Supérieur : la crise sanitaire accélère la digitalisation des enseignements

Amélie Petitdemange Publié le
Supérieur : la crise sanitaire accélère la digitalisation des enseignements
Le principe de "campus hybride" présentiel et distanciel devrait se développer. // ©  DEEPOL by plainpicture
La crise du coronavirus a poussé les établissements vers les enseignements à distance. Au moment où le déconfinement est amorcé, nombre d'entre eux réfléchissent à des enseignements mêlant présentiel et distanciel. A l'instar de Sorbonne université et Sciences po Paris, dont les enseignements hybrides voient le jour plus vite que prévu.

L’épidémie de coronavirus et le confinement ont totalement modifié la façon d’enseigner. Si la digitalisation s’est faite à marche forcée, et parfois de façon chaotique, elle était souvent un objectif des universités. La crise sanitaire a accéléré le processus et a donné naissance à des innovations qui vont perdurer. C'est notamment le cas de Sorbonne université et Sciences po Paris qui s'orientent vers une hybridation des enseignements entre le physique et le numérique.

La naissance du "double campus"

A Sorbonne université, l’enseignement hybride a permis de maintenir les coopérations internationales pendant et malgré la situation sanitaire. "Nous avons testé ce modèle à l’international, notamment en Asie au début de la crise. Cette tendance va désormais croître au fil des mois", affirme Serge Fdida, vice-président développement international.

Forte de cette expérience test, l'université va repenser ses enseignements, avec une hybridation entre présentiel et distanciel. "Depuis plusieurs années, nous sommes engagés sur les cursus hybrides, étant donné la saturation de nos locaux. La situation nous oblige à aller plus vite, même si cela ne sera pas prêt dès le mois de septembre", explique Marie-Céline Daniel, vice-présidente de la commission formation et vie universitaire.

Cette digitalisation accélérée s’observe aussi à Sciences po Paris, qui a annoncé le lancement d’un “double campus” à partir du semestre d’automne 2020. Les étudiants auront accès à leur campus physique mais aussi à un campus numérique pour accéder à l’intégralité de la formation à distance.

Comme à Sorbonne université, l’idée n’est pas seulement de basculer les cours existants en ligne mais de repenser les cours pour les dispenser à la fois en physique et à distance. Ainsi, chaque discipline combinera distanciel et présentiel et les cours seront enrichis grâce à des ressources numériques. Les maquettes sont en train d’être repensées pour que ce modèle hybride soit applicable à tous les cours. Un dispositif créé pour un contexte d’épidémie mais dont les innovations pédagogiques ont vocation à être pérennisées, précise l'institution.

Un nouveau modèle d'enseignement hybride

Sorbonne université veut également opérer "une évolution durable". "C’est une pédagogie qui prend du temps à construire, nous sommes loin du cours enregistré", affirme Marie-Céline Daniel. Il ne s’agit pas de faire basculer le présentiel à distance, comme lors du confinement ou pour les cours magistraux de la rentrée. L’objectif est de construire de nouveaux enseignements sur ce modèle hybride.

Les cours seront majoritairement à distance, bien que l’hybride n’ait pas vocation à se substituer au présentiel. Les promotions se réuniront donc régulièrement sur le campus. Pour autant, le format des enseignements qui seront sur le campus est encore en cours de construction. Le reste du temps, ils assisteront à des cours en partie filmés, qui pourront être enrichis avec des liens vers des documentaires, des animations pour expliquer des équations… Les étudiants se connecteront par ailleurs sur un forum pour poser des questions. Enfin, le cours sera ponctué de quiz et de tests en ligne.

"Nous avons déjà quelques enseignements construits sur ce modèle à la fac de sciences. L’idée, c’est d’élargir à d’autres disciplines. Cela concernera en priorité les formations pluridisciplinaires et transverses", détaille Madame Daniel. Dans l’idéal, ces enseignements seront accessibles à partir de la rentrée 2021.

A Sciences po Paris, le campus physique fera la part belle aux activités en petits groupes : ateliers, tutorats, projets collectifs, travaux de groupes, activités associatives encadrées... Le campus numérique offrira quant à lui l'ensemble des contenus pédagogiques en ligne, avec des formats variés selon le type de cours (cours magistral, conférence de méthodes, ateliers, séminaire...).

Ce principe de "double campus" assurera "l’égalité d'accès à la formation pour tous les étudiants, quelle que soit leur localisation géographique", affirme l'école. Certains étudiants seront en effet sur place quand d’autres seront à distance. Ainsi, un cours pourra être donné sur le campus physique et en même temps sur Zoom.

Une transformation coûteuse

Ces innovations pédagogiques sont "efficaces mais chronophages et coûteuses", souligne Marie-Céline Daniel à Sorbonne université. "Il faut quelqu’un pour animer les forums, pour vérifier que les quiz sont faits…" Le budget de l’université sera par conséquent revu. Des financements IDEX seront notamment redistribués pour la création d’un studio d’enregistrement et pour soutenir les personnels qui développeront l’enseignement hybride.

La crise sanitaire devrait donc avoir un impact durable sur l'enseignement supérieur. Elle accélère l'innovation pédagogique et aura également des conséquences sur le travail du personnel enseignant et administratif.

"Cela a été une expérience douloureuse. Mais nous voulons en tirer profit pour travailler plus vite et mieux respecter le bien-être des personnels à l’avenir. Le télétravail sera donc construit à temps partiel pour permettre aux personnels de travailler un ou deux jours depuis chez eux", a annoncé mardi 12 mai le président de Sorbonne université, Jean Chambaz.

Amélie Petitdemange | Publié le