces derniers représentent jusqu’à 20 % du total des inscrits. Le gouvernement a donc prévu d’introduire des frais de scolarité pour ces étudiants originaires des pays non européens qui devraient être en place dès l’an prochain (1). Il faut également relancer la mobilité de nos étudiants et de nos enseignants qui est insuffisante. Etant un petit pays, nous sommes très dépendants de nos performances à l’international.

Quels sont les arguments de votre gouvernement pour introduire des frais pour les étudiants étrangers ?
Il ne nous semble pas correct que les contribuables suédois financent les études des étudiants non-européens. Un tel système de frais existe d’ailleurs déjà dans de nombreux pays européens. Actuellement, nos universités mettent en avant sur leur site web la gratuité des études en Suède pour attirer des milliers de candidats du monde entier. Le problème est qu’il est très difficile de contrôler et d’évaluer ces candidatures. Pour intégrer ce marché mondial de l’éducation où les Etats-Unis et le Royaume-uni sont des acteurs de premier plan, les universités suédoises doivent se professionnaliser.

Qu’entendez-vous par ce terme de « professionalisation » ?
Les établissements n’ont pas développé de stratégie quant au recrutement de ces étudiants. Ils ne savent pas pourquoi ils veulent recevoir ces jeunes non européens. Et puis ils ne sont pas au point dans l’accueil et le traitement administratif des dossiers. Car avant d’intégrer nos universités, ces candidats doivent au préalable effectuer des démarches auprès de leurs ambassades pour obtenir un visa par exemple. Il faut donc un système global et approprié aux standards internationaux, comparable à ce qui se pratique dans les grands pays d’accueil où il existe de tels frais de scolarité.

Combien paieront les étrangers soumis à ces frais ?
Nous n’avons pas encore décidé de montant mais le principe décidé par le gouvernement est simple : ces frais doivent couvrir le coût exact de l’enseignement.

Comment ont réagi les universités à ce projet ?
La réponse a été plutôt positive même s’il y a des interrogations sur le fonctionnement de ce nouveau système. En revanche, c’est vrai que les organisations étudiantes y étaient résolument opposées. Elles redoutaient que cela ne soit un premier pas vers l’introduction de frais pour les étudiants Suédois. Mais il n’y a aucun plan du gouvernement dans ce sens. La commission ayant préparé ce projet a même proposé que la gratuité des frais pour les étudiants nationaux soit inscrite dans la loi. J’en profite pour rappeler que les étudiants français comme les autres jeunes Européens continueront à bénéficier de la gratuité de l’enseignement supérieur.

Comment expliquez-vous la faible mobilité internationale des étudiants Suédois ?
Il me semble tout d’abord que notre système de soutien financier aux étudiants met beaucoup de stress sur leurs épaules. Pour pouvoir continuer à bénéficier de cette aide le semestre suivant, ils savent qu’ils doivent réussir leurs examens Du coup, une expérience à l’étranger peut être considérée comme pas assez rentable. Il nous faut améliorer la qualité des programmes d’échanges afin que ceux-ci ne soient pas considérés juste comme une expérience amusante mais aussi utile pour leurs cursus.

Enfin, il faut trouver aussi des incitations pour encourager les enseignants à avoir cette expérience internationale. Chaque enseignant à l’université devrait avoir une expérience internationale ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Par exemple, en matière de formation au professorat, les formateurs sont bien souvent les moins engagés dans l’international. Il nous semble pourtant important que les jeunes générations bénéficient de cette ouverture le plus tôt possible. C’est un défi important.

(1) Depuis l’enregistrement de l’interview réalisée en décembre 2008, le projet de loi a été repoussé de même que son application, prévue pour 2011.

Biographie express Né en 1944, Peter Honeth est diplômé en droit de l’université de Stockholm (1975). Entre 1978 et 1990, il a occupé plusieurs postes au Ministère de l’Education suédois. De 1990 à 2006, il a été directeur de l’université de Lund, avant de devenir secrétaire d’Etat en 2006.

A LIRE
Un dossier de la Lettre de l'Etudiant "Etudiants étrangers en Suède : la mort programmée de l'eldorado ", paru le 6 avril 2009, n°943.

Propos recueillis par Mathieu OUI, notre envoyé spécial à Stockholm | Publié le