Rémy Fenzy (directeur de l’école nationale supérieure de la photographie d’Arles) : "Nous souhaitons créer un doctorat avec l'université d'Aix-Marseille"

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Créée en 1982 par François Mitterrand, dans la foulée des grands travaux de son premier septennat, l’Ecole nationale supérieure de la photographie d’Arles célèbre cette année ses 30 ans, par diverses manifestations. Déménagement, création d'un doctorat, insertion professionnelle des étudiants... L’occasion de faire le point avec son directeur, au moment du lancement des Rencontres d'Arles 2012 .

A l’occasion de son trentième anniversaire, l’ENSP est cette année l’invitée principale des Rencontres de la photographie d’Arles dont le programme s’intitule «Une école française ». Qu’est ce qui fait la spécificité de cette école française ?
L’établissement a vocation à former des photographes-auteurs et respecte toutes les sensibilités ce qui est très important. Chaque promotion compte 25 étudiants. Le candidat qui est retenu comme étudiant fait de ses études à l’ENSP un projet de vie qui dure trois ans. En deuxième année, ils sont invités à développer un projet personnel en fonction de leur sensibilité. A la différence de la célèbre école de Dusseldorf qui a formé de grands artistes mais qui est très orientée sur le marché de l’art, nous n’avons pas  d’idée préconçue. Cela signifie que toutes les esthétiques sont possibles : documentaire, publicitaire, photojournalisme, etc…

Vous évoquez cette notion de photographes-auteurs, pourtant on trouve parmi les anciens élèves, beaucoup de non photographes … 

"Nous nous arrangeons pour que chacun puisse trouver sa voie autour de l’image. Environ 40% de nos anciens ne sont pas photographes"

Effectivement, un étudiant peut se rendre compte qu’il ne deviendra jamais le photographe que tout le monde attend ! Nous nous arrangeons alors pour que chacun puisse trouver sa voie autour de l’image. Mais il est vrai qu’environ 40% de nos anciens ne sont pas photographes. On trouve parmi nos diplômés un conservateur de la photographie comme Clément Chéroux, de grands iconographes de presse ou l’édition, un responsable de collection au quai Branly, des chargés de conservation, etc.. Cette sensibilisation aux différents métiers de l’image en parallèle d’une pratique de la photo, existe depuis la création de l’école.

En tant qu’ancien élève, quel regard portez-vous sur l’école de 2012 ?
Je crois qu’il y a toujours une exigence très importante des enseignants autour du fait que, au-delà de la pratique, l’image doit se penser. Il s’agit de ne pas se laisser porter par son travail. L’enseignement s’appuie sur des concepts philosophiques, mais aussi littéraires, épistémologiques ou scientifiques, à travers nos relations avec l’ENS de Lyon, Paris 1, Paris 8, Aix-Marseille 1 ou l’INSERM. Bien entendu, étant sorti diplômé de l’école en 1988, la technologie a beaucoup évolué depuis et nous avons intégré le rapport à l’image numérique dans les enseignements.

Où en est-on du projet de déménagement de l’école au sein du parc des Ateliers SNCF ?

"Ce nouveau bâtiment est une question de survie. C’est un chantier d’un budget de 20 M €, l’équivalent d’un lycée"

Tout ce qui relève du programme a été validé par notre tutelle, le ministère de la Culture. La décision politique de lancer l’appel d’offres est encore en suspens mais nous gardons l’espoir d’une annonce ministérielle pendant les Rencontres de la photographie. Actuellement, nous disposons d’une surface de 2400 m2, et le nouveau bâtiment permettrait de disposer du double de surface et d’un centre d’archives photo. La mise en conformité du bâtiment actuel qui date du XVIII° siècle devrait coûter beaucoup d’argent et risquerait d’éteindre l’école par la perte d’espace. Pour nous, ce nouveau bâtiment est une question de survie. C’est un chantier d’un budget de 20 M €, l’équivalent d’un lycée.

Ce nouvel édifice permettrait quel genre de développements ?

Nous travaillons à la création d’un doctorat avec l'université d'Aix-Marseille, et notamment le laboratoire esthétique et sciences de l’art. Nous souhaitons nous inspirer du modèle anglo-saxon qui valide 80% de la recherche sur un travail plastique et 20% sur le travail d’écriture. Le système actuel du post-diplôme qui constitue un peu un refuge pour les étudiants inquiets de se lancer dans la vie active, n’est pas efficace. Sa durée, généralement inférieure à une année académique, est trop courte pour développer une recherche profonde. Le doctorat permettrait un travail de fond avec un suivi et un accompagnement réel. Le studio national des arts contemporains Le Fresnoy s’est également montré intéressé.

Vous souhaitez enfin développer l’ouverture internationale de l’école. Comment ?
Nous accueillons 17% d’élèves étrangers qui viennent de Colombie, des Etats-Unis ou du Canada. Nous avons aussi beaucoup d’étudiants en échange Erasmus mais qui ne séjournent que quelques mois. C’est pourquoi, nous aimerions ouvrir une classe internationale, d’une année, qui permettrait de suivre le cursus de seconde année. La participation financière des étrangers pourrait être plus importante mais cette question du financement est un sujet sensible pour un établissement public. Nous y réfléchissons. Ceci-dit, avec la formation continue, l’établissement est déjà engagé sur ce terrain. Nous recevons 400 stagiaires en moyenne par an, pour des modules de formation d’une ou plusieurs semaines. Le déménagement nous permettrait d’augmenter significativement ces activités. Actuellement, par manque de place, nous devons refuser des stagiaires.

Une année de manifestations
Invitée d’honneur des Rencontres d’Arles (du 2 juillet au 3O septembre), l’ENSP se voit célébrée à travers une trentaine d’expositions consacrées à ses anciens élèves et ses professeurs. Par ailleurs, une exposition est prévue en décembre au BAL à Paris. Un épais ouvrage «Qu’avez-vous fait de la photographie ?» présente les témoignages en textes et images, de 153 diplômés (Editions Actes sud, 49 €).  

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