Vous avez été nommée rectrice déléguée à l'Esri de la région académique Île-de-France en février et vous avez été confrontée rapidement à une crise sanitaire sans précédent. Comment le rectorat a-t-il traversé cette crise ?
Nous avons franchi quelques décennies de modernisation en quelques jours. Tout le monde ou presque est passé en télétravail, les secrétariats ont été dotés de nouveaux outils numériques et de portables. Vu l’urgence, tout n’a pas été parfait immédiatement, mais il faut vraiment saluer la mobilisation, l’efficacité et la compréhension dont chacun a fait preuve. Nous sommes satisfaits de cette adaptation même si c’est agréable de retourner sur le terrain, d’aller dans des comités de pilotage et des établissements.
Une partie du personnel est en présentiel depuis le 11 mai mais la majorité de l’activité reste à distance. Nous avons été contraints de nous adapter et cela va évoluer dans la durée. Je ne pense pas qu’on reviendra au présentiel à 100%, surtout quand on connaît les distances et temps de transport en région parisienne.
Quelle a été l'implication du rectorat auprès des universités ?
Nous avons joué un rôle de soutien aux établissements. Entre le 24 février et le confinement, il s’agissait de surveiller le nombre de cas dans les académies de Créteil, Paris et Versailles. Nous avons créé une adresse e-mail dédiée pour assurer ce suivi et servir de relais à la cellule de crise ministérielle. J’assurais aussi le lien avec l’agence régionale de la santé (ARS) pour qu’ils conseillent les établissements où des cas positifs avaient été déclarés.
Je ne pense pas qu’on reviendra au présentiel à 100%
Le 3 mars, j'ai organisé avec le recteur de région, Gilles Pécout, une réunion à la Sorbonne. Les établissements d'Ile-de-France étaient présents, ainsi que les organismes de recherche, les Crous, la Cité internationale universitaire de Paris et le directeur général de l’ARS. Il s’agissait de donner les informations disponibles sur l’épidémie et de lancer les PCA (Plan de continuité d’activité). Jusqu’à mi-mars, nous avons eu un rôle de conseil et d’interface entre les établissements et le ministère pour la construction de ces plans.
Nous avons mis à profit la période de confinement pour mener 18 dialogues de gestion stratégique sur des projets portés par les établissements. C'était aussi l’occasion de faire le point sur la situation sanitaire, l’arrêt des activités en présentiel, l’organisation des enseignements à distance, le type d’activité de recherche qui devait être maintenu en présentiel, les conséquences en termes de coûts et parfois de dangerosité de l’interruption des chantiers...
Nous avons aussi traité la question des examens, notamment de la PACES. Nous avons fourni les lieux, dates et horaires de ces examens à la préfecture de police et à la région car il faut aussi organiser la mobilité des étudiants vers ces lieux.
Nous sommes par ailleurs aux prémices d'une enquête nationale sur les économies et surcoûts engendrés par la crise sur les années 2020 et 2021. La première année, cela devrait s’équilibrer, mais en 2021 sûrement pas. Il y a notamment des surcoûts liés aux chantiers et aux équipements numériques.
La crise va-t-elle opérer des changements durables en matière de pédagogie ?
Je pense que cette crise aura une empreinte durable sur l’enseignement et la recherche. Dans le cadre du dialogue stratégique de gestion n°2, de nombreux projets présentés étaient liés à la crise et seront utiles dans la durée. Il s’agit par exemple d’équiper les amphis pour diffuser des enseignements en ligne, de prévoir des enseignements connectés à des tiers lieux, de construire des e-administrations, d’accélérer la mutualisation des pratiques et des équipements. Cela va s’inscrire dans le long terme et transformer le mode de fonctionnement des établissements. Nous allons vers une activité hybride, mais cela va avoir un coût.
Je ne vois pas comment nous pourrions revenir à l’ancien fonctionnement. Il y avait déjà un certain nombre de changements en cours, avec des nouvelles générations de profs nés avec les outils numériques. Cela a accéléré ce mouvement existant.
Je ne vois pas comment nous pourrions revenir à l’ancien fonctionnement.
Ces changements vont de pair avec une réflexion sur la limitation des déplacements, qui ont un coût financier et écologique. Il y a par exemple une réflexion sur l’internationalisation "at home", qui ne date pas du coronavirus. Comment penser l’international sans systématiquement prendre l’avion, faire des colloques en partie à distance ? Il doit être possible de conserver une internationalisation à haut niveau, tout en en baissant l’empreinte carbone.
Quelles sont vos actions à venir ?
Le CPER (contrat de plan État-région) va être relancé à la rentrée. Il y a eu un premier cycle de réunions avant Noël, mené par l’ex-vice-chancelier des universités de Paris. Le deuxième cycle de réunions va être repris au mois de juin et surtout en septembre, une fois que l’enveloppe sera définitivement arrêtée. Mais nous avons déjà eu des échanges nourris avec la Région Ile-de-France et le Préfet de région.
L’autre sujet, c’est le plan de relance. Nous avons fait remonter au ministère le résultat du travail engagé avec les établissements afin de déterminer ce qui peut être engagé rapidement. Nous avons reçu et transmis des propositions solides et de beaux projets, il faut maintenant avoir le cadrage définitif.
Enfin, nous travaillerons sur le dialogue stratégique de gestion n°1 entre septembre et novembre. Nous y aborderons la question des moyens nécessaires aux établissements pour l’année 2021, en lien avec l’enquête sur les conséquences de la crise sanitaire.