Sébastien Thierry (Agence 2E2F) : "Erasmus+ constitue une évolution plutôt qu’un véritable changement"

Propos recueillis par Mathieu Oui Publié le
Sébastien Thierry (Agence 2E2F) : "Erasmus+ constitue une évolution plutôt qu’un véritable changement"
Sébastien Thierry, directeur adjoint de l’agence 2E2F (Europe Education Formation France) // © 
Alors que le budget du nouveau programme Erasmus+ pour la période 2014-2020 doit être présenté au Parlement européen le 22 octobre 2013, Sébastien Thierry, directeur adjoint de l’agence 2E2F (Europe Education Formation France), revient sur les axes prioritaires de développement.

Pouvez-vous nous expliquer ce que regroupe exactement le nouveau programme Erasmus+ ?

C’est la mise en cohérence de l’action de l’Union européenne dans différents secteurs qui étaient jusqu’à présent disséminés entre plusieurs programmes. On retrouve, sous l’appellation Erasmus+, les actions pour l’enseignement supérieur (Erasmus), pour le scolaire (Comenius), la formation professionnelle (Leonardo), l’éducation pour les adultes (Grundtvig), celles du programme jeunesse en action, mais aussi de nouvelles initiatives liées au sport.

La nouveauté est une plus grande ouverture internationale, vers les pays tiers qui se situent en dehors des 33 participants au programme. L’idée est de développer la mobilité sortante des étudiants européens, dans d’autres zones du monde comme les pays émergents, par exemple en Asie ou Amérique latine.

Qu’est-ce que cela change pour les établissements ?

Erasmus+ est toujours structuré autour de la charte universitaire qui donne accès au programme et à l'obtention de bourses. Environ un millier de chartes ont été délivrées pour 2014. Ensuite, les établissements doivent adresser les demandes de financement annuel en respectant les délais de façon impérative. Mais désormais, il n'y a plus de formulaires papier : tout se fera en ligne pour un allègement et une simplification des procédures. Au final, Erasmus+ constitue davantage une évolution plutôt qu'un véritable changement.

L’idée est de développer la mobilité sortante des étudiants européens, notamment dans les pays émergents

Comment mobiliser de nouveaux publics ?

Cela reste le principal enjeu. L’une des priorités concerne les personnels administratifs, enseignants et encadrants, ceux qu’on appelle les "multiplicateurs de mobilité". Chaque année, la ligne budgétaire dédiée à cette mobilité des personnels n’est pas utilisée en totalité et nous transférons le reliquat sur celle des étudiants. Nous avons donc un potentiel de développement que nous devons exploiter. Il y a un travail de fond à mener de sensibilisation auprès des enseignants et personnels, travail que nous effectuons depuis trois ans. Il faut être capable aussi de mobiliser de nouveaux entrants, notamment dans les lycées qui restent encore peu représentés.

Comment comptez-vous agir concrètement sur ce point ?

Tous les petits établissements n’ont pas la capacité, par exemple en termes de ressources humaines ou techniques, de porter un projet seul. C'est pourquoi ils peuvent se regrouper en un consortium qui fonctionne un peu comme un guichet unique. C’est une possibilité qui existe déjà dans le programme actuel, mais que nous souhaitons développer.

Le porteur de projet, qui peut être un établissement ou une collectivité locale, se dédie à la partie administrative et financière, ce qui permet aux autres partenaires de se concentrer sur le volet pédagogique du programme. Ces consortiums de taille variable peuvent fonctionner sur une base territoriale ou sectorielle. En 2013, les 22 consortiums financés ont délivré à eux seuls 2.500 bourses, contre 7.000 pour les 743 établissements financés individuellement.

Pouvez-vous nous parler des partenariats stratégiques, une autre action clef du programme ?

A partir de 2014, ces partenariats stratégiques, qui existaient jusqu’à présent dans le champ de la formation professionnelle, sont élargis à d'autres domaines dont l’enseignement supérieur. L’agence sera chargée de la mise en œuvre de ces accords en France. Cela représente des possibilités nouvelles pour les établissements qui souhaitent s’investir dans l’ingénierie et l’innovation.

Ces projets doivent concerner au moins trois organisations de trois pays, porter sur des problématiques partagées (par exemple la question du décrochage en licence) et avoir pour objectif la création d’outils communs ou l’échange de bonnes pratiques. L’appel à propositions doit être dévoilé fin novembre 2013. L’investissement pour ces partenariats devrait être substantiel : de 20 à 25% du budget global d’Erasmus+, estimé à15 milliards d'euros pour 7 ans.

Avez-vous un objectif chiffré qui soit raisonnable ? En effet, le cap des 20% de mobilité étudiante d’ici 2020, fixé par la commissaire européenne à l'éducation Androulla Vassiliou, semble assez peu réaliste si l’on considère qu’Erasmus touche aujourd’hui 2% des étudiants français !

Nous n’avons pas d’objectif en tant que tel et Erasmus n' a pas pour but de financer à lui seul ces 20%. Depuis 1987, Erasmus a contribué à l’essor de la mobilité internationale dans le supérieur, qui se décline à travers d’autres programmes et instruments. Par exemple, le financement des conseils régionaux en matière de mobilité s’élève à plus de 100 millions d'euros annuels. En comparaison, le budget de l’agence française pour le programme européen pour l'éducation et la formation tout au long de la vie est de 109 millions d'euros en 2013. Il y a donc clairement un effet levier du programme Erasmus sur la mobilité.

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